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21/02/2016

Le problème de l'Androy n'est pas le manque d'eau

"Vous êtes Malgache, n'est-ce pas ? Je vous ai entendu parler. J'étais à Madagascar en 1955. Est-ce qu'il y a toujours des voleurs de zébus et des invasions de criquets ?".


Décembre 2000. Je suis dans un TGV en rail vers Monaco. Devant la beauté du paysage du Midi, je ne peux résister au plaisir de téléphoner à Madagascar pour partager ma joie. C'est ainsi qu'un vieux "vazaha", aux cheveux tout-blanc, m'apostrophe. "Le lendemain de mon mariage, je me suis embarqué pour Madagascar. C'est là-bas que j'ai passé ma lune de miel", confie-t-il. Sa femme, qui l'a rejoint, opine du chef. "Avec ma femme et notre fils, j'ai traversé tout le Sud, de Morondava à Fort-Dauphin, à pieds. Ma mission était de dresser une carte des nappes phréatiques de cette partie de Madagascar caractérisée par son aridité. C'est pas qu'il n'y a pas d'eau dans le Sud, son eau s'est simplement infiltré dans la terre. Il y a là un important réseau de rivières souterraines qu'il suffit de ramener en surface. Je les ai toutes répertoriées. Est-ce que ma carte a servi à quelques choses ?".
Ainsi donc, ce type a dressé l'hydrographie souterraine de l'Androy "tane mileven-drano". Est -ce que sa carte a servi à quelques choses ? Pas à ma connaissance. D'ailleurs, où est-ce qu'elle peut bien se trouver maintenant cette carte qui indique les emplacements des trésors de l'Androy ?
J'ai oublié le nom du "vazaha", je sais simplement qu'il habite à Saint-Raphaël, là où se trouve une petite communauté d'anciens de Madagascar. Et moi, dans mes recherches, j'ai compris une chose. L'Androy souffre d'une "kere" (famine) chronique non pas par manque d'eau, mais par un mauvaise gestion/exploitation de ses ressources hydrographiques, qu'elles soient souterraines ou en surface. Et il n'y a pas que dans l'Androy. C'est un problème qui concerne tout Madagascar.

La "kere" n'est pas une fatalité


Madagascar où "les ressources apparaissent très largement supérieures aux besoins, estimées à 355 milliards de m3 comme eaux de surface et 140 milliards de m3 comme eaux souterraines", selon une étude à lire ici. Une autre étude, d'Agir Madagascar, affirme que "seul 3% des ressources en eau douce exploitables sont exploitées" avant d'expliquer que la "kere" n'est pas une fatalité.
"Le commun du public pense que les problèmes en eau à Madagascar est une fatalité due aux conditions climatiques de certaines régions, ou bien aux manques de moyens matériels. Cependant, il n’en est rien. Dans d’autres pays plus arides, la population a plus facilement accès à l’eau potable grâce aux infrastructures mis en place et c’est le cas des pays du Proche et Moyen Orient. On pourrait être tenté de penser que cela serait du au fait que ces pays disposent actuellement de grands fonds pour mettre en œuvre ces infrastructures d’exploitation d’eau, mais gardons tout de même en esprit que bien avant leur essor politique avant la grande révolution de l’or noir, ils ont pu survivre et exploiter efficacement leur ressource en eau bien plus minimes que les nôtres dans nos régions les plus désertiques. D’autres pays de l’Afrique, sur la même échelle que nous en terme de développement économique ont pu remédier à leur mal de manque d’eau potable en déployant des systèmes comme des usines de désalinisation construites avec des containers et des pièces de récupération. Il ne reste plus que la mauvaise gestion des ressources alors qui peut expliquer le cas actuel dans lequel on est".



Tout ceci me revient en ce moment où dix ministres se sont concertés à Ambovombe-Androy, les 19 et 20 février 2016, pour trouver "des solutions durables pour les problèmes récurrents du Sud". Puisse la petite larme qui a trahi Onitiana Realy devenir une fleuve d'espoir pour mettre fin à l'aridité qui mine l'Androy.
"Est-ce qu'il y a toujours des voleurs de zébus et des invasions de criquets ?", me demandait le "vazaha" du TGV. C'est d'une voix honteuse que je lui répond que oui, plus de 50 ans après. Le "kere" est là aussi, aurait dit Mamy Gotso. A Madagascar, le temps s'est figé depuis 50 ans...

Randy

23:49 Publié dans Edito | Lien permanent | Commentaires (1) |  Facebook

Commentaires

Je suis Malagasy et très fier de l'être. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de problème dans le sud de Madagascar sauf que ce qui me gène c'est nos politiques. De telle situation a toujours existé la-bas mais les régimes et les personnalités ^politiques qui se sont succédées ont préféré regarder ailleurs. Je suis d'accord que ce ne sont pas ressources qui manquent mais c'est la volonté. En 2007, j'ai passé presque 03 mois dans les fins fonds de l'Androy, j'était surpris de rencontrer des Malagasy qui ont su garder leur authenticité, heureux de vivre, ils nous appelaient "vazah". L'Androy, un contré d'une rare beauté, la population, d'un sens de l'accueil extraordinaire. leur société a gardé un équilibre qui n'existe nulpart ailleurs dans toute l'île

Écrit par : Tovo Aina | 23/02/2016

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