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27/07/2008

Il aurait voulu être un artiste

J’ai appris la nouvelle par un SMS. « Tu peux nous refiler une bio de Herizo ? Il vient de mourir hier soir ! ». C’était vendredi 25 juillet 2008 dans la matinée. J’étais alors en route vers Antsirabe après avoir assisté à une festivité d’exhumation à Soanindrariny (Antsirabe). Et Dieu sait si une bio de Herizo exhume bien de choses. Plus triste maintenant que l’intéressé n’est plus là.Herizo Razafimahaleo.jpg

Je l’ai connu capitaine d’entreprise et conseiller à la Présidence sous Didier Ratsiraka. C’était avant de le rencontrer. J’ai alors répondu à la petite annonce d’une entreprise de presse qui cherchait « des journalistes de très haut niveau » dans plusieurs domaines. Et j’étais étonné de me voir convoqué devant un Herizo Razafimahaleo que je n’ai vu jusque là qu’en photo. Pendant trente minutes, on a parlé de tout, de rock malgache à la Banque mondiale, en passant par les instituteurs et autres sujets propres à me tester. C’est ainsi que j’ai intégré la rédaction  de « L’Express de Madagascar » sous le regard courroucé des « anciens », ceux qui étaient au journal depuis sa fondation. C’était le 9 mai 1996. Je serais resté sept ans à l’ombre de ce bon vivant dont la corpulence a déteint sur moi. Lors des deux premières années à Ankorondrano, je gagnais parfois 2 kilos par mois. Moi qui étais toujours, auparavant, le gringalet de service. C’est dire que je me plaisais à travailler sous les ordres de celui que les employés appelaient affectueusement « Big ».

En fait, sous les ordres est exagéré car Herizo Razafimahaleo, du moins lorsque j’étais déjà là, venait rarement au desk. Quand il avait quelques choses à dire, il prenait sa belle plume et signait JR, Jossicher étant son second prénom. Il aurait voulu être un journaliste, il a fondé un journal. Une guitare à la main, il aimait chanter « Hey Joe » à la grande joie de ses invités. Il aurait voulu être un artiste également. Il a érigé l’économie en art. « Comprendre l’économie » était une rubrique qu’il animait lui-même. Il voulait mettre cet exercice de haut vol qu’est l’économie à la portée de tout le monde. Il en avait les compétences  pour avoir fréquenté des universités aussi prestigieuses que Cambridge et Harvard. Ses diplômes sont authentiques, pas honoris causa arraché à coups d’influences comme pour certains.  Herizo voulait élever le débat que, malheureusement, d’autres avant lui (et cela ne fait qu’empirer) ont arrimé au ras du sol. Ce qui fait que ses discours politiques, il était deux fois candidat aux présidentielles, étaient généralement considérés comme réservés à l’élite. Ironie du sort.

Lorsqu’il a vendu « L’Express », j’ai changé de rédaction, quelque part à la recherche d’un boss aussi attachant que lui. Je n’aurais pas l’honneur de présenter mes condoléances à sa famille qu’il quitte précipitamment à 53 ans. Je me console donc à cet hommage en guise de « lambamena ». On dit que ce sont toujours les meilleurs qui partent. Herizo Razafimahaleo est enterré à Ambositra, sa ville ancestrale qui se trouve à 42 km de la mienne. Que l’âme de celui dont le nom de code auprès des journalistes est Bouddha repose en paix.