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14/10/2009

Crise politique, vanille et Chine : le triangle des Bermudes qui fait disparaître les bois de rose

Dénonciations, pétitions, révélations… Le pillage des ressources naturelles du Nord de Madagascar est en tête des infos émanant de Madagascar parallèlement à la crise politique. MFI en parle dans l’article ci-dessous. J’en profite pour apporter une petite explicationBois de rose.jpg préalable.

Ce trafic a toujours eu lieu avec la complicité du pouvoir en place, même sous Ravalomanana. Mais avec la Transition, il a enclenché la vitesse supérieure. La nature ayant horreur du vide, la déliquescence du pouvoir a permis à des trafiquants de tous poils de trafiquer du bolabola en toutes impunités. Mais il y a aussi la rapacité de certains dirigeants, telles ces deux chefs de régions qui ont donné le feu vert au trafic avec la bénédiction, semble-t-il, de Mahazoarivo.

D'un autre côté, il y a également une autre cause qu’il ne faut pas minimiser : la baisse du prix de la vanille. Fortement concurrencée par les productions océaniennes, notamment de la Papouasie où des techniciens malgaches veillent au développement d’une culture vanillière favorisée par un climat plus adéquat ; plombée par les pratiques malhonnêtes de certains exportateurs, essentiellement d’origine chinoise, qui mélangent des vanilles « aux normes » avec d’autres non commercialisables et boudées, enfin, par des importateurs qui ne viennent plus par crainte d’insécurité, la vanille malgache voit sa cote chuter sur le marché international. Résultat : les revenus des paysans de la Sava diminuent. Pour joindre les deux bouts donc, ils grossissent par dizaine de milliers le rang des abatteurs d’essences précieuses dont regorge la forêt du Masoala.

Autrement-dit, crier au scandale est un bon début. Encore faut-il trouver également une solution à ce problème économico-social qui prend la population du Nord de Madagascar à la gorge. Pire, le trafic continuera, même si on aura trouvé une solution aux problèmes locaux, tant que le bois de rose trouve preneur à l’étranger. En Chine pour être plus précis. Voilà pourquoi, malgré les interdits et tous les accords du monde, on continue d’abattre les éléphants et les rhinocéros, que l’on continue à vider nos réserves halieutiques et que l’on massacre au Darfour…

(MFI) A Madagascar, la coupe et l’exportation illégales du bois de rose sont toujours des activités florissantes. Ce trafic dévastateur reste possible pour cause d’instabilité politique, qui rend les gouvernements successifs incapables de tenir leurs engagements.

Au début du mois d’octobre, affaire rocambolesque dans les eaux territoriales et portuaires de Madagascar : un navire chargé d’une cargaison de bois de rose, qui devait quitter la Grande île, a finalement été bloqué. Le bateau est arraisonné à Tamatave après avoir quitté en douce le port de Vohémar, dans le nord de l’île, d’où s’échappe une bonne partie du bois de rose illégalement coupé à Madagascar. Selon des sources bien informées, ce sont près de 10 000 tonnes de ce bois précieux qui auraient été exportées depuis le début de 2009. Une plateforme malgache, Voahary Gasy, regroupant 27 associations locales, réclame d’ailleurs l’arrêt de « la destruction » organisée « des ressources naturelles et de la biodiversité de Madagascar ».

Ces chiffres sont officieux. Car officiellement, l’équipe précédemment au pouvoir avait donné en janvier 2009 une dérogation exceptionnelle portant sur un volume maximal de 1 500 tonnes de bois soi-disant « cycloné », c’est-à-dire d’arbres abattus par la tempête. Ce commerce illégal, dévastateur pour l’environnement, devait ensuite enfin prendre fin. Mais avec le flottement provoqué par l’instabilité politique, une douzaine d’exportateurs sont passés à la vitesse supérieure. Sortir 20 tonnes de bois de rose de la forêt pour le charger dans un conteneur au port coûte 50 000 dollars. Le ticket de sortie qui permet d’exporter, c’est-à-dire le bakchich, a été négocié à 30 000 dollars, selon une source proche du milieu du négoce. Les principaux clients, les Chinois de Hong Kong, sont prêts à payer in fine 220 000 dollars le conteneur.

 

Une manne pour les finances publiques

 

Comme les précédents, le gouvernement aujourd’hui sur le départ a tenté de mettre un terme à cette hémorragie. Dernière décision en date du 21 septembre : une nouvelle dérogation exceptionnelle pour 335 conteneurs. Moyennant le paiement d’un impôt extraordinaire de 72 millions d’ariarys, soit 35 000 dollars par boite. Pour les finances publiques exsangues, cette manne est la bienvenue. Ayant déjà acquitté de copieux pots-de-vin, des exportateurs ont cru pouvoir s’affranchir de cet impôt. D’où le voyage rocambolesque du bateau affrété par CMA-CGM et aujourd’hui arraisonné à Tamatave : 91 conteneurs de bois de rose ont été débarqués, dont une douzaine n’avait même pas été déclarée aux autorités portuaires. La course contre la montre pour ramener le bateau vers les côtes malgaches à coup d’ordre et de contre-ordre des autorités locales aura duré trois jours. C’est maintenant au Premier ministre du gouvernement de transition, Eugène Mangalaza, nommé le 10 octobre, de gérer ce dossier et de mettre si possible un terme à un pillage bien rodé.

Dominique Baillard