Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

22/10/2008

Madagascar fait du yo-yo avec la liberté de la presse

Madagascar figure à la 94è place ex aequo avec le Burundi (!!) sur le classement annuel de la liberté de la presse établi par Liberté de la presse.pngReporters sans frontières (RSF). Il s'agit de la deuxième plus mauvaise performance de Madagascar en la matière depuis l'établissement de ce classement en 2002. Cette année là, la Grande île était classée 65è sur 139 pays, puis 46è sur 166 pays entre le Japon et le Cap Vert en 2003, chute libre à la 72è place sur 167 pays, entre le Niger et le Burundi en 2004, regression confirmée en 2005 à la 97è place entre la Jordanie et la Turquie, avant de se ressaisir en 2006, 66è entre Centrafrique et le Togo, puis 62è ex aequo avec le Hong-Kong en 2007.

La progression de Madagascar, en 2007, a suscité l'ire des défenseurs locaux de la liberté de la presse pour qui Madagascar ne mérite pas cette place après une série d'expulsions de journalistes étrangers, de fermeture de stations de radio et des censures déguisées, pour ne pas dire menaces, sur des journalistes un peu trop entreprenant. Le commentaire de RSF, ci-dessous, a été quelque peu "chamboulé" par mes soins, mais sans que j'y ai changé une virgule.

 

Ce n'est pas la prospérité économique, mais la paix qui garantit la liberté de la presse. Tel est l'enseignement principal du classement mondial de la liberté de la presse, établi comme chaque année par Reporters sans frontières, et dont l'édition 2008 est rendue publique le 22 octobre. L'autre conclusion tirée de cette liste, où l'on trouve une nouvelle fois en dernière place le "trio infernal" Turkménistan (171e), Corée du Nord (172e), Erythrée (173e), est que le comportement de la communauté internationale envers des régimes autoritaires comme Cuba (169e) ou la Chine (167e) n'est pas assez efficace pour donner des résultats.

L'autre maladie qui ronge les démocraties et leur fait perdre du terrain dans ce classement est la corruption. Le mauvais exemple de la Bulgarie (59e), toujours lanterne rouge de l'Europe, rappelle que le suffrage universel, le pluralisme des médias et quelques garanties constitutionnelles ne sont pas des critères suffisants pour parler valablement de liberté de la presse. Encore faut-il que le climat soit favorable à la circulation de l'information et à l'expression des opinions. Les tensions sociales et politiques au Pérou (108e) ou au Kenya (97e), la politisation des médias, comme à Madagascar (94e) ou en Bolivie (115e), ou encore les violences dont sont victimes les journalistes d'investigation au Brésil (82e), sont l'illustration de ce poison qui gangrène les démocraties émergentes. Et le fait que ceux qui , dans une totale impunité, enfreignent la loi pour s'enrichir, et punissent les journalistes "trop curieux", est un fléau qui maintient plusieurs "grands pays" à des positions honteuses (le Nigeria est 131e, le Mexique, 140e, l'Inde 118e).

La liste établie pour la période allant du 1er septembre 2007 au 1er septembre 2008 met non seulement en évidence la place prééminente occupée par les pays européens (les 20 premières places sont tenues par les pays de l'espace européen, à l'exception de la Nouvelle-Zélande et du Canada), mais également la position très honorable de certains pays d'Amérique centrale et des Caraïbes(…) Les petits pays caribéens se classent même bien mieux que la France (35e), qui recule encore cette année en perdant quatre places, ou que l'Espagne (36e) et l'Italie (44e), deux pays toujours plombés par la violence mafieuse ou politique. Selon les critères retenus pour ce classement, il ne manque qu'un point à la Namibie (23e), un grand pays pacifié d'Afrique australe, qui se classe cette année en tête des pays africains devant le Ghana (31e), pour entrer dans le peloton des vingt pays les mieux classés.

Le point commun des pays du peloton de tête, aux disparités économiques immenses (le ratio entre le PIB par habitant de l'Islande et celui de la Jamaïque est de 1 à 10), est d'être gouvernés par un système démocratique parlementaire. Et, surtout, de n'être pas engagés dans une guerre.

Or, tel n'est pas le cas pour les Etats-Unis (36e sur le territoire américain, 119e hors territoire américain), Israël (46e sur le territoire israélien, 149e hors territoire israélien), où, pour la première fois depuis 2003, un journaliste palestinien a été tué par des tirs de l'armée.

La répression de l'Internet est également l'un des révélateurs de ces tabous tenaces. En Egypte (146e), des manifestations initiées sur Internet ont agité la capitale et inquiété le gouvernement, qui considère aujourd'hui chaque internaute comme un danger potentiel pour le pays. L'usage du filtrage est chaque année plus important et les Etats les plus répressifs n'hésitent pas à emprisonner les blogueurs. Si la Chine reste première au palmarès des "trous noirs du Web", déployant des moyens techniques considérables pour contrôler les internautes, la Syrie (159e) est devenue championne régionale de la cyber-répression. La surveillance y est tellement poussée qu'après la moindre publication critique, l'arrestation n'est qu'une question de temps.

Commentaires

La liberté de la presse, voire la liberté d'expression tout court dans ce pays, n'est qu'une vue de l'esprit, un voeu pieux voué à le rester au fil des ans. C'est ainsi que quand des paramètres défavorables d'ampleur même ridicule viennent s'ajouter à ce fait, le classement du pays selon RSF ne peut que le renvoyer encore plus bas dans le tableau, d'année en année.

On fait de la presse pour faire bourgeois, pour se la jouer aristo à deux sous ou pour se donner des airs d'intello aux idées refoulées. Ca n'est jamais le coeur de métier d'un industriel malgache (au sens général, et qui ne l'est plus depuis quelques temps d'ailleurs, tellement il s'est fait dépasser par les importations sauvages qu'il n'a vu venir qu'en même temps que les ménagères qui vont faire leurs emplettes à Behoririka).

Alors, quand un apparatchik du régime Ravalomanana (d'ailleurs pourquoi dit-on régime comme dans l'ancien temps des Soviets et non administration ou gouvernement ?) montre un peu plus de dents, ça frissonne de peur dans les salles de rédaction. Et quand c'est le rédacteur en chef ou le directeur de l'information qui diffuse la peur, l'article, la voix off sent l'autocensure à plein nez. Un peu de "felaka" (vous savez, c'est cette petite enveloppe pour laquelle on signe entre deux verres lors du cocktail obligatoire en fin de conf de presse) de la part de la maîtresse-attachée de presse de tel ministre ou directeur aura vite fait de sceller le sort du papier.

Régime autoritaire illuminé par des pensées liberticides, patrons de presse plus industriels au dénuement intellectuel avéré que gens de presse avisés, journalistes corrompus et mal formés (même pas corporatistes) servent ensemble du jus de fiel "press"é à un public goguenard et à 60% analphabète.

Madagascar a la liberté de la presse qu'elle mérite, et tout le monde se plait dans ce jeu de dupe. C'est un pays habitué à se camoufler au bas de tous les classements sauf de celui du plus pauvre (avec le Danemark tout en bas, si jamais un tel classement existe). Robert Ménard et consorts auront beau espérer un revirement, cela ne se fera pas.

Ou il faudrait que RSF publie un autre classement : celui de pays dans lequel régime, patrons et journalistes se reconnaissent ouvertement liberticides (à faire de façon anonyme tout de même). Nul doute que Madagascar figurera en bonne place en haut du tableau, entre l'Erythrée et le Turkménistan. Info à relayer dès le lendemain de sa publication, comme il se doit, sur toutes les unes des journaux et que l'audiovisuel public en perpétuel otage ne manquera pas d'asséner à chaque édition du JT, les commentaires incontournables du ministre omniprésent et omnipotent faisant foi.

Dernière trouvaille du régime : qualifier de "terroristes" des commentaires dans ce genre-ci. Personne n'a rien eu à redire si ce n'est qu'un ou deux éditos publiés dans L'Express de Madagascar. Pour les autres, c'est un précepte d'une vérité absolue et qui conduit droit à la survie alimentaire.

Rendez-vous l'an prochain, dans les abysses des classements...

(Merci de corriger le titre : "Madagascar fait..." au lieu de "Madagascar fais..." Sinon, c'est un blog excellent !)

Écrit par : mediachild | 24/10/2008

Meric pour votre réaction. Merci également pour la petite note de correction. C'est fait d'ailleurs.
Le monde des médias vous intéresse manifestement. Et bien, petite mise à jour, Robert Menard a démissionné de son poste de Secrétaire général de RSF pour d'autres projets en septembre. Il est remplacé par Jean-François Julliard, Jeff pour les intimes, qui s'est occupé un moment de la section Afrique. C'est dire que Jeff connaît bien Madagascar.
Santé !

Écrit par : Randy Donny | 25/10/2008

Les commentaires sont fermés.