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03/09/2013

Marc Ravalomanana : la fin du "minono fotsiny ihany"

On ne sait pas encore qui sera le vainqueur des prochaines élections présidentielles. Mais d’ores et marc ravalomanana,madagascar,andry rajoelinadéjà, on sait qui en est le grand perdant. Telles qu’elles se dessinent actuellement, elles entérinent la déroute politique de Marc Ravalomanana, du moins pour le moment. Reste à savoir s’il saura faire le Phénix. Empêché de revenir dans le pays à coups de NOTAM ; empêché de se présenter par des processus judiciaires dont le déroulement a fortement métissé la Justice avec la Mascarade ; puis empêché d’avoir le représentant de son choix avec les manœuvres dilatoires pour faire obstacle à la candidature de Lalao Ravalomanana, l’ancien Président sera donc totalement absent du prochain scrutin. Et ce, même si certains abrutis manipulateurs tentent de faire passer le message d’une présence de la mouvance Ravalomanana par le biais de plusieurs dignitaires de l’ancien régime ou de la mouvance Ravalomanana.

Trois raisons à la déroute politique

Quoique l’on puisse dire, il y a déroute politique de Marc Ravalomanana. Elle est beaucoup plus le résultat d’erreurs de jugements de sa part, que d’une quelconque capacité stratégique de la part d’Andry Rajoelina, et seuls ceux atteints du syndrome psychiatrique du Rabbi K. Miossey affirmeront que la défaite d’une partie ne peut être que le fruit de la supériorité intellectuelle de l’autre. Certains creusent eux-mêmes le trou dans lesquels on n’a plus qu’à les pousser.

Les principales erreurs de Marc Ravalomanana et ses partisans sont au nombre de trois.

La première, c’est d’avoir mélangé dévotion naïve et stratégie politique. Le « minoa fotsiny ihany » (il suffit de croire) de 2002 avait des allures répréhensibles d’opium du peuple. Appeler le peuple à « croire simplement » était pour moi un appel suspicieux envers la population pour qu’elle s’abstienne de réfléchir, et d’attendre que les choses se fassent d’elles-mêmes, pendant que d’autres réfléchissent à sa place. Pour le laïc forcené que je suis, doublé d’un cartésien adepte du doute, il faut laisser la foi dévote et les bigoteries dans les affaires de l’Église, et non dans le domaine de la politique.

Si le « minoa fotsiny ihany » a semblé fonctionné pendant la crise de 2002, c’est parce que Marc Ravalomanana avait certains avantages sur le terrain, qu’il n’avait plus en 2013. Continuer à adopter le « minoa fotsiny ihany style » ne pouvait que mener sa Mouvance de désillusions en déconvenues : espérer le retour de Marc Ravalomanana, annoncé périodiquement (et en vain) depuis … 2009 pour « très bientôt » ; puis espérer que la SADC allait réussir à imposer ce retour ; puis encore espérer que les arguties juridiques pour noyer le poisson de la fameuse règle électorale des six mois de résidence allaient passer ; puis enfin, espérer que la demande de candidat de substitution présentée hors des délais légaux pour le faire allait être acceptée par la Cour électorale spéciale (CES).

Le deuxième paramètre est un ahurissant manque de capacité à lire une situation politique, et à s’y adapter au moment adéquat. Résultat, Marc Ravalomanana a toujours eu un temps de retard depuis l’élection de Rajoelina à la Mairie de la Capitale. Alors que lui et ses supporters devaient comprendre que cette défaite de leur poulain Hery Rafalimanana était un vote-sanction contre le régime, ils ont continué à multiplier les avanies contre le DJ, le faisant ainsi bénéficier des bénéfices de cette martyrisation ; tout en continuant leur comportement arrogant dans la gestion du pays qui commençait à irriter l’opinion publique. Puis, quand la crise a commencé, au lieu de comprendre qu’il fallait lâcher du lest, ils ont multiplié les bravades alors qu’ils avaient manifestement perdu le soutien de la rue. Non pas que les pro-Rajoelina étaient majoritaires, mais plutôt parce que les pro-Ravalomanana restaient tranquillement chez eux en espérant que la Révolution orange allait cesser du jour au lendemain, par la magie du « minoa fotsiny ihany ».

Puis après la réussite du coup d’État, ils ont refusé de voir que les militaires, les magistrats et les hauts fonctionnaires qui avaient fait allégeance au régime actuel allaient tout faire pour assurer son maintien, par la manipulation des armes ou la perversion du Droit. Pour certains, il pouvait s’agir d’un phénomène de corruption, avec des avantages et cadeaux pour ceux qui montrent une servilité à toute épreuve. Mais cela n’est pas l’unique raison. Marc Ravalomanana a humilié, limogé, et fait du mal à tellement de monde, que ce « tellement de monde », une fois en capacité de le faire, s’est fait un plaisir et un devoir de lui mettre des bâtons dans les roues, par esprit de vengeance, même sans avoir à être corrompu.

Dans ce contexte, espérer que le retour de Marc Ravalomanana serait possible et faisable ne pouvait que mener vers une illusion. Et enfin, par rapport aux élections présidentielles, le choix de Lalao Ravalomanana comme représentant était à l’époque un excellent choix tactique. Mais une fois que le régime Rajoelina a démontré qu’il ne s’embarrasserait d’aucun scrupule pour y faire obstacle, la mouvance Ravalomanana aurait dû se mettre à bâtir un plan B, au lieu d’insister dans une voie qui se révélait être sans issue. Mais à force de persister dans le « ou Neny, ou rien », la mouvance s’est retrouvée avec rien.

Le troisième paramètre, et en cela Marc Ravalomanana ressemble à Didier Ratsiraka, c’est qu’il n’a jamais envisagé de préparer sa relève politique, espérant une présence au pouvoir ad vitam aeternam. Leur ego hypertrophié leur a toujours fait considérer qu’ils étaient uniques, et ils se sont arrangés pour limiter les envergures et les ambitions de leur entourage, afin que personne ne puisse leur faire de l’ombre. Au final, quand le cours de l’Histoire les a subitement dégagé, il n’y a eu personne qui s’est révélé prêt et capable de jouer le rôle de remplaçant, ce qui oblige les équipes à du bricolage sur la base des lambeaux, tant en 2002 pour le parti AREMA de Ratsiraka, qu’en 2009 pour le parti TIM de Ravalomanana. Et il était pitoyable de voir certains passer en revue les titulaires du patronyme Ravalomanana pour voir qui pourrait être candidat à la place de Marc : Lalao ? Tojo ? Sarah ? [1] Comme si, à part ceux qui portaient ce nom, c’était le désert complet, et que l’héritage politique devait obligatoirement se considérer comme un patrimoine de famille, à la bonne grosse sauce africaine. Et le plus ridicule pour les « zanak’i Dada » en manque de repères, c’est qu’au fil de la crise, ils se sont raccrochés à des espoirs générés par des anciens mutins, tels que la mutinerie à la BANI avec Noel Rakotonandrasana et compagnie, ou encore les pseudo amendes honorables de Charles Andriantsoavina, devenues parole d’évangile pour beaucoup de pro-Ravalomanana. Il fallait vraiment que les supporters de Ravalomanana soient désespérés pour se raccrocher à ce genre de personnes, surtout après ce qu’il a leur fait.

L’absence de la Mouvance Ravalomanana de la dynamique des élections présidentielles risque de la mettre en veilleuse, si elle n’arrive pas à retomber sur ses pieds. De plus, le phénomène de désertion au sein des rangs de la Mouvance risque de s’accentuer, car certains vont certainement préférer voir si l’herbe n’est pas plus verte ailleurs, chez d’autres candidats (« tsy mitaingina soavaly maty »). Depuis 2009, combien de leaders légalistes, de membres éminents du GTT, et d’anciens hiérarques du TIM ne sont-ils déjà « passés à l’ennemi », pour le plaisir des postes et des avantages ? Enfin, il ne faut pas oublier que la complicité entre certains acteurs de la communauté internationale et les auteurs du coup d’État s’est basée sur un intérêt commun : écarter Marc Ravalomanana de la vie politique du pays. Il est à prévoir que cette collusion ne se perpétue encore un certain temps pour éviter le retour trop précoce de Marc Ravalomanana, de façon à ce que sa notoriété s’étiole en exil, et qu’il finisse par ne plus représenter un poids politique capable d’un retour en zone.

Quels choix pour le futur proche ?

Aujourd’hui, il faut que la mouvance Ravalomanana fasse des choix sur le présent. Même si une certaine logique le voudrait, de mon point de vue elle ne doit pas quitter les institutions de transition, pour continuer à exister et ne pas disparaître complètement du paysage politique. Cela lui permettra de sauver les meubles et de préparer l’avenir. Car elle doit également faire des choix pour le futur, et a trois possibilités pour se reconstruire.

La première est de faire le dos rond, oublier les présidentielles (voire même les boycotter, ce qui serait à mon avis la solution la plus intelligente), et travailler sur les autres élections à venir : les législatives et les communales. C’est à travers le Parlement qu’elle pourrait, si elle en est capable, démontrer qu’elle représente encore une force avec laquelle compter. Et si elle s’y prend bien, les portes de la Primature pourraient lui être ouvertes. Si j’avais été le stratège politique de Lalao Ravalomanana, je lui aurais en plus suggéré fortement de se présenter aux municipales d’Antananarivo. Dans le contexte actuel, c’est une victoire quasi-assurée, avec des bénéfices politiques à court, moyen et long terme.

La deuxième, c’est de s’engager dans des mouvements de rue pour faire obstacle au processus électoral en cours. À mon avis, solution à éviter, car non seulement elle aura des résultats aléatoires, mais en plus, elle risque plus dans le présent contexte de fragiliser la mouvance que de la renforcer. La plupart des va-t-en-guerre sur les forums se trouvent à 10.000 km du théâtre des opération, et ceux sur place sont très courageux, mais juste grâce à l’anonymat devant leur écran. D’ailleurs, les affluences maigrichonnes des deux tentatives qu’elle a organisée il y a dix jours à Ambohijatovo, puis à Ankorondrano, l’ont obligée à inventer une annulation de dernière minute. Il y a certes des dynamiques qui sont en train de s’enclencher pour appeler à des manifestations de protestation contre les élections, que ce soit sur internet (Wake Up Madagascar, blogueur Pakysse etc), mais aussi à la radio, surtout avec la récente intervention d’Onitiana Realy sur Radio Plus [2]. Mais ces dynamiques sont surtout apolitiques et basées sur une volonté d’expression de la citoyenneté, et je doute fort qu’elles acceptent de prendre une coloration partisane pro-Lalao Ravalomanana. La mouvance éponyme ne devrait donc pas trop rêver dessus pour le moment.

La troisième solution pour la mouvance Ravalomanana, c’est de s’accoupler lors des présidentielles avec un des Ravalomananistes défroqués (Radavidson Andriamparany, Rajemison Rakotomaharo, Fetison Rakoto-Andrianirina) ou l’un des supposés Ravalomananistes tels que William Ratrema ou Jean-Louis Robinson. Pari risqué, car la mouvance ne serait pas en position de force pour négocier à son avantage. Mais il est évident que celui qui se ferait adouber par Marc Ravalomanana monterait immédiatement à la catégorie supérieure, de celle des sans aucune chance à celle des candidats sérieux. Reste à savoir lequel d’entre ceux qui espèrent cet adoubement pourrait le capitaliser, et avoir la force mentale et l’envergure nécessaire pour faire jeu égal avec ceux dont les campagnes aux moyens illimités sont financées par les opérateurs de bois de rose et les racketteurs d’entreprise minières.

Enfin et surtout, Ravalomanana et ses supporters doivent admettre que le combat politique est une affaire de politique, et pas de dévotion aveugle et stupide. Le « Minoa fotsiny ihany » a montré ses limites, et contrairement à l’ancien roi du yaourt, c’est maintenant le DJ qui boit du petit lait. Rajoelina, qui rêvait d’effacer par les urnes l’infamie de son image de petit putschiste pour gagner une respectabilité de chef d’État élu, est aussi un perdant de ces élections en ne pouvant pas se présenter. Mais malgré tout, l’envergure de la déroute de Marc Ravalomanana n’a rien à avoir avec cette défaite du DJ, qui a encore plusieurs avantages dans la situation présente. À commencer par la possibilité de son plaisir ultime : être accueilli en tant que chef d’État à la 67ème session de l’Assemblée générale des Nations unies à New-York à partir du 17 septembre 2013, pour y prononcer un de ses habituels discours creux, où il va sans doute se permettre de donner des leçons de démocratie (si ce n’est une allocution plagiée, comme il y a quelques années).

En espérant que le Red’Chef et le modérateur soient encore en vacances, je me permettrai une chute un peu triviale, que je prie les lecteurs de me pardonner d’avance. Minonoa fahatany eo ihany. Avis donc à ceux qui se complaisent à chercher leur plaisir en faisant le « minono fotsiny ihany » : à force de telles pratiques naïves, on finit par se faire avoir bien profond, et sans vaseline. Dia aza misy miteniteny.


lundi 2 septembre 2013, par Ndimby A. in www.madagascar-tribune.com

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