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28/01/2020

“Qui a peur du HCDDED a peur de la Démocratie et de l’Etat de droit”

Interview paru dans le n° 003, mai 2019, de "Demokrasia", le magazine du HCDDEDHCDED, Randy Donny, Demokrasia, Madagascar

Le Haut Conseil pour la Défense de la Démocratie et l’Etat de Droit (HCDDED) est prévu par la Constitution de 2010. Mais à cause de manipulations politiques, il n’a réellement pu être opérationnel que récemment. Le Haut Conseiller Randy Donny en est le Rapporteur Général. Entretien.

HCDED, Randy Donny, Demokrasia, Madagascar

* Le HCDDED est prévu par la Constitution de 2010. Mais il n’a pu être opérationnel que récemment. Quelles en sont les raisons ?

° Randy Donny : Peut-être parce que le pouvoir en place à l’époque n’aimait pas la Démocratie et l’Etat de droit ? (rires). Non, sérieusement, il y avait effectivement un décalage entre l’élection des membres, en majorité en 2016, et la mise en place effective du HCDDED, en mars 2018. Vous savez, le HCDDED figure dans la Loi des finances dès 2017 ! La raison en est que les tenants du pouvoir, comme c’est souvent le cas, voulaient s’assurer si ce nouvel organe constitutionnel allait les déranger ou pas. D’autant plus que le régime d’alors n’appréciait pas beaucoup certains des membres élus au sein du HCDDED. Fort heureusement, il fallait respecter la Constitution et Iavoloha a finalement sorti le décret constatant l’élection et la nomination des membres du HCDDED un mois avant la grande manif’ des 73 députés en 2018. D’autant plus que le HCDDED a un quota de représentants au sein de la Haute cour de justice. Vous avez remarqué que le retard dans l’érection de la Haute Cour de Justice faisait partie des arguments de requête en déchéance du Président de la République par les 73 députés !

* Ce retard a-t-il entrainé des conséquences fâcheuses sur la réalisation des missions de l’organe ?

° Bien entendu ! La mission du HCDDED est vaste et de longue haleine ! Or, c’est un organe nouvellement créé. Nous en sommes donc les pionniers. Et comme tel, il fallait tout créer : le Règlement intérieur, l’organigramme, le Plan stratégique, sans parler de l’administration et de la logistique... C’est basique, mais c’est nécessaire pour la pleine réussite de la mission. Comme tout organe, il faut du temps pour que le mécanisme soit bien huilé. C’est à l’image de la Démocratie : rien n’est parfait d’avance, c’est un système en permanente construction.

* L’organe a-t-il les moyens de ses ambitions ?

° Je dirais que non ! Le HCDDED a un budget tellement riquiqui que plus de la moitié est absorbé par les dépenses de fonctionnement ! D’autre part, nous avons hérité d’un hangar désaffecté en guise de siège et nous en sommes encore en plein travaux de réhabilitations. Il fut un moment où on n’avait même pas d’endroit pour se réunir.

* Comment travailler dans ces conditions ?

° Le système D comme débrouille et la bonne volonté de chacun des membres ! Par exemple, le HCDDED, tout organe constitutionnel qu’il est, ne dispose pas de voitures. Alors, chaque membre utilise la sienne propre pour les déplacements. Heureusement que chacun en a avant d’être élu au HCDDED d’ailleurs ! Il en est de même pour les moyens de communication... Personnellement, pour mes réunions de staff, j’emmène mon équipe dans le café d’une station-service et on y travaille tout en passant du bon temps !

* Pourtant, le chantier de la Démocratie, l’Etat de droit et les droits de l’Homme est aussi vaste que le territoire de Madagascar.

° Oui. Le problème est que les gens ne réalisent pas encore très bien l’importance de la Démocratie, de l’Etat de droit et les droits de l’Homme dans le processus de développement. D’où les faux débat récurrents sur ce sujet. D’un autre côté, la balance des pouvoirs, ce que les Américains appellent check and balance, n’est pas encore bien comprise à Madagascar. Chaque pouvoir cherche en permanence le moyen d’avoir la primauté sur les autres. Dans ce cadre, le HCDDED, qui a pour mission d’y mettre le holà est un peu perçu comme un cheveu dans la soupe ! Alors, on le laisse dans le dénuement pour qu’il ne grandisse pas trop vite.

* Quelle est donc la priorité de l’organe pour le moment ?

° Personnellement, je suis un peu réticent à émettre un classement de priorités car tout est prioritaire ici en ce moment ! Tout doit être traité en urgence tant la déconstruction a pris du terrain à Madagascar : la discipline, la bonne gouvernance, la corruption... Je vais vous dire une chose : selon une étude de l’International Country Risk Guide, il faudra 12 à 20 ans pour redresser la qualité de l’administration à Madagascar, 14 à 27 pour éradiquer la corruption et 10 à 17 ans pour améliorer la sécurité et la politique !
Heureusement que le Malgache a bon dos. Cela peut étonner mais l’espérance de vie à Madagascar est plus longue, 65,5 ans, qu’au Rwanda, 64,5 ans, et même en Afrique du Sud, 57,4 ans.

Ceci dit, le HCDDED est composé de quatre commissions : Commission de Défense des valeurs démocratiques et de l’éthique politique, Commission de Défense de l’Etat de Droit, de la Bonne Gouvernance et de l’harmonisation des lois avec les instruments internationaux, Commission de Contrôle, de la Promotion et de la Protection des droits de l’Homme et Commission de l’information, Education, Communication et des Relations avec les Institutions. Chaque commission traite les plaintes et autres doléances correspondantes à sa mission, nous en recevons régulièrement au quotidien, mais le HCDDED peut également faire une auto-saisine sur un sujet le cas échéant.

* Vous faites partie du 4ème pouvoir, car vous êtes le représentant de l’ordre des journalistes au sein de l’organe. Quel est l’apport que vous pouvez emmener au sein du HCDDED ?

° La vision large et globale d’un journaliste ! La défense de la pluralité également, que ce soit d’opinions, de genres ou d’informations. Je me suis toujours insurgé contre l’injustice et les manipulations. Ce qui m’a parfois valu des problèmes vis-à-vis de mes supérieurs hiérarchiques quand j’exerçais encore mon métier de journaliste au quotidien. Dans ce cas, je préfère faire valoir ma clause de conscience, quitte à ne pas avoir de travail !

* En s’érigeant en tant que balise, n’avez-vous pas peur de représailles ou de censure, notamment de la part de l’administration ?

° Qui a peur du HCDDED a peur de la Démocratie et de l’Etat de droit et donc d’un développement harmonieux, inclusif et durable. Et puis, pourquoi doit-on toujours se méfier les uns les autres ? Que chacun fasse son travail comme il faut et les vaches seront bien gardées tout en regardant le train du développement passer à vive allure !

Propos recueillis par Solofomiandra Razanatsoa

HCDED, Randy Donny, Demokrasia, Madagascar