25/02/2018
Tsilavina Ralaindimby est passé, mais ses empreintes restent
Un ami journaliste m'a demandé si je ne porte par une boucle d'oreille en référence à Tsilavina Ralaindimby. Je lui ait dit non. Maintenant, je ne sais pas si, quelque part, il a raison.
J'avais peut-être 12 ans. La TVM a annoncé la diffusion en direct d'un match d'Ajax Amsterdam avant de l'annuler. J'ai alors pris ma belle plume pour écrire une lettre demandant sa diffusion même en différé. Je l'ai pas posté. J'ai apporte en mains propres la lettre au 10è étage d'Antaninarenina. Il y avait encore un ascenseur à l'époque. Et c'était Tsilavina Ralaindimby lui-même qui l'a reçu.
Plus tard, devenu journaliste, j'ai eu l'occasion de le côtoyer. Mais je ne lui ai jamais parlé de cet anecdote. Je n'aurais plus jamais l'occasion de lui en parler. Tsilavina Ralaindimby vient de disparaître il y a environ une heure.
Il était plus qu'un confrère. C'était un modèle, presque un icône.
Tsilavina Ralaindimby à ses débuts lors d'un reportage sur des manœuvres militaires.
Journaliste compétent et inspirant, une espèce qui a disparue depuis des lustres du paysage médiatique malgache. Ministre populaire sans jamais être populiste, celui que l'on regrette le plus à la tête de département de la Culture et de la Communication. Politicien visionnaire et innovateur, le coup de "Maha olona", le mouvement qui a porté Dama (Mahaleo) à l'Assemblée, c'est lui... Tsilavina aura marqué Madagascar de ses empreintes. D'autant plus que c'était un touche à tout. Et il faisait tout avec art.
Tsilavina était un artiste. Pour ceux qui peuvent l'ignorer, il est l'auteur des paroles des tubes de Hazo midoroboka ("Ampitampitao"/"Isika"), de "Ramano Be Galona" de Lolo sy ny tariny et de "Bakoly", un titre mythique interprété par une légende maudite du blues-rock, Ra-Donné Stills.
J'ai toujours dans la tête cette émission qu'il a tourné dans les gradins du stade de Mahamasina et qui a révélé Lefona "Kankana". Cette autre émission spéciale consacrée à la renaissance du rock malgache dans les années '80 avec Doc Holliday, Tselatra et Best Star, entre autres. Un coup de pouce qu'il appuiera plus tard d'un article dans "Midi Madagasikara" intitulé "Le micro-climat heavy"...
"Sais-tu que j'ai fait le premier reportage sur Mahaleo en 1972 à Antsirabe ?", m'as-t-il dit pendant que j'écrivais la biographie non autorisée du groupe, en 2007. J'ai alors cherché à mettre la main sur ce document historique auprès de la TVM. Mais la préposée aux archives à laquelle je me suis adressée n'as pas bien compris ma démarche. Tout partira en fumée deux ans plus tard, pendant la crise politique de 2009..
"Si tu dois choisir entre toutes les activités que tu as fait, laquelle tu retiendra", lui demandais-je en l'accueillant dans mon talk show "Face à Face", en décembre 2016. Il a simplement répondu : la photo. Des images me reviennent en mémoire et se bousculent dans ma tête. L'émission intégrale ici.
Pendant mes années estudiantines, j'ai lu un article sur sa sortie de promotion après ses études en France, en 1969, dans les archives du "Courrier de Madagascar". Lors de ma période critique rock, il m'a aidé à doter les Stone Press awards d'un trophée spéciale roots que l'on attribuera à Iraimbilanja. Dernièrement, pas plus tard qu'il y a quelques semaines, je lui ai parlé de célébrer avec faste les 60 ans de la République malgache, histoire de rectifier les erreurs de passation de relais qui provoque actuellement faux débats et erreurs d'appréciations. Il a trouvé l'idée "super géniale" ! On n'aura pas le temps de la développer.
"On est des passeurs", me disait-il encore. Il est passé de l'autre côté du miroir. Madagascar est orphelin de l'un de ses plus grands penseurs.
Randy
01:31 Publié dans Edito | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : madagascar, randy donny, tsilavina ralaindimby, tvm | Facebook
06/12/2017
On a tous quelque chose en nous de Johnny, surtout moi
C'est une expression qui sera utilisée, usée, galvaudée pendant des mois en ce jour de disparition de Johnny Hallyday. Comme Macron, je n'ai pas cherché à être original, préférant communier avec les autres fans à travers ce titre. D'ailleurs, l'album hommage, "On a tous quelque chose de Johnny", tombe juste à un moment où le king du rock francophone disparaît. C'était l'idole des jeunes, c'est l'idole de toutes les générations. A dieu l'artiste !
En rentrant, on se surprend à chatonner une chanson de l’ancien voyou de quartier, Johnny Hallyday :
« C’est un noël pour les enfants perdus,
Pour tous ceux qui n’y ont jamais cru.
C’est un noël pour les chiens sans collier.
Pour l’enfant de la rue que j’étais… »
Telle était la chute d'un reportage de nuit sur noël que j'ai écrit pour "L'Express de Madagascar" le vendredi 26 décembre 1997. Comme tout patrimoine du rock, vivant ou pas, Johnny Hallyday m'accompagnait dans mon quotidien. Cela fait un peu bizarre qu'il disparaît la veille de noël. "Noël Interdit" est ma chanson de noël préférée. Mais je l'écoute tellement en décembre qu'il reste en tête de ma playlist toute l'année.
Je me souviens des couvertures de "Salut les copains" et les posters, notamment avec Sylvie Vartan, que j'accrochais sur les murs de ma chambre. Je me souviens d'un spectacle de Papa James spécial Johnny Hallyday au gymnase couvert de Mahamasina qui a divisé les fans dans les années 80. Je me souviens également de ses projets de concerts à Madagascar dont le dernier, en 2009, a été annulé parce que son producteur de l'époque, Jean-Claude Camus, qui s'est déplacé lui-même à Tana, a estimé que le contexte sécuritaire n'est pas favorable pour un tel événement...
Les puristes du rock anglo-saxon se moquait doucement de lui. Injustement. Johnny Hallyday est un authentique rocker, le premier à avoir parfaitement compris le rock'n roll attitude. Il avait la tête dans les étoiles du star spangled banner. Mais il avait néanmoins les pieds sur terre. Voilà pourquoi il a refusé une proposition d'incarner James Dean à l'écran.
Je suis un fan de Johnny Hallyday au cas où on ne l'aurait pas encore compris. Et il me le rendait bien. "J'ai 16 ans et j'ai mal dans ma peau", chantait-il dans "Génération Banlieue". A l'époque, il n'avait plus 16 ans. Mais moi, oui ! Dès lors, comment ne pas faire corps avec ce phénomène que je prenais plaisirs à imiter. Sa voix. Pas le personnage qui est unique, inimitable.
L'idole est parti. Mes tendres années ne reviendront plus. Mais Johnny Hallyday restera à jamais gravé dans le Panthéon que forme les cœurs de ses fans.
Randy
11:00 Publié dans Edito, Loisirs, Musique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : johnny hallyday, madagascar, rock, randy donny | Facebook
24/12/2016
Pays cherche cours de Culture générale
Le hasard de la vie, mais aussi et surtout les circonvolutions d'une carrière professionnelle sans autres ambitions que celles de se faire plaisir, ont amené l'auteur de ces lignes à Antsirabe, en 2007, pour diriger la filière de formation en Communication et Journalisme d'une Université catholique. Première décision: supprimer une matière qui sonne comme une intruse au milieu d'autres plus pointues, Culture générale.
Comment peut-on enseigner à un individu ce qui va rester quand il aura tout oublié ? Une culture générale ne s'acquière pas en 20h de cours magistral ponctués de QCM. Ne demandez surtout pas ce que signifie ces acronymes. Cela doit déjà faire partie de votre culture générale de Francophone.
Comme ce sont les individus qui forment un groupe social, de la culture générale de chacun dépend donc le niveau général de culture d'une société, d'une Nation.
Ainsi, l'on se demande si l'un des freins au développement de Madagascar ne relève pas finalement de la culture que l’Unesco désigne comme étant « l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs qui caractérisent un groupe social ».
Si l'on ne prend pas garde, avec une population où une personne sur deux est analphabète, une fuite en arrière n'est pas à écarter.
Quand des victimes d'un vol de zébus, conséquence d'une culture figée depuis des siècles - l'élevage contemplatif, crie à la vendetta collective, c'est la culture de la justice qui quitte le prétoire pour retourner à l'âge des cavernes...
Quand on vandalise un poteau électrique, un panneau de signalisation ou une poubelle publique, c'est que, quelque part, des gens ne sont pas passés par la case culture citoyenne...
Quand des policiers tabassent un présumé coupable et que personne ne réagit, ce que la culture des droits de l'Homme n'est pas encore ancrée dans les moeurs. Et pas seulement. Ailleurs, on pointe de doigt les vêtements de fourrures et le foie gras au nom du droit des animaux alors que dans les aires protégés malgaches, on continue à tuer des espèces protégés...
La pauvreté n'explique pas tout. D'autant plus que le financement des ONG s'avère être un tonneau des Danaides.
Tout le monde cherche un emploi au lieu d'en créer par manque de culture entrepreunariale. On vote, non pas pour une idée, mais contre quelqu'un parce que c'est ce qui reste de notre culture démocratique...
Si les médias ne servent plus que comme des instruments pour régler des comptes, au niveau politique aussi bien qu'au niveau personnel, et qu'une uniformisation mettant l'accent au sensationnalisme et à la violence se banalise, c'est que, généralement, il y a un problème de cultures.
Le niveau culturel d'une société, tout comme la culture générale d'un individu, ne saurait être élevée à coups de cours accélérés. Des efforts conscients et durables sont nécessaires afin qu'il puisse relever les nouveaux défis du monde moderne.
Paru dans "Politikà", n° 03 du novembre-décembre 2016
23:09 Publié dans Edito, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : madagascar, randy donny, politique, culture | Facebook
06/11/2016
Qui a peur de Donald Trump ?
Au lendemain du mardi 8 novembre, les Etatsuniens, qui ont accaparé l'appellation "Américains" comme s'ils sont les seuls habitants de tout le continent, se retrouveront avec la gueule de bois quel que soit l'issue du vote. Pile : Donald Trump, la réaction raciste à 8 années d'Obama. Face : Hillary Clinton, que des gens vont voter parce qu'ils ont peur de Trump et qu'après une petite révolution; un noir à la Maison-Blanche, enchaînons avec une autre, une femme dans le bureau Ovale, jusqu'ici le théâtre d'actes virils auxquels n'est pas étranger... Bill Clinton.
Mais qui a peur de Donald Trump ? Ceux qui vivent aux Etats-Unis, les étrangers en premier chef. Autant Obama n'a rien apporté à l'Afrique, autant Trump ne se souciera du continent des nègres et des musulmans comme de sa première faillite. La politique étrangère américaine était, est et sera toujours conduite par les vautours de la CIA, de l'industrie de l'armement et les magnats du pétrole. Et sur ce point, il faudra plutôt se méfier de Hillary Clinton qui en sait quelque chose.
Je partage donc les opinions de ce lecteur de "L'Express de Madagascar".
Présidentielle aux États Unis ou quand la démocratie est grippée
USA 2016: Clinton vs Trump. Qui des deux candidats succédera à Barack Obama ? À mon avis, le résultat de cette élection – quel qu’il soit – posera plus de problèmes qu’il n’en résoudra.
La légèreté avec laquelle l’ancienne secrétaire d’État, qui, de surcroît, avait hanté les plus hautes sphères de l’État durant les deux mandats présidentiels de son époux, communiquait avec ses collaborateurs, témoigne d’une inconscience inadmissible, inconcevable pour une personnalité qui aspire à un destin mondial.
Son adversaire, de son côté, ne semble pas réaliser qu’il ne participe plus à une émission de télé-réalité mais à l’élection la plus démocratique et la plus importante au monde: les insultes, le mépris qu’il affiche pour s’aliéner au moins la moitié du corps électoral permettent de douter de son désir réel d’arriver à ses fins.
Jamais, sans doute, arguments de campagne n’ont volé aussi bas aux États-Unis. Et pour cause : cette élection met aux prises deux candidats souffrant apparemment tous les deux de névrose d’échec. On est loin, très loin, des débats sociétaux, géopolitiques ayant opposé Jimmy Carter à Ronald Reagan en 1980 ou, plus récemment, Barack Obama à John McCain, puis Mitt Romney. À l’issue de ces joutes oratoires, on s’en souvient, on ne pouvait rester insensible à l’élégance dont faisait preuve le candidat malheureux.
Au soir du 8 novembre 2016, il y aura un vainqueur et un vaincu car la probabilité d’une égalité parfaite de voix obtenues par les deux candidats est, disons, nulle. Mais, on peut gager, d’ores et déjà, que le vaincu admettra difficilement sa défaite. Le névrosé d’échec ne reconnaît jamais sa responsabilité – fût-elle partielle- dans la faillite de son entreprise. À défaut de la fatalité; de la malchance, nous aurons droit, cette fois-ci, aux invectives d’un(e) candidat(e) prompt(e) à se poser en victime d’on ne sait trop quoi.
Mardi soir, les Américains auront-ils élu un(e) Président(e) ou seulement éliminé un(e) candidat(e) .
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14/02/2016
La misère sexuelle du monde arabe
Peut-on faire une fixation sur le sexe, au point de promettre des vierges à ses héros même après la mort, si on ne l'aime pas ? Derrière les discours puritains de certains islamistes se cachent une obsession maladive de la chose. C'est ce qu'explique le "New York Times". La version anglaise est ici.
Oran, Algérie — Après Tahrir, Cologne. Après le square, le sexe. Les révolutions arabes de 2011 avaient enthousiasmé les opinions, mais depuis la passion est retombée. On a fini par découvrir à ces mouvements des imperfections, des laideurs. Par exemple, ils auront à peine touché aux idées, à la culture, à la religion ou aux codes sociaux, surtout ceux se rapportant au sexe. Révolution ne veut pas dire modernité.
Les attaques contre des femmes occidentales par des migrants arabes à Cologne, en Allemagne, la veille du jour de l’an ont remis en mémoire le harcèlement que d’autres femmes avaient subi à Tahrir durant les beaux jours de la révolution. Un rappel qui a poussé l’Occident à comprendre que l’une des grandes misères d’une bonne partie du monde dit “arabe”, et du monde musulman en général, est son rapport maladif à la femme. Dans certains endroits, on la voile, on la lapide, on la tue ; au minimum, on lui reproche de semer le désordre dans la société idéale. En réponse, certains pays européens en sont venus à produire des guides de bonne conduite pour réfugiés et migrants.
Le sexe est un tabou complexe. Dans des pays comme l’Algérie, la Tunisie, la Syrie ou le Yémen, il est le produit de la culture patriarcale du conservatisme ambiant, des nouveaux codes rigoristes des islamistes et des puritanismes discrets des divers socialismes de la région. Un bon mélange pour bloquer le désir, le culpabiliser et le pousser aux marges et à la clandestinité. On est très loin de la délicieuse licence des écrits de l’âge d’or musulman, comme “Le Jardin Parfumé” de Cheikh Nefzaoui, qui traitaient sans complexe d’érotisme et du Kamasutra.
Aujourd’hui le sexe est un énorme paradoxe dans de nombreux pays arabes : On fait comme s’il n’existait pas, mais il conditionne tous les non-dits. Nié, il pèse par son occultation. La femme a beau être voilée, elle est au centre de tous nos liens, tous nos échanges, toutes nos préoccupations.
La femme revient dans les discours quotidiens comme enjeu de virilité, d’honneur et de valeurs familiales. Dans certains pays, elle n’a accès à l’espace public que quand elle abdique son corps. La dévoiler serait dévoiler l’envie que l’islamiste, le conservateur et le jeune désoeuvré ressentent et veulent nier. Perçue comme source de déséquilibre — jupe courte, risque de séisme — elle n’est respectée que lorsque définie dans un rapport de propriété, comme épouse de X ou fille de Y.
Ces contradictions créent des tensions insupportables : le désir n’a pas d’issue ; le couple n’est plus un espace d’intimité, mais une préoccupation du groupe. Il en résulte une misère sexuelle qui mène à l’absurde ou l’hystérique. Ici aussi on espère vivre une histoire d’amour, mais on empêche la mécanique de la rencontre, de la séduction et du flirt en surveillant les femmes, en surinvestissant la question de leur virginité et en donnant des pouvoirs à la police des moeurs. On va même payer des chirurgiens pour réparer les hymens.
Dans certaines terres d’Allah, la guerre à la femme et au couple prend des airs d’inquisition. L’été, en Algérie, des brigades de salafistes et de jeunes de quartier, enrôlés grâce au discours d’imams radicaux et de télé-islamistes, surveillent les corps, surtout ceux des baigneuses en maillot. Dans les espaces publics, la police harcèle les couples, y compris les mariés. Les jardins sont interdits aux promenades d’amoureux. Les bancs sont coupés en deux afin d’empêcher qu’on ne s’y assoit côte à côte.
Résultat : on fantasme ailleurs, soit sur l’impudeur et la luxure de l’Occident, soit sur le paradis musulman et ses vierges.
Ce choix est d’ailleurs parfaitement incarné par l’offre des médias dans le monde musulman. A la télévision, alors que les théologiens font fureur, les chanteuses et danseuses libanaises de la “Silicone Valley” entretiennent le rêve d’un corps inaccessible et de sexe impossible. Sur le plan vestimentaire, cela donne d’autres extrêmes: d’un côté, la burqa, le voile intégral orthodoxe ; de l’autre, le voile moutabaraj (“le voile qui dévoile”), qui assortit un foulard sur la tête d’un jean slim ou d’un pantalon moulant. Sur les plages, le burquini s’oppose au bikini.
Les sexologues sont rares en terres musulmanes, et leurs conseils peu écoutés. Du coup, ce sont les islamistes qui de fait ont le monopole du discours sur le corps, le sexe et l’amour. Avec Internet et les théo-télévisions, ces propos ont pris des formes monstrueuses — un air de porno-islamisme. Certains religieux lancent des fatwas grotesques: il est interdit de faire l’amour nu, les femmes n’ont pas le droit de toucher aux bananes, un homme ne peut rester seul avec une femme collègue que si elle est sa mère de lait et qu’il l’a tétée.
Le sexe est partout. Et surtout après la mort.
L’orgasme n’est accepté qu’après le mariage — mais soumis à des codes religieux qui le vident de désir — ou après la mort. Le paradis et ses vierges est un thème fétiche des prêcheurs, qui présentent ces délices d’outre-tombe comme une récompense aux habitants des terres de la misère sexuelle. Le kamikaze en rêve et se soumet à un raisonnement terrible et surréaliste: l’orgasme passe par la mort, pas par l’amour.
L’Occident s’est longtemps conforté dans l’exotisme ; celui-ci disculpe les différences. L’Orientalisme rend un peu normales les variations culturelles et excuse les dérives : Shéhérazade, le harem et la danse du voile ont dispensé certains de s’interroger sur les droits de la femme musulmane. Mais aujourd’hui, avec les derniers flux d’immigrés du Moyen-Orient et d’Afrique, le rapport pathologique que certains pays du monde arabe entretiennent avec la femme fait irruption en Europe.
Ce qui avait été le spectacle dépaysant de terres lointaines prend les allures d’une confrontation culturelle sur le sol même de l’Occident. Une différence autrefois désamorcée par la distance et une impression de supériorité est devenue une menace immédiate. Le grand public en Occident découvre, dans la peur et l’agitation, que dans le monde musulman le sexe est malade et que cette maladie est en train de gagner ses propres terres.
Kamel Daoud, chroniqueur au "Quotidien d’Oran", est l’auteur de “Meursault, contre-enquête.”
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