07/01/2009
Les souvenirs, et les regrets aussi…
Ra8 est fini. Voici venir Ra9. Il paraît quel le chiffre 9 est plutôt rare, notamment lors des tirages de loto. C’est peut-être une des raisons qui explique pourquoi les joueurs malgaches parlent de « tsabo sivy ». Apparemment donc, on a tiré le gros lot. Je l’ai toujours espéré, les rares fois où je joue, surtout en France avec les dizaines de millions d’euros de l’Euroloto. En vain. Malheureux au jeu… Un début d’année est justement le moment pour faire le bilan de l’année éc(o)ulée. Parler des souvenirs. Et des regrets aussi.
« Les souvenirs et les regrets aussi… » J’ai découvert ce vieux bouquin au hasard d’une visite dans les rayons de la bibliothèque de l’université privée Essva, à Antsirabe. C’est vieux de quinze ans, mais j’ai pris mon pied en le lisant. J’ai surtout beaucoup ri. Il faut reconnaître que son auteur, Catherine Allégret, la fille de Simone Signoret, écrit formidablement bien comme tous ceux qui écrivent avec leur cœur. Une plume qui me renvoie de temps en temps à celle de Mialysenfout. Enfant de la balle, Catherine Allégret passera sa vie sous des poids lourds. Fille d’une star oscarisée à Hollywood, cette dernière elle-même mariée à une autre star plébiscitée par tout New York au point de faire craquer Marilyn Monroe, elle ne peut que jouer les second rôles, à la vie comme sur la scène. Un rôle qu’elle tiendra merveilleusement bien. Une leçon de modestie et d’espoir pour ceux qui croient qu’il n’y a pas de vie en dehors des étoiles. Le tout avec un gros bouquet d’humour à faire crouler un croque-mort.
« Le 9 novembre 1991, Ivo Livi dit Yves Montand s’est éteint pour l’état civil, victime d’un ultime infarctus, victime de ses colères, victimes de la vie qu’il s’était mis en tête de vivre jusqu’en 2009… » Yves Montand était l’épouse de Simone Signoret. Je ne savais pas qu’il espérait vivre jusqu’à cette année. Je ne savais pas non plus que Jacques Prévert, dont j’adore les poèmes surréalistes, portait une chaîne d’or à la cheville. Désormais, ce sera mon prochain caprice, tanora lalandava. Après une épaule tatoo il y a dix ans. Comme quoi, mes caprices ne sont pas légions.
J’adore les biographies. C’est peut-être pourquoi j’en ai écris. Après Mahaleo en 2007 dont il ne me reste plus que quelques exemplaires, j’ai fait celui de Jaojoby en 2008. J’en ai aucun exemplaire. Tout est resté à Paris. Des condensés de souvenirs. Mes regrets 2008 se rapportent essentiellement à des personnalités que 2008 a emporté.
Regret de n’avoir pas rapporté ici l’autobiographie du père jésuite Rémy Ralibera, figure respectée et respectable du journalisme malgache quoique il ait choisi la voie de la presse par accident. Comme celui de Rome, tous les chemins mènent vers les médias. Son livre est truffée de révélations sur les récents événements à Madagascar. On en reparlera certainement un jour.
Regret aussi, celui d’avoir omis la disparition du poète Rado. J’étais à Paris et je n’ai appris la nouvelle que deux jours après, en surfant sur Internet. Je trouve que « Ho any ianao kanefa » est inspiré de « Je Finirai Par L’oublier » de Nana Mouskouri. Rado, dont la simplicité des rimes constitue à la fois le charme et la puissance évocatrice, a inspiré à son tour deux générations d’écrivains. Parfois en herbes. Et qui le sont restés. J’ai perdu Rado une seconde fois lorsque, en rageant ma bibliothèque, je me suis aperçu que mes recueils de poèmes de Rado ont disparu.
Regret, enfin, de n’avoir pas parlé de la disparition aussi de Charlotte Arrisoa Rafenomanjato, une écrivaine malgache francophone plus connue en France qu’à Madagascar. Après avoir été séduit par le charme de «notre Panurge national » (sic) en 2002, cette sage-femme a accouché d’un livre, « Marc Ravalomanana, de président de la rue à président de palais », avant de regretter amèrement son choix. Elle le fait savoir dans le second tome du livre qu’aucun éditeur n’a osé publier. Néanmoins, on peut le télécharger gratuitement ici. Elle y fait appel à « la trombe purificatrice de notre tody national, le boomerang de la malfaisance » pour flageller ceux qui ont trompé le peuple-enfant de Madagascar avec un épouvantail de messie à la peau de sataniste.
Personnellement, je fais partie de ceux qui n’ont pas voté depuis 2001. Je n’ai donc pas de regrets. Rien que des souvenirs…
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24/12/2008
Sombres souhaits
Season's greetings. Normalement, en cette période de fêtes, on souhaite des bonnes choses. Avec la mort de Fory Coco, le dictateur de Guinée Conackry, j'ai envie de souhaiter autres choses. Je souhaite que 2008 emporte avec lui tous ces messieurs qui se croient grands et qui plongent leur pays dans la misère au nom d'une démocratie du bout des lèvres. A commencer par Mugabe-le-fou dont les mérites d'avoir mené son pays vers l'indépendances sont tombés en ruine devant l'appauvrissement généralisé où il a précipité le Zimbabwe. Et dire que ce mec-là viendra à Madagascar pour le sommet de l'Union africaine l'année prochaine. C'est à s'inventer une poupée vaudoue que l'on habillera d'aiguilles.
En Afrique, prendre le pouvoir, c'est chercher tous les moyens pour y rester le plus longtemps possible. Madagascar n'échappe pas à la règle. Même si, en bons insulaires que l'on est (les Anglais y savent quelque chose, n'est-il pas ?), on y déteste toute comparaison avec le grand continent noir. "Mourir au pouvoir", aurait parié Tito. La levée du rideau de fer a révélée le cadavre en décomposition d'une Yougoslavie que les seigneurs de la guerre se sont empressés de dépecer.
"Je vais terminer mon mandat en 2010. Celui qui n'est pas content n'a qu'à quitter la Guinée...", aurait déclaré Fory Coco qui porte bien son nom. Lundi 22 décembre 2008, la Grande fauche l'a emporté rejoindre son principal allié, le diable. Avant de mourir, il aura permis à "Midi Flash" de réaliser un petit record de vente le mercredi 19 décembre 2008 lorsque Fory Coco fut à la Une de cet hebdomadaire (ci-dessous). Au grand dam d'une partie de la rédaction, outrée par le fait que, en malgache, le nom rappelle une partie de l'anatomie féminine qu'il est culturellement-correct de taire.
Pet à son âme et à tous ceux qui font honte à la démocratie. En cette saison des voeux, je leur souhaite tous les malheurs du monde.
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19/12/2008
Je rêve d'un deep throat malgache
Je rêve d'un deep throat malgache. Je préfère utiliser le surnom en anglais car "Gorge profonde", en français, invite à d'autres réflexions. Je rêve donc d'un gorges profondes pour révèler à la face de Madagascar, d'abord, et à celle du monde, ensuite, toutes les magouilles qui se trament à travers l'histoire de cette grande île qui demeure naine. Même sans aller jusqu'à l'époque des royaumes, je rêve d'un deep throat pour le génocide du 29 mars 1947, l'octroi trop facile de l'indépendance en 1960, ceux qui ont trahi le peuple en 1971 dans le Sud et en 1972 sur la place du Treize-mai, l'identité du cerveau qui a tué Ratsimandrava en 1975, ainsi que les mobiles de la série d'accidents sous la Révolution socialiste, ceux qui ont vendu la mèche le 10 août 1991 et les bâtisseurs du centralisme démoncratique des affaires au service du Reich et de son führer depuis 2002 et qui a conduit à la division par deux du pouvoir d'achat...
Hélàs, mille fois hélàs, le courage n'est pas le cousin du fihavanana. Et au lieu d'en avoir, le Malgache préfère nager, même dans la gadoue. "Mbola tsy fotoanany izao". Ce n'est jamais le temps à Madagascar où les produits historiques ne connaissent jamais de prescription. Paix à l'âme de deep throat, le vrai, qui a fait tomber Nixon. Il vient de mourir. Avec le sentiment du service accompli.
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William Mark Felt, un ancien directeur adjoint du FBI connu sous le nom de Deep Throat, "Gorge profonde", est mort, jeudi 18 décembre, à Santa Rosa en Californie. Il avait 95 ans. C'est lui qui déclencha le scandale du Watergate, de 1972 à 1974, conduisant à la démission du président Richard Nixon, en 1974, pour avoir autorisé le cambriolage du comité de campagne du Parti démocrate dans les immeubles du Watergate, au bord du Potomac.
En juillet 2005, un article intitulé : "Je suis le type qu'ils appellent Deep Throat" publié par "Vanity Fair" avait révélé l'identité de Deep Throat, la source qui avait révélé toute l'affaire à deux journalistes du "Washington Post", Carl Bernstein et Bob Woodward.
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18/12/2008
Que Viva...
Le manque d’imagination est au pouvoir. Qui a peur de Didier Ratsiraka au point de fermer la chaîne de télé Viva parce que celle-ci a diffusé des propos de l’ancien président malgache, dans le cadre d’une publireportage qui plus est ? Pas moi en tout cas qui trouve que Ratsiraka n’est plus que l’ombre de lui-même. Mais bon, parmi les moineaux qui volent le riz de Madagascar, y en a qui ont peur d’un épouvantail.
Ceci dit, j’ai passé quelques mois chez Viva. Je garde précieusement les PAD que l’on a enregistré à l’époque. C’était autour d’une pizza que moi et Andry Rajoelina ont conclu mon transfert chez Viva, en avril 2007, dans son bureau. On me cherchait des poux aux « Nouvelles ». Je me dis que c’est l’occasion de réaliser un projet qui me hante toujours : la télévision. C’est donc avec l’accord de Andry TGV dans la poche que je suis allé à la réunion où on va décider de mon sort chez Ultima Média. Je n'en avais plus rien à cirer.
Quelques mois plus tard, j’ai quitté Viva pour l’université, à Antsirabe. A l’amiable. Andry m’a dit que je pourrais toujours venir si j’ai du temps. Notre amitié est restée la même. Il paraît que c’était moi qui lui a soufflé l’idée de se présenter candidat à la mairie de Tana, à l’époque où la commune urbaine de Tana, justement, lui a ordonné d’enlever ses panneaux trivisions d’Antanimena, en 2004. Je ne m’en souviens pas. Depuis, le roi des panneaux publicitaires, il détient 40% du marché, est devenu maire de Tana.
Je lui ai téléphoné après la fermeture de Viva. Reporters sans frontière a sorti un communiqué condamnant cet acte anti-démocratique. Le texte est ci-dessous.
Une chaîne de télévision privée fermée sur ordre de l'Etat
Reporters sans frontières condamne la décision des autorités malgaches de fermer la chaîne de télévision privée Viva, propriété du maire d'Antananarivo, dans la nuit du 13 au 14 décembre 2008, pour avoir diffusé des propos jugés susceptibles de “troubler l’ordre et la sécurité publique”. La chaîne venait de diffuser un publireportage de l’ancien président de la République, Didier Ratsiraka, en exil à Paris depuis 2002.
“La fermeture de la chaîne Viva marque un durcissement de la politique du président Marc Ravalomanana vis-à-vis de médias jugés favorables à l’opposition. La diversité d’opinion doit pouvoir exister à Madagascar. Nous appelons donc les autorités à revenir sur cette décision en autorisant la remise en service de la chaîne”, a déclaré Reporters sans frontières.
Le 13 décembre, aux alentours de 23h30, deux fourgons de policiers se sont rendus dans les locaux de Viva, à Ambodivona, munis d'un document signé par le ministre des Télécommunications, des Postes et de la Communication, Bruno Andriantavision, pour procéder à la fermeture immédiate de la chaîne. Les policiers ont également saisi le DVD du programme incriminé. Aucune durée d’interdiction n’a été mentionnée.
Cette mesure survient après la diffusion sur la chaîne de télévision Viva, quelques heures plus tôt, d'un message de l’ancien président en exil, Didier Ratsiraka, enregistré à Paris le 2 décembre 2008, sur la situation politique et socio-économique du pays.
Des extraits de l’enregistrement avaient déjà été largement diffusés par d'autres médias, et avaient été repris à la une du quotidien privé Midi Madagasikara, deux jours auparavant. Ces médias n'ont pas été inquiété. Le directeur de Viva, Andry Rajoelina, a dénoncé une “décision purement politique”. Il signale d’ailleurs que “le gouvernement avait l’intention de fermer Viva TV depuis longtemps”, et que la direction de l'organe de régulation des médias harcelait la chaîne depuis quinze jours, cherchant “la petite bête pour trouver de quoi justifier une éventuelle fermeture”.
Andry Rajoelina entretient des rapports conflictuels avec le pouvoir exécutif depuis qu’il a gagné la mairie d’Antananarivo, il y a un an, face au candidat du parti présidentiel.
Reporters sans frontières
Communiqué de presse
17 décembre 2008
17:59 Publié dans Edito | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : liberté, presse, madagascar, actualité, société, politique | Facebook
03/12/2008
Recul de Madagascar dans le classement mondial sur la démocratie
Après le classement sur la liberté de la presse par Reporters sans frontières, Madagascar y a brillé par sa médiocrité, voici le classement mondial sur la démocratie. Là encore, Madagascar peut meeuh faire, comme disait la vache qui regarde passer le train. « The Economist », magazine respecté et respectable, je connais au moins quelqu’un à Madagascar qui le vénère, est à l'origine de ce classement dont j'ai connaissance que maintenant. Après avoir été classé 85è sur 167 pays en 2007, Madagascar rétrograde à la 90è place dans le classement fraîchement sorti en novembre 2008, derrière le Liban et devant Bangladesh. Madagascar y est classé parmi les pays dont la démocratie est considérée comme "hybride". Sadasada manan-tsoratra. Ca, c'est très malgache.
Voici le commentaire de MFI.
Ce 10 décembre marque le soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme. L’occasion de s’interroger sur les avancées de la démocratie dans le monde. Pour l’heure, 116 pays sur 167 de plus de 500 000 habitants respectent à des degrés divers les normes démocratiques. Pourtant, cette démocratisation marque le pas et 35 % de la population mondiale vivent toujours sous un régime autoritaire. La démocratie n’est jamais un acquis définitif : elle est régulièrement confrontée à des défis, comme l’actuelle crise économique et financière.
La démocratie progresse-t-elle dans le monde ?
Le 8 octobre dernier, Mohamed Anni Nashed – un ancien prisonnier politique – remportait contre toute attente l’élection présidentielle aux Maldives, mettant fin aux trente années de règne sans partage de Maumoon Abdul Gayoom, le plus ancien dirigeant en Asie. Quelques semaines auparavant, Fernando Lugo, surnommé « l’évêque des pauvres », était investi à la tête du Paraguay, sonnant le glas de soixante-et-un ans d’hégémonie du parti conservateur Colorado.
Ces deux exemples donnent à penser que la démocratie progresse dans le monde, et c’est effectivement le cas. Selon l’enquête réalisée chaque année par le magazine britannique The Economist, on compte aujourd’hui 116 pays (sur 167 étudiés) qui respectent globalement les normes démocratiques, soit 69,5 % de l’ensemble. Au milieu des années 1980, ce n’était le cas que de 46 % des pays concernés. Comme l’explique Laza Kekic, la responsable de l’enquête : « La fin des dictatures en Amérique latine et la chute du mur de Berlin ont permis de voir le nombre de démocraties progresser rapidement au cours des années 1990. Aujourd’hui, cette progression marque le pas. Le point positif est qu’on n’assiste pas à de graves retours en arrière. »
A partir d’un ensemble de critères tels que le mode de désignation du chef de l’Etat, les droits de l’opposition, les libertés publiques, la transparence des scrutins, la liberté de la presse, la participation électorale, la culture démocratique…, l’enquête de The Economist classe les pays en quatre catégories : démocratie réelle, démocratie perfectible, semi-démocratie (ou pays hybride) et régime autoritaire. Un type de classement toujours contestable, même si les critères retenus par The Economist se veulent aussi objectifs que possible. Ainsi, la Jordanie appréciera sans doute peu d’être considérée comme un régime autoritaire au même titre que la Birmanie, et on peut s’étonner de voir se côtoyer dans le même panier les mérites des démocraties danoise et américaine. Enfin, le Maroc (régime autoritaire) est-il vraiment moins démocratique que le Cambodge (pays hybride) ?
Selon cette enquête, on compte seulement trente démocraties réelles, représentant 14,4 % de la population mondiale. En tête du classement : la Suède, la Norvège et l’Islande. Dans cette catégorie, on compte vingt-et-un pays européens, les deux Etats nord-américains, deux latino-américains (l’Uruguay et le Costa Rica), deux asiatiques (le Japon et la Corée du Sud), un seul africain (l’Ile Maurice), ainsi que l’Australie et la Nouvelle-Zélande.
Cinquante pays sont considérés comme des démocraties perfectibles : quinze européens (la Pologne, la Roumanie, l’Estonie…), dix-huit latino-américains (le Brésil, le Pérou, le Salvador…), dix asiatiques (l’Inde, la Malaisie, les Philippines…), un Etat du Moyen-Orient (Israël) et six africains (le Cap-Vert, la Namibie, le Bénin…). Trente-six pays appartiennent à la catégorie des semi-démocraties. C’est le cas de l’Albanie, de la Russie et de l’Arménie (parmi sept européens) ; de l’Equateur, du Venezuela et d’Haïti (pour l’Amérique latine) ; de Singapour, du Bangladesh et du Népal (parmi huit asiatiques) ; de la Palestine, du Liban et de l’Irak (pour le Moyen-Orient) ; du Sénégal, du Ghana et du Burundi (parmi quinze pays africains).
Enfin, The Economist considère que cinquante-et-un pays sont des régimes autoritaires. Ils représentent 34,9% de la population mondiale. Les trois plus redoutables seraient la Corée-du-Nord, le Tchad et le Turkménistan. Avec vingt-six nations concernées, c’est l’Afrique qui domine cette catégorie. On peut citer : le Niger, le Gabon ou le Soudan, suivie de onze pays du Moyen-Orient (dont le Yémen, l’Arabie Saoudite, la Syrie…), dix pays asiatiques (la Birmanie, le Vietnam, le Laos…), ainsi que la Biélorussie et Cuba.
Quelles ont été les évolutions récentes dans ce domaine ?
Au chapitre des bonnes nouvelles, les progrès enregistrés dans trois pays d’Asie du sud : les Maldives, le Népal et le Bouthan. Aux Maldives, un opposant politique a mis fin au règne sans partage du chef de l’Etat en place depuis 1978. L’élection présidentielle a été transparente et le perdant n’a pas contesté le résultat.
Au Népal, la guérilla maoïste a déposé les armes après dix années de lutte, un accord de paix lui a permis de réintégrer le jeu politique et des élections législatives ont été organisées. L’ancien chef de la guérilla, Pushpa Karnal Dahal, a été nommé Premier ministre et la royauté abolie. En dépit des troubles politiques, le Népal connaissait de toute façon depuis longtemps une presse libre et le multipartisme, et on y trouvait des organisations non gouvernementales actives.
Enfin, le petit royaume himalayen du Bhoutan, qui se vante d’être le dernier shangri-la (« le dernier paradis sur Terre ») pour la préservation de son environnement, a organisé ses premières élections législatives en décembre 2007. Pour autant, le roi conserve son pouvoir, qui n’est pas synonyme d’atteintes aux droits de l’homme.
A noter enfin que la situation politique s’améliore au Pakistan, même si le pays est miné par la violence du fait de sa proximité avec l’Afghanistan. Le général Pervez Musharraf, qui s’était emparé du pouvoir par un coup d’Etat en octobre 1999, a démissionné et des élections législatives se sont tenues en février dernier.
Loin de l’Asie, le Paraguay a connu en 2008 sa première alternance politique en soixante-et-un ans. L’hebdomadaire de la gauche américaine, The Nation, espère que « Barack Obama corrigera les atteintes aux libertés publiques dont George Bush s’est rendu responsable, notamment au nom de la lutte contre le terrorisme. Qu’il s’agisse des écoutes téléphoniques sans autorisation, des personnes emprisonnées à Guantanamo sans inculpation, du poids croissant dans la vie publique des évangélistes intégristes ou de la dévalorisation du travail au profit du grand capital ». Il serait toutefois excessif de prétendre que les Etats-Unis d’Amérique ont cessé d’être une démocratie sous George Bush.
En Afrique, l’étude de The Economist accorde l’évolution la plus positive à la Sierra Leone, passée d’un régime autoritaire à une semi-démocratie grâce à l’élection en septembre 2007 de l’opposant Ernest Bai Koroma. « Une élection honnête et exempte de violences », note l’hebdomadaire britannique. La mise en place du Tribunal spécial international chargé de juger les responsables de la guerre civile qui a ravagé le pays de 1991 à 2002 contribue aussi à renforcer les institutions.
La démocratie a-t-elle connu de graves revers récemment ?
Les optimistes souligneront qu’aucune démocratie n’a sombré dans la dictature ces dernières années. Pour autant, le nombre de pays réellement démocratiques ne progresse pas : il est toujours de trente depuis 2005, représentant une petite minorité de la population mondiale. The Economist a par ailleurs rétrogradé quatre états du statut de démocraties perfectibles à celui de semi-démocraties. C’est le cas du Bangladesh, dirigé par un gouvernement « provisoire » qui a imposé l’état d’urgence depuis janvier 2007, alors que ce pays s’est longtemps vanté d’être un parangon de démocratie dans un contexte de grande pauvreté… De son côté, Hong-Kong subit une pression croissante de Pékin : la presse y est moins libre, le Parlement moins représentatif, les institutions davantage contrôlées… Les violences entre le Fatah et le Hamas dans la bande de Gaza, qui contraignent l’Autorité palestinienne à se réfugier en Cisjordanie, valent aussi à la Palestine de perdre des points… Enfin, le Mali est moins bien noté du fait des atteintes à la liberté de la presse et de l’insécurité croissante liée à l’insurrection dans le nord du pays.
Le Nicaragua pourrait suivre le même chemin. Réélu en novembre 2006, le président Daniel Ortega affirmait avoir « rompu avec le marxisme-léninisme » mais on assiste ces derniers mois à une concentration extrême du pouvoir et à une pression croissante sur les médias. La violence des gangs menace aussi la stabilité des institutions.
Ailleurs, du Zimbabwe à la Tunisie, en passant par l’Iran, le Tadjikistan ou le Congo, si les pays ne sont pas plus dictatoriaux, ils ne sont pas non plus davantage démocratiques. Comme le confiait au magazine Newsweek Vidar Helgesen, le secrétaire général de l’Institut international pour la démocratie et le droit électoral, basé à Oslo : « La situation politique au Moyen-Orient ne s’améliore pas. L’espoir suscité par les révolutions de couleurs dans plusieurs ex-pays soviétiques est en train d’être déçu, et les tendances autoritaires s’aggravent en Russie. En Amérique latine, les progrès ont été extraordinaires tout au long des années 1990 mais on assiste aujourd’hui à un retour du populisme, des atteintes à la liberté de la presse et aux droits des associations. L’ampleur des inégalités sociales pose aussi problème. Cela prouve que la démocratie n’est jamais un acquis définitif. » Un avis partagé par Laza Kekic, la responsable de l’enquête de The Economist : « Les discours contre les immigrés en Europe, notamment en Autriche, au Danemark et aux Pays-Bas, représente potentiellement une menace contre les normes démocratiques. De même, en Europe de l’Est, après l’enthousiasme de la chute du communisme et de l’adhésion à l’Union européenne, on assiste aujourd’hui à une radicalisation des idées et à une vague populiste, qui démontrent la faiblesse de la culture démocratique dans cette région.»
La démocratie reste-t-elle un modèle dans le monde ?
Selon une enquête menée en 2006 par le Programme des nations unies pour le développement (Pnud), les habitants de la majorité des pays se disent partisans de la démocratie, souvent associée à un meilleur accès aux soins, à l’éducation, à une moindre corruption, à de la promotion sociale. « C’est pourquoi on ne peut plus imaginer un régime démocratique sombrer dans la dictature, ou alors pas longtemps. Le sens de l’Histoire conduit inéluctablement vers la démocratie », assure Vidar Helgesen. Sociologue au Centre de recherche politique de Delhi, Ashish Nandy estime pour sa part que « l’Inde est présentée abusivement comme la plus grande démocratie du monde. C’est au mieux la plus peuplée, et notre régime politique reste imparfait. Cela dit, si un pays aussi divers et inégalitaire que l’Inde n’a jamais été une dictature, c’est parce que les plus pauvres ont toujours eu l’espoir d’améliorer leur sort grâce à leur bulletin de vote, qu’ils n’hésitent pas à renvoyer un député qui ne travaille pas pour sa circonscription. La démocratie permet de se projeter dans l’avenir, d’où la stabilité du pays. » De son côté, le politologue américain Francis Fukuyama, cité par Le Monde, souligne que « les gouvernements autoritaires d’aujourd’hui ont peu de points communs entre eux. A la différence du passé, aucun ne possède la combinaison de force, de cohésion et d’idées requise pour dominer le monde. Aucun ne rêve d’abattre l’économie mondialisée. Le modèle n’est pas de leur côté ».
Et pourtant… Vladimir Poutine atteint des records de popularité dans une Russie où l’opposition n’a plus droit de cité, où les médias sont aux ordres, où les gouverneurs ne sont plus élus mais nommés, où l’armée commet les pires exactions en Tchétchénie. Vladimir Poutine apparaît comme un homme fort, qui restaure l’honneur de la Russie et qui favorise la croissance économique. « Le culte de l’homme providentiel, qui restaure l’ordre et la prospérité, même au prix d’entorses à la démocratie, n’a pas disparu. On le voit en Russie, et en Colombie avec Alvaro Uribe. Le besoin de débats d’idées, de respect de la liberté à tout prix est une notion occidentale. Même les Américains, au nom de la lutte contre le terrorisme, ont accepté que les libertés publiques soient rognées », souligne Pascal Pétillon, chercheur en relations internationales au CNRS. Pour Zaki Laïdi, professeur à l’Institut d’études politiques de Paris, cité par Le Monde : « Avoir mené la guerre en Irak en affirmant vouloir y implanter la démocratie a porté un coup très dur au modèle démocratique occidental. Il suffit de se rappeler le scandale de la prison d’Abou Ghraib. La démocratie ne s’exporte pas. Même les citoyens d’un régime autoritaire défendront leur souveraineté face à la tentative d’imposer un autre modèle de l’extérieur. En outre, le “deux poids deux mesures” qui fait qu’un dictateur en Irak est un ennemi mais un autre en Arabie Saoudite un ami, décrédibilise la prétention des Etats-Unis d’imposer leur modèle. »
Dans un autre registre, The Jakarta Post s’interrogeait récemment : « Dix ans après la fin de la dictature de Suharto, la démocratie progresse en Indonésie… mais l’intégrisme islamique aussi. La corruption reste forte et l’économie se dégrade, au point que beaucoup d’Indonésiens se demandent si la démocratie n’est finalement pas plus un mal qu’un bien. »
Jean Piel
17:32 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : madagascar, démocratie, mondialisation, actualité, presse, société, politique | Facebook