02/03/2016
A tous les tribalistes que j'ai emmerdé avant !
Fermé pour cause d'inventaire. Si vous ne me voyez pas souvent ces derniers temps, c'est effectivement parce que je suis en plein dedans. Je fouille dans mes archives en vue d'un livre. Et là je constate que des choses que j'ai écrit il y a 10-20 ans demeurent toujours valables. Triste. Oui, parce que cela veut dire que l'on n'a pas avancé d'un iota. Pire, on a même régressé sur bien de points. Pas seulement au niveau économique, mais aussi sur d'autres sujets où l'on est obligé parfois de tout reprendre depuis le début. Tant pis, je ne me lasserais jamais de le faire.
Voici donc, livré tel quel sans aucun changement, un article que j'ai publié dans « L’ Express de Madagascar » du mardi 6 août 1996, pp. 16 à l'occasion du centenaire de l'annexion de Madagascar par la France. Curieusement, il se charge d'actualité en ce moment où des abrutis, incultes et inconscients, jouent aux pyromanes à travers les médias des mille collines en exhumant les vieilles rivalités tribales pour cause de flambeau (à l'huile) mal transmis.
06 AOÛT 1896 – 06 AOÛT 1996
CENTENAIRE DE LA LOI D’ANNEXION : NAISSANCE D’UNE NATION
« Robinsonade ». Telle est le qualificatif que l’historien E.T. Gautier a donné au débarquement des premiers hommes à Madagascar. De ces participants à cette robinsonade donc jusqu’aux 13 millions de citoyens actuels, que de chemins parcourus, main dans la main ou face-à-face, à travers l’histoire. Une période décisive en est la colonisation qui –involontairement- a uni les différentes tribus disséminées à travers l’île et leur fait prendre conscience de cette unité En cette année du centenaire de la loi d’annexion, ce fait mérite d’être souligné.
Les plus anciens indices montrant la présence d’éléments humains à Madagascar ne nous permettent pas d’aller plus loin qu’au IIe siècle après Jésus-Christ. Il s’agit de grains de riz carbonisés recueillis dans l’île Mangabe (région Masoala).
Formant des clans, puis des tribus, les premiers Malgaches s’organiseront en royaumes vers le XVe-XVIe siècle. Le concept de royaume fut apporté par une de nos branches ancestrales, les Arabes, qui essaimèrent dans Madagascar à partir du VIIe siècle. Outre chez les Antemoro et apparentés (un des leurs, Rambo, est à l’origine des dynasties royales tanala et betsileo), ainsi que chez les Antambahoaka et Antanosy (qui disent descendants de l’arabisé Raminia), la présence arabe est palpable jusque chez les Sakalava.
Tentatives d'unification
Faut-il rappeler que les Sakalava sont à l’origine de la première tentative d’unification de Madagascar un seul et unique Etat ? Les conquêtes sakalava ne dépassèrent pourtant pas le tiers de Madagascar. Le royaume merina fera mieux. Nullement à cause d’une quelconque supériorité naturelle, mais pour des raisons d’ordre historique et géographique.
- Raison historique : l’Imerina a été le foyer d’une lutte sans merci entre les premiers occupants (les Vazimba) et les nouveaux arrivants. Ces derniers ont été alors obligés de s’unir sous la houlette d’un chef de guerre. Une union qui s’avèrera encore plus nécessaire quand viendront, plus tard, les razzias d’esclaves venus des côtes pour approvisionner les trafiquants américains. Ce qui permettra la fixation au sol du peuple pour la production, et donc d’un enrichissement de l’intérieur.
- Raison géographique : le milieu joue une influence énorme dans le destin d’un pays, d’une population. Certains éléments géographiques peuvent en effet, contribuer à la fixation d’une capitale d’où partira l’unité du pays. Il en existe de nombreux exemples à l’étranger : rôle de l’Ile de la cité (Paris) pour la France, de la Tamise (Londres) pour le Royaume –Uni, du Tibre et du Palatin pour Rome, de la Moskova pour la Russie, de Manzanares (Madrid) pour l’Espagne, etc. Les éléments géographiques pouvant jouer un rôle de refuges, de sites défensifs. A Madagascar, c’est l’Imerina qui a joué ce rôle. Car l’Imerina et ses environs sont favorables à l’implantation humaine à cause d’un réseau hydrographique qui y passe, formé par l’Ikopa, le Sisaony, le Mamba… Mais surtout par l’existence de la plaine de Betsimitatatra entourée des « 12 collines défensifs ». Plaine hostile, marécageuse et fréquemment inondée, le Betsimitatatra sera aménagé grâce à un effort collectif et continu de la population. Un travail de longue haleine, vecteur d’unité et d’enrichissement et donc de puissance qui n’a pas d’équivalent dans les royaumes périphériques. Faut-il dès lors s’étonner que ce soit avec Radama I que les Anglais ont choisi de nouer des relations en 1817, alors que le royaume Merina ne possédait encore à l’époque qu’aucune once de territoires en dehors des Hautes terres ? Petit à petit, le royaume Merina s’agrandira pour finir par unifier, à la fin du XIXe siècle, les deux tiers de Madagascar. Loin d’être une conquête coloniale ou d’impérialisme, au sens que ces termes ont reçu dans l’histoire universelle, l’expansion merina doit être plutôt considérée comme une œuvre d’unification nationale, tel que ce qui s’est passé, à la même époque, en Italie (de 1859 à 1870) sous la direction du Piémont-Sardaigne ou en Allemagne (de 1862 à 1872) sous la conduite de la Prusse.
Ce bel élan venant de l’intérieur sera stoppé net par l’arrivée au pouvoir de l’oligarchie Hova, personnifié par un Premier ministre qui n’avait ni le pouvoir charismatique des anciens rois, ni la source de l’autorité nécessaire pour imposer les réformes et l’innovation, ni la puissance économique et militaire des Européens. Rainilaiarivony (l’autre centenaire) exerçait le pouvoir plus au moyen de la richesse que par l’autorité. D’où le manque de crédit des dirigeants auprès de la population. Et, chemin faisant, auprès de l’armée. Ceci explique la facilité déconcertante avec laquelle le corps expéditionnaire français a conquis Madagascar. (25 tués au combat pour une armée de 15 000 hommes). D’autant plus que pour les Malgaches de l’époque, la « terre-des-ancêtres » se limitait encore à la région où se trouve le caveau familial.
Conscience nationale
Le royaume Merina n’étant parvenu à regrouper que les deux tiers de Madagascar, c’est en définitive au pouvoir colonial donc que l’on doit l’unification réelle et véritable du pays. Et ce, sous la bannière d’un seul Etat. Mieux, les exactions coloniales finiront pour avoir raison des stupides préjugés tribaux pour donner aux Malgaches la conscience de son identité historique et culturelle commune. L’unité linguistique étant déjà incontestable. Elle sera d’ailleurs renforcée encore plus par la nécessité d’harmoniser les textes administratifs coloniaux. C’est ainsi que, malgré elle, la colonisation fit maitre chez le Malgache une conscience nationale. En 1915, par exemple, la VVS (mouvement secrets regroupant des militants émanant des quatre coins de l’île) a donné consigne aux miliciens malgaches envoyés dans le sud de ne pas tirer sur les compatriotes que sont les « Sadiavahy », en pleine révolte contre les impôts coloniaux.
Plutôt récent, en comparaison à ceux des pays occidentaux, le sentiment nationaliste est encore fragile à Madagascar. C’est pourquoi les politiciens, émules de Galliéni, sont tentés à chaque fois de la malmener à chaque crise de régime.
Heureusement, Madagascar n’est pas le Rwanda, et la Yougoslavie est loin. D’ailleurs chaque tentative de division ne fait que renforcer davantage encore, chez le Malgache, la conscience de l’unité de sa Nation. (A-t-on déjà divisé quelque chose qui l’est déjà ?). Les manifestations marquant la centenaire de l’annexion de Madagascar par la France est une opportunité pour renforcer cette union.
21:37 Publié dans Edito, Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : madagascar, histoire, tribalisme, merina, sakalava, randy donny | Facebook
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