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11/12/2010

Elie Rajaonarison et moi

J'ai l'habitude de dire à propos des morts que ce sont toujours les meilleurs qui partent. Et c'est vrai. La preuve, je suis toujours là.
Elie Rajaonarison faisait partie des meilleurs. Militaire de formation avant de devenir poète par passion, puis universitaire de profession et politicien par devoir, on peut dire qu'il a une vie bien remplie. 59 ans, c'est court. C'est long. Mais qu'importe la durée, l'essentiel est de l'avoir bien vécue.

Je ne me souviens plus trop de la première fois où je l'ai rencontré. Je l'ai découvert dans un éphemère magazine culturel quand j'étais gosse, "Ando". J'ai gardé religieusement ce mag' pendant une dizaine d'années jusqu'à ce qu'un autre poète me le chipe. Puis  j'ai entendu parler d'Elie Rajaonarison l'anthropologue quand j'étais étudiant. J'aurais voulu qu'il nous enseigne sa discipline, mais c'est un de ses amis, compétent par ailleurs et qui enseigne actuellement dans une université parisienne, qui s'est occupé de la tâche. Je l'ai sûrement croisé à Normale Sup'. Mais c'est finalement en tant que journaliste que je l'ai véritablement rencontré. Depuis, on a eu des relations sympathiques et plutôt proches pour des gens qui ne se voient qu'assez rarement.

Je l'ai vu faire entrer les gens lors d'une séance de déclamation de "Faribolana Sandratra", le cercle des poètes en devenir. Il m'a donné rendez-vous chez lui à Faravohitra pour, je  crois, récupérer son livre, "Ranitra". Je l'ai surpris en 2002 alors qu'il passait ses nuits dehors avec ceux qui font barrage pour protéger Marc Ravalomanana, toujours à Faravohitra. Je lui ai alors demandé le projet de société du futur ex-président de Madagascar. "Il va créer des petits Ravalomanana dans chaque région. Ils serviront de modèles et feront tâche d'huile", explique-t-il. Cela ne m'a pas convaincu. On s'est vu à Nosy-Be lors du festival Donia alors qu'il était membre du cabinet du ministère de la Culture... Bref, on se croisait au gré de nos pérégrinations professionnelles respectives. Et à chaque fois, il se prend un malin plaisir à me taquiner sur une liaison dangereuse que j'avais eue avec une de ses étudiantes.

Il avait mille facettes, mais je crois qu'il n'est jamais meilleur que dans la peau du poète, lorsqu'il enlève son armure d'officier de réserves, son réserve d'intellectuel et son intelligence d'anthropologue pour laisser libre court à son imagination, laissant apparaître une sensibilité d'écorché vif et une fragilité que cache, vaille que vaille, un masque d'artiste trop cliché symbolisé par une minuscule natte dans la nuque.

Curieusement, lorsqu'il disparaît brutalement, le 27 novembre 2010, personne ne s'est posé la question pourquoi ? Comme si à 59 ans, cela arrive naturellement. C'est indélicat, mais pour ceux qui m'ont posé la question, ce traducteur de Prévert est mort des suites de la complication d'une intoxication alimentaire. C'est vrai qu'aux grandes figures, on imagine toujours des morts moins "commun des mortels". Mais n'est-ce pas qu'ils tutoient déjà l'immortalité à travers les coeuvres qu'ils laissent ?

A! ry tsy misaina

imamoako ny Fanantenana

mamo aho

avelao aho ho mamo

izaho irery

sy ny Finoako

ary ny Fanantenako...

 

Ho inonao ny fikarainkon'ny maraina

raha tsy tsapanao ny fameroveron'ny alina !

(in "Ranitra", Ed Grand Océan, Antananarivo, 1999, pp. 207)

Ah! l'insensé

Je m'énivre d'espoir

je suis saoul

laisse moi me saouler

seul

avec mes Convictions

et mes Espérances

 

Que t'importes les stigmates du matin

si tu ne sens pas l'essence de la nuit

(trad. by Patrick Rakotolahy)

 

04/10/2010

Hommage (tardif) à Raoul...

Ceci n'est pas un scoop. Les fan de muRaoul Mahaleo.jpgsique malgache savent que Mahaleo, le groupe malgache le plui nfluent de tou les temps, vient de perdre son doyen : Raoul. La presse malgache en a abondamment parlé avec forces citations de "La saga Mahaleo", le premier, et encore seul, livre écrit sur le groupe. Il en reste encore quelques exemplaires, à Paris et chez moi. En attendant, revue de presse. 

Copie de Raoul Nouvelles.jpeg

Extrait "Les Nouvelles", n° 1976, lundi 6 eptembre 2010, pp. 7.

Copie de Raoul Gazetiko.jpeg

Extrait de "Gazetiko", n° 3761, du lundi 6 septembre 2010, pp. 5.

16/06/2010

Un peu de tendresse dans ce monde de brutes

En feuilletant de vieux livres que j'ai ramené de mon week-end de la PentecôTatamo.jpgte à la campagne, je suis tombé sur cette page que j'ai trouvé extraordinaire. Il est publié dans la revue littéraire "Tatamo", datée de 1953. Je ne m'attendais pas à trouver une pièce littéraire sur le camp militaire de Fort-Duchesne où vient de se dérouler un événement malheureux, le 20 mai 2010 : la mutinerie de quelques éléments du camp, manifestement monnayés, s'est soldé par 5 morts et des dizaines de blessés. J'ai décidé donc de partager ici ce moment de tendresse en ce moment où la brutalité règne à Madagascar. C'est ma contribution au retour au calme.
Notre maison de campagne est un véritable caverne d'Ali Baba pour bibliophile. C'est le résultat de plusieurs années de collections par mon père. A chaque fois que j'y passe, je ramène toujours quelques livres rares. Parfois, il s'agit de livres que j'ai déjà lu étant enfant.

Fort-Duschene.jpg

03/10/2008

« Paris-Match », le mémorial de mon temps

La vie s’arrête quand on n’est plus teenager. Après, on passe son existence à « revivre » ses tendres années. Parmi les choses qui meParis-Match Benoît XVI.jpg remémorent mon jeune âge figurent le magazine « Paris-Match ». J’ai appris à lire avec en même temps que « L’Express » et la « Sélection du Reader’s Digest ». Mon père était même abonné à son digest annuel, le volumineux « Mémorial de notre temps », que je dévorais sans jamais me rassasier. C’était avant 1975. Je commençais à peine à aller à l’école. Oui, je suis de la culture populaire. Voilà pourquoi, je me retrouve mieux dans « Rock & Folk » que dans « Les Inrockuptibles ». Je préfère me mettre en tee-shirt qu’en costume-cravate. Ce qui ne m’empêche pas, de temps en temps, d’avoir des goûts de luxe…

Ceci dit, dans l’avion qui me ramenait de Paris, je n’ai pu m’empêcher un vieux réflexe : garder les journaux que l’on propose en lecture. J’avais la chance de tomber sur le numéro de « Paris-Match » avec le pape Benoît XVI en couverture. Celui-là, je l’ai raté deux fois : je ne suis pas allé à la grand-messe aux Invalides (comme les deux bonnes sœurs malgaches photographiées par Match) alors que j’aurais pu, ni aller à Lourdes car je ne savais pas qu’un car gratuit était à la disposition des fidèles du Val d’Oise. Non, je ne suis pas catholique. Mais tout ce qui est people m’intéresse. Et le pape est une superstar à sa manière.

Paris-Match sisters.jpg

 

Je retrouvais donc le « Paris-Match » de mon enfance. Et je l’ai lu avec une passion intacte. Cela dure depuis des années. A bien y réfléchir, c’est ce genre de lecture qui m’a orienté vers le journalisme. Tiens, j’y ai même dégoté une réponse à Valiavo Andriamihaja Nasolo Frédéric (Vanf), excellent chroniqueur du reste, qui se posait la question sur la possibilité de « ouragan raciste », ici, en évoquant le désastre provoqué par l’ouragan Ike sur Haïti et non à Saint-Domingue, deux pays qui se trouvent pourtant sur une même et unique île. La réflexion n’étonne pas ceux qui connaissent le registre de Vanf. Les éléments ne font pas de discriminations entre les humains. La véritable raison est dans l’article qui suit, extrait de « Paris-Match », n° 3096, du 18 au 24 septembre 2008, p. 85.

Historique d’un désastre

La fréquence des ouragans et leurs dégâts augmentent depuis le début du XXè siècle. Les spécialistes constatent que la déforestation est un facteur aggravant car les pluies ruissellent désormais sur les reliefs sans être arrêtées par la végétation, et la nudité de la terre aggrave les effets du ruissellement. L’autre partie de l’île, Saint-Domingue, ne connaît pas de catastrophe d’une telle ampleur. Le départ des colons après les massacres de 1806 a désorganisé les plantations. L’anarchie politique persistante a empêché tout développement rationnel et suscité un défrichement sauvage. La France réclame, pour compenser la « nationalisation » des plantations, 90 millions de francs en 1825, sous la menace d’une flotte de guerre. Cette saisie aggrave encore la situation. Puis la crise de la canne à sucre, concurrencée par la betterave, affaiblit les recettes. La « perle des Antilles » était pourtant la plus riche colonie française avant 1790, grâce à la canne à sucre et à l’indigo. 1957-1986 : les Duvalier instaurent une dictature sanglante. La terreur qu’ils font régner a ravagé ce qu’il restait des forêts puisqu’elles servaient de refuges aux opposants. La terre est nue, qui fut autrefois si féconde. Deux millions d’Haïtiens fuient les massacres.

 

Haïti.jpg

Reconstitution haïtienne du « Radeau de la Méduse ».

J’ai gardé le meilleur pour la fin. Une banale critique de film (« Parlez-moi de la pluie » d’Agnès Jaoui) qui flirte avec la littérature. Quelque part, le journalisme est l’art d’intéresser les lecteurs à ses coups de cœur et, hélas aussi, à ses coups de gueule. Je n’aimerais probablement pas l’opus, comme la majorité des productions françaises, même si Jamel Debbouze est au générique, mais j’ai flashé sur le commentaire. C’est comme manger dans un restaurant gastronomique : la longueur de l’intitulé des menus est inversement proportionnelle à la quantité proposée. Mais qu’est-ce que c’est poétique. Rien qu’en les lisant, on n’a déjà plus faim. Avant-goût.

Impers et manques

«Vider les placards incitent à vider les sacs… de nœuds familiaux (…) Les gens ressemblent souvent à leurs maisons de famille : les façades solides cachent des murs lézardés par de vieilles blessures causées par des tremblements de terre prénatale et des dégâts des eaux troubles de la jeunesse. Et ce sont ces petites catastrophes naturelles, ces fissures affectives qui sculptent les êtres humains. En fait, ne sommes-nous pas tus des losers magnifiques essayant simplement d’avoir la force de vivre malgré nos faiblesses ? (…) à la santé de nos existences fluctuantes comme la météo. Nous qui aspirons à posséder l’éclat du soleil, le charme rare des aurores boréales, la puissance des ouragans, l’autorité du tonnerre et l’infinité du ciel, nous nous bornons, humbles mortels, à vivre un temps variable, traversé d’éclaircies et d’averses, avec, au final, un ultime coucher du soleil sur une nuit éternelle. Alors, en attendant, on fait de notre mieux… »

Alain Spira

23/05/2008

Jaojoby, la biographie


Ce n'est pas encore en librairie.  En grande première, voici le projet de couverture du livre que je suis en train d'écrire sur Jaojoby Eusèbe, le roi du salegy. Vous savez peut-être que Jaojoby Eusèbe est à l'affiche de l'Olympia le 20 septembre 2008. Et bien, comme lors de Mahaleo, je vais sortir une biographie du king. Avec son accord, naturellement...
Que ceux qui s'intéressent au parcours du chanteur, qui a commencé par des interprétations de James Brown avant de virer Tropical, se manifestent en m'écrivant. La présentation sera plus luxueuse (photos à gogo en quadrichromie sur papier glacé) que le livre sur Mahaleo. En avant-goût, j'offre en écoute une surprenante composition de Jaojoby, du temps où il était plus connu par son prénom, Eusèbe : "Magnino Ndreky", enregistrée en 45 tours avec les Players, en 1977.
La sortie du livre est prévue avant l'Olympia.podcast