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18/05/2017

Ultime bafouille pour Christian Chadefaux

Il est mort un 3 mai, journée de la liberté de la presse. Il a beaucoup donné pour la presse et la liberté.

Christian Chadefaux était mon chef, mon mentor (du malgache "manorotoro", aurait dit Xhi & Maa, nos amis communs). C'est lui qui m'a accueilli à "L'Express" en 1996. Avec lui, il n'était pas nécessaire de faire une conf'réd quotidienne pour sortir un journal que les lecteurs vont s'arracher. Chaque journaliste sait ce qu'il doit faire et part chacun de son côté à la chasse aux scoops. Pendant nos huit années d'Ankorondrano, il n'a cessé de faire augmenter substantiellement mon salaire chaque année alors que d'autres se plaignaient de faire du sur place. 

Il était arrivé à Madagascar  à 17 ans. L'Auvergnat ne le quittera que 60 ans plus  tard. Sa disparition m'a tellement surpris et ému que je n'ai pas trouvé mes mots. En guise d'ultime bafouille donc, je reproduis ici cet article du journal "Les Nouvelles" à la tête duquel je l'ai succédé lorsque le régime Ravalomanana l'a expulsé, ainsi qu'un autre journaliste, Olivier Péguy et le père Sylvain Urfer.

 

Madagascar, presse, journalisme, Christian Chadefaux, Randy Donny

Pourquoi Christian Chadefaux a été expulsé

    

Au lendemain du décès du rédacteur en chef fondateur des Nouvelles, il est juste que la vérité soit dite sur un événement qui a fait couler beaucoup d’encre.

On a toujours connu Christian pour son franc-parler un peu frondeur. Sa volonté de quitter L’Express pour créer Les Nouvelles n’a fait que libérer son esprit libre. Malheureusement, le quotidien a été créé sous le règne de Ravalomanana dont on connaît le peu d’appétit pour la chose écrite et l’humour.

Tout a commencé par un papier anodin dans les Marchés Tropicaux, qui faisait le parallèle entre feu Herizo Razafimahaleo dont Christian admirait le parcours et l’intelligence, et Ravalomanana dont il moquait l’inculture. Cet article se finissait sur le meilleur état de santé du cadet, ce qui a mis le président de l’époque dans une grande fureur.

Entretemps, sa liberté de parole lui avait fait écrire un mail assassin sur la moralité et la compétence de Rolly Mercia et Alphonse Maka auprès de L’union de la Presse francophone. Ces derniers ont alors déclenché une vendetta qui a conforté Ravalomanana dans le fait que les confrères ne bougeraient pas. Ce qui a été le cas. Même si Christian Chadefaux a fait toute sa carrière dans la presse malgache, il est resté le vazaha donneur de leçon aux yeux de grand nombre d’entre ceux qui sont passés par son apprentissage brutal.

Deux événements ont accéléré une décision prise sous la colère. Les procédures balbutiantes du quotidien qui en était à ses débuts, ont permis que le caricaturiste passe lors du passage de Kofi Annan secrétaire général de l’ONU une blague de mauvais goût. «On nous confie un âne». Qui méritait tout juste qu’on se moque du peu de finesse du calembour mais qui a provoqué l’ ire du Président, des appels du Premier ministre et des ministres pour exprimer sa colère.

L’esprit facétieux de Christian a pu se défouler lorsque, tout heureux d’avoir un scoop, il a appris que le fils Ravalomanana allait se marier à une Bulgare. Le jeu de mots sur le yaourt au goût bulgare est venu se loger dans l’éditorial. Cet article a été discuté en conseil de gouvernement. Pour si peu…

 48 heures pour quitter le pays quand on y a été 6 décennies… La sanction, malgré toutes les interventions et supplications, a été appliquée. Nous avons été peu nombreux à l’accompagner à Ivato pour un départ définitif qui l’a laissé amer et désabusé sur le pays et surtout ses dirigeants. Il y avait une incompatibilité entre la présence d’un esprit libre et le régime autocratique de Marc Ravalomanana. De la même manière qu’a été expulsé Paul Giblin, directeur général de la banque MCB, dont la grande erreur a été de laisser apparaître un léger mépris pour le guide suprême. Ou le Père Sylvain Urfer dont les critiques étaient trop diffusées internationalement.

A l’heure où dans le monde, on voit les extrêmes se banaliser et s’installer au pouvoir, il est de notre devoir de rester vigilant. On ne peut pas laisser le pouvoir aux mains d’incultes aux idées courtes qui n’ont aucun sens de l’humour. Il y va de la survie de l’humanité. En tout cas de celle dont on défend les idéaux. Au-delà de cette page d’histoire qui se referme avec la mort de Christian Chadefaux et au lendemain de la célébration de la Journée de la liberté de la presse, il est impératif de se retourner sur 300 jours d’un code de la communication liberticide. Les pouvoirs qui se sont succédé ont tous eu la tentation de museler la presse et les médias. C’est une bataille qu’ils peuvent parfois gagner, mais la guerre est perdue d’avance. De Ratsiraka à Ravalomanana, aujourd’hui Rajaonarimampianina, la liberté de l’ esprit a toujours finalement vaincu. Même au fait de leur puissance, les présidents fondateurs doivent garder à l’esprit qu’au Gondwana, leur pouvoir est éphémère…

N. A.

20/10/2009

Liberté de la presse : Madagascar perd 40 places !

De la 94è place en 2008, Madagascar chute à la 134è place dans le classement 2009 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières. La période qui a fait l'objet du classement s'étale de 2008 à 2009.

AFRIQUE
Entre crises politiques et violences, les journalistes africains à la merci de l'instabilité du continent

La Corne s'enfonce, Madagascar et le Gabon chutent, le Zimbabwe progresse

Cette année encore, la Corne de l'Afrique a été la région du continent la plus touchée par les atteintes à la liberté de la presse. L'Erythrée (175e), où aucun média indépendant n'est toléré et où trente journalistes sont emprisonnés, soit autant qu'en Chine ou en Iran, malgré une population infiniment moins nombreuse, se maintient au dernier rang mondial, pour la troisième année de suite. Quant à la Somalie (164e), qui se vide progressivement de ses journalistes, elle est le pays le plus meurtrier du monde pour la presse, avec six professionnels des médias tués entre le 1er janvier et le 4 juillet.
L'année 2009 a confirmé que, dans certains pays africains, la démocratie repose sur des bases solides et que le respect des libertés y est garanti. Dans d'autres pays, en revanche, les crises politiques et l'instabilité ont porté des coups très durs au travail des journalistes et des médias.
A Madagascar (134e) par exemple, qui perd cette année quarante places, les médias ont été pris au piège de l'affrontement entre le président déchu Marc Ravalomanana et le président de la Haute Autorité de transition, Andry Rajoelina. Censures, saccages et désinformation ont été à l'origine de la dégringolade de l'île, où un jeune journaliste a été tué alors qu'il couvrait une manifestation populaire. Au Gabon (129e), le black-out médiatique instauré par les autorités sur l'état de santé d'Omar Bongo avant sa mort et le climat délétère entourant l'élection présidentielle du mois d'août ont sapé le travail de la presse. Le Congo (116e) enregistre un recul de vingt-quatre places, principalement en raison de la mort encore mystérieuse du journaliste d'opposition Bruno Jacquet Ossébi et du harcèlement subi par plusieurs correspondants de la presse étrangère lors du scrutin présidentiel du 12 juillet. Enfin, si en Guinée (100e) la situation a pu sembler relativement calme au cours de l'année, les événements tragiques du 28 septembre et les menaces explicites adressées actuellement aux journalistes par les militaires nourrissent de vives préoccupations.
Certaines transitions ont été moins préjudiciables à la liberté de la presse. L'élection du général Mohamed Ould Abdel Aziz en Mauritanie (100e) s'est déroulée sans incident majeur pour la presse, même si l'incarcération d'un directeur de site Internet entache l'image du pays. En Guinée-Bissau (92e), les assassinats du chef d'état-major des forces armées puis du président Joao Bernardo Vieira ont certes entraîné la coupure temporaire de quelques médias et provoqué la fuite de plusieurs journalistes inquiétés, mais le recul reste mesuré.
Les Etats où la violence fait rage stagnent dans le dernier tiers du classement. Le Nigeria (135e) et la République démocratique du Congo (146e) vivent au rythme des agressions et des arrestations arbitraires. A Bukavu, chef-lieu du Sud-Kivu, deux journalistes de radio ont été assassinés.
En raison d'un renforcement du contrôle de l'information à l'approche des élections de 2010 - suspension temporaire de médias locaux et internationaux, condamnation de journalistes à des peines de prison -, le Rwanda (157e) n'en finit pas de sombrer. Il vient talonner le "Koweit de l'Afrique", la Guinée équatoriale (158e), où le seul correspondant de la presse étrangère a passé près de quatre mois en prison pour "diffamation".
En Afrique de l'Ouest, Mamadou Tandja et Yahya Jammeh, les chefs d'Etat nigérien et gambien, se sont disputé la plus mauvaise place. Celle-ci revient finalement au Niger (139e), qui perd neuf places, alors que la Gambie (137e) paye, une fois de plus, l'intolérance de son Président, lequel n'a pas hésité à envoyer en prison les six journalistes les plus réputés du pays avant de multiplier les insultes et les provocations publiques à leur égard.
Au Zimbabwe (136e) semble enfin se desserrer l'étau qui pesait sur la presse. L'enlèvement puis l'incarcération scandaleuse, pendant de longues semaines, de l'ancienne journaliste Jestina Mukoko, ternit le tableau, mais l'annonce par le gouvernement d'union nationale, cet été, du retour de la BBC, de CNN et du quotidien indépendant The Daily News est évidemment porteur d'espoir.
Enfin, le peloton de tête reste le même qu'en 2008, avec le Ghana (27e), le Mali (30e), l'Afrique du Sud (33e), la Namibie (35e) ou encore le Cap-Vert (44e) parmi les cinquante premiers pays les plus respectueux de la liberté de la presse. Fort d'une alternance démocratique réussie avec l'élection, en janvier 2009, de John Atta-Mills, successeur de John Kufuor, le Ghana a ravi la première position africaine à la Namibie, où une journaliste sud-africaine a dû passer une nuit en garde à vue avant d'être relâchée contre le paiement de deux cautions.

Reporters sans frontières / Reporters Without Borders