19/02/2009
Ma proposition pour les Etats généraux
Un événement, ça trompe énormement. En tout cas, la situation à Madagascar a dû troubler sérieusement iTélé et Canal+ au point que leurs rédactions ont illustré un reportage sur la grève en Guadeloupe par des images de la place du Treize-mai. Ceci dit, au moment où les partisans de TGV investissent les ministères sans coups férir, que le FFKM est en train de se disperser aux quatre vents, et même si le clan Ravalomanana continue à faire la politique de l'autruche, voilà que l'on annonce "Les Etats généraux pour la défense des valeurs républicaines et la consolidation de la démocratie à Madagascar".
Les valeurs républicaines. Il est effectivement temps de s'y pencher dans un pays où les institutions ont encore des effluves monarchiques. Un président est élu par le peuple et non désigné par la main de Dieu. J'ose espérer que les nouveaux règles du jeu qui seront réécrits pendant la Transition seront empreints d'un esprit universel et intemporel. Jusqu'ici, la mère des lois, la Constitution, a été toujours écrit pour servir la cause d'une personne. D'où les coups d'Etat à répétition par la rue. Limiter le nombre des partis politiques et interdire les candidatures indépendantes sont fondamentalement anti-démocratiques. Limiter le mandat présidentiel à deux ans est bien. Mais j'irais encore plus loin, et c'est ma principale proposition pour les Etats généraux : il faut qu'il y ait une intervalle entre les deux mandats d'un même président pour qu'il n'en profite pas pour faire son nid. Un "kandidam-panjakana" aura toujours la tentation d'utiliser sa position pour se faire réélire.
Ci-dessous, le communiqué "argumenté" des "Etats généraux" qui se tiendront du 26 au 28 mars 2009. Tout le mal que l'on souhaite est que ces Etats généraux n'accouchent pas d'une souris.
I - Résumé exécutif
L’instabilité politique, économique et sociale chronique à Madagascar trouve son origine dans l’absence de consensus sur les fondamentaux de la République et dans le manque d’adhésion à une vision commune. Les crises de pouvoir frappent le pays de manière cyclique. Il en résulte des incertitudes dans l’évaluation des perspectives économiques et des à-coups dans la croissance, des perturbations notables dans la vie sociale et, au total, une marche chaotique, voire à rebours, vers le progrès et le développement.
Un régime présidentiel fort qui s’appuie sur un parti présidentiel dominant toutes les institutions de l’État entraîne des excès et des abus de pouvoir, ainsi que des actes de corruption de toutes sortes. La gouvernance est caractérisée par des délits d’initié et des conflits entre les intérêts publics et les intérêts privés, jusqu’à la plus haute sphère de l’État.
On assiste à une régression de la décentralisation, tant au niveau des collectivités territoriales qu’au niveau des établissements publics. Par exemple, la désignation des organes des structures décentralisées par le pouvoir central amoindrit l’autonomie administrative, postulat de la décentralisation.
Le moment est venu de faire face au passé en toute maturité, en discuter sereinement et en faire le bilan tant politique qu’économique sans acrimonie afin de conjurer les malentendus et désamorcer les rancunes tenaces. Le moment est venu d’agir et de nous tourner résolument vers l’avenir et en toute confiance. Le moment est venu de mettre en place les structures capables d’absorber les chocs politiques et sociaux. Ces structures devraient être aptes à générer un progrès économique et social équilibré et dynamique de toutes les couches de la population et de toutes les régions de l’île. Le moment est venu d’asseoir la véritable base d’un État de droit par le biais duquel le citoyen assume ses droits et ses devoirs pour traduire l’effectivité de l’égalité de tous devant la loi. La garantie constitutionnelle et institutionnelle d'une alternance démocratique respectueuse du choix des citoyens doit être le fondement essentiel de la République, de l'État de droit et de la stabilité politique. L’urgence s’impose de partager une vision commune et un engagement fort de tous les citoyens responsables sur le futur de la Nation.
L’Unité et la solidarité nationales, conditions du développement, ne doivent pas être fragilisées à chaque soubresaut politique. Aussi, est-il impérieux de réconcilier la classe politique, pouvoir comme opposition, avec tout le peuple sans distinction en raccommodant les déchirures catégorielles et régionales tant politiques qu’économiques et financières.
II- LES OBJECTIFS ASSIGNÉS AUX ÉTATS GÉNÉRAUX
A l’issue des États Généraux de la démocratie et des valeurs républicaines, il sera publié une « CONVENTION RÉPUBLICAINE » qui va proposer les nouvelles orientations du pays, y compris, le cas échéant, la période transitoire en consacrant une véritable culture démocratique dont les fondements sont :
1) un véritable État de droit garantissant l’alternance démocratique du pouvoir et traduisant entre autre l’effectivité d’une authentique décentralisation des droits et des obligations,
2) une pratique intangible de la démocratie qui, outre les normes universellement acceptées, doit aussi poser comme postulat « la libéralisation des opportunités et des initiatives » dans les domaines économique, social, politique et culturel en tenant en compte la spécificité de la société malgache,
3) une bonne gouvernance qualifiable et contrôlable,
4) une économie libérale à visage humain respectueuse de l’homme malgache et de son environnement. Le développement économique sera fondé sur la liberté d’entreprendre, dont le principe est l’égalité de tous devant la loi qui consacre les règles d’une saine concurrence et la mise en place de toutes les conditions propices pour l’égalité de chances de tous les acteurs du développement.
Ces nouvelles orientations seront traduites par l’élaboration non limitative des textes fondamentaux et de leurs textes d’application ci-après pour faire face au passé en toute maturité et partager une vision commune et forte sur le futur de la Nation à l’issue des États Généraux :
- Institutions :
. projet de loi sur la commission vérité et réconciliation
. révision et/ou projet de Constitution
. projet de loi sur le fonctionnement de la Justice
- Démocratie :
. projet de loi sur les partis politiques
. projet de code électoral
. projet de code de la communication
. charte sur l’Éthique et la Démocratie
- Décentralisation :
. projet de loi sur la décentralisation particulièrement l’aspect budgétaire et le niveau de transfert de compétences du pouvoir central vers les collectivités territoriales décentralisées
- Concurrence économique :
. projet de loi sur la concurrence économique
. projet de loi sur la protection des consommateurs
. projet de loi sur le Conseil Économique et social : avant projet de code des investissements et des affaires, avant projet de code minier, avant projet de code des douanes, avant projet de code général des impôts, avant projet de loi sur les opérations d’importation et d’exportation, etc.,
III- L’ENVIRONNEMENT GÉNÉRAL
Le régime actuel tend vers l’institution d’un régime présidentialiste, la centralisation du pouvoir, le verrouillage des libertés publiques et l’exclusion d’une partie des nationaux.
III.1- L’environnement politique
La démocratie est bafouée et la liberté d’expression est réduite à sa plus simple expression contrairement aux dispositions constitutionnelles. Du fait de massive fraude aux différentes élections, la légitimité des élus à tous les niveaux est contestable. La puissance publique est détournée de sa mission originelle d'être au service de l'intérêt général et est mise au service d’intérêts particuliers pour neutraliser les concurrents économiques et les adversaires politiques. La Justice et les organes de contrôle sont instrumentalisés à des fins partisanes. En dépit de l’aide internationale, la paupérisation persiste : officiellement 66,6% de la population sont touchés par l’insécurité alimentaire chronique et plus de 80% de la population vivent avec 0,6 $Us par jour. L’État de droit n'existe que sur les documents officiels de la République et n'a été utilisé que pour apaiser la mauvaise conscience des partenaires bilatéraux et multilatéraux du gouvernement. L’État de droit est substitué à l’État du bon vouloir.
Le régime actuel tend vers l’institution d’un régime personnel, la confusion des pouvoirs du législatif et de l’exécutif, l’exclusion d’une partie des nationaux, la centralisation du pouvoir et le verrouillage des libertés publiques.
1) Le régime présidentialiste s’appuie sur un parti présidentiel dominant :
Cette situation est caractérisée par :
- la domination du parti présidentiel au niveau du Gouvernement,
- la domination du parti présidentiel au niveau du Législatif (Assemblée Nationale et Sénat),
- le renforcement de la domination du parti présidentiel : la nouvelle loi sur les partis politiques adoptée en janvier 2009 aboutira à terme à éliminer du paysage politique les autres partis politiques sauf s’ils intègrent la mouvance présidentielle (style Front National pour la Défense de la Révolution FNDR de la Deuxième République),
- la domination du parti présidentiel au niveau de la Haute Cour Constitutionnelle : trois des membres sont nommés par le Président de la République, deux sont élus par l'Assemblée Nationale dont la majorité des membres est issue du parti présidentiel, deux par le Sénat -dont les membres élus sont issus du parti présidentiel ou nommés directement par le Président, deux sont élus par le Conseil supérieur de la Magistrature qui est présidé par le Président et par délégation par le Ministre de la Justice,
- Le mode subjectif et péremptoire de désignation et d’abrogation aux hauts emplois de l’État.
2) La confusion des pouvoirs du législatif et de l’exécutif :
L'Assemblée Nationale et le Sénat sont devenus des Chambres d'enregistrement des projets de lois émanant du gouvernement.
La Constitution prévoit divers cas de situations permettant au pouvoir exécutif d'exercer des prérogatives dévolues au pouvoir législatif :
Article 60 - Lorsque les Institutions de la République, l'indépendance de la Nation, son unité ou l'intégrité de son territoire sont menacées et que le fonctionnement régulier des pouvoirs publics se trouve compromis, le Président de la République peut proclamer, sur tout ou partie du territoire national, la situation d'exception, à savoir la situation d'urgence, l'état de nécessité ou la loi martiale. La décision est prise par le Président de la République en Conseil des Ministres, après avis des Présidents de l'Assemblée Nationale, du Sénat et de la Haute Cour Constitutionnelle.
La situation d'exception peut être prolongée au-delà de quinze jours dans les mêmes formes.
La proclamation de la situation d'exception confère au Président de la République des pouvoirs spéciaux dont l'étendue et la durée sont fixées par une loi organique.
Dès la proclamation de l'une des situations d'exception précitées, le Président de la République peut légiférer par voie d'ordonnance pour des matières qui relèvent du domaine de la loi.
· Dans cette hypothèse, la décision présidentielle de recourir à cet article ne rencontrera aucune opposition, les avis des trois institutions dans leur composition actuelle (Assemblée nationale, Sénat, et HCC) sont à coup sûr acquis.
· Les situations d’exception ont surtout comme conséquences de limiter les libertés publiques, individuelles et collectives (cf. Article 85).
· Il appartient à une loi organique de délimiter les pouvoirs spéciaux accordés au Président : vu la composition du législatif actuelle, tout projet de loi organique y afférent sera adopté.
Article 99 - Le Parlement, par un vote à la majorité absolue des membres composant chaque Assemblée, peut déléguer son pouvoir de légiférer au Président de la République pendant un temps limité et pour un objet déterminé.
La délégation de pouvoir autorise le Président de la République à prendre, par ordonnance en Conseil des Ministres, des mesures de portée générale sur des matières relevant du domaine de la loi.
Toute délégation de pouvoir demandée dans ce cadre sera acquise.
Article 100 - En cas d'urgence ou de catastrophes, le Président de la République peut prendre par ordonnance des mesures relevant du domaine de la loi.
La notion d’urgence et de catastrophes peut s’appliquer à toute situation selon l’appréciation discrétionnaire du Président : aucune balise de la part des autres institutions et sans nul doute aucune possibilité de contrôle par le juge administratif en cas d’arbitraire.
Article 156 - Le Président de la République est habilité à légiférer par voie d'ordonnance en Conseil des Ministres, pour prendre les mesures d'ordre législatif nécessaires à la mise en place des Institutions ou Collectivités territoriales décentralisées prévues par la présente Constitution révisée.
· Cette disposition a été déjà mise en œuvre pour régir les élections régionales : Ordonnance n° 2008-001 relative aux élections des membres du Conseil régional.
· Elle est également susceptible d’être utilisé pour l’institution de la Haute Cour de Justice : cette juridiction spéciale est appelée à statuer sur la mise en jeu de la responsabilité des chefs d’institutions dont le Président de la République.
Article 85 - Outre les questions qui lui sont renvoyées par d'autres articles de la Constitution, relèvent d'une loi organique … l'organisation, le fonctionnement, les attributions, la saisine et la procédure à suivre devant la Haute Cour de Justice ;
Si tant est que le Président de la République soit disposé à instituer cette juridiction, il aura tout pouvoir pour l’organiser à sa convenance.
3) L’exclusion constitutionnelle d’une partie des nationaux :
Article 46 - Tout candidat aux fonctions de Président de la République doit être de nationalité malagasy d'origine par le père et la mère, jouir de ses droits civils et politiques, avoir au moins quarante ans à la date de clôture du dépôt des candidatures, et résider sur le territoire de la République de Madagascar au moins six mois avant le jour du dépôt de candidature.
Une telle disposition constitutionnelle basée sur l’origine du père et de la mère est inique et raciste car elle exclut une partie des citoyens malgaches. Cela suppose l’existence d’une citoyenneté à plusieurs vitesses. Pourquoi pas aussi l’obligation d’un test ADN pour voir la pureté de la race sachant que le malgache est un peuple métissé ?
4) La centralisation du pouvoir :
On assiste à un reflux de la décentralisation au niveau des collectivités territoriales et de l'autonomie administrative ainsi qu'au niveau des établissements publics bénéficiant traditionnellement de telle spécificité. Des exemples :
On assiste à un reflux de la décentralisation, tant au niveau des collectivités territoriales qu’au niveau des établissements publics. Des exemples :
· La négation des moyens financiers aux collectivités décentralisées et aux services publics déconcentrés
· La nomination par le pouvoir central des Chefs de région.
· Le recours à l’institution de délégations spéciales au niveau des communes : communes de Nosy Be, Tolagnaro, Sainte Marie, Ivato ( suite à la fusion des 2 communes Ivato -Firaisana et Ivato - Aéroport)
· Le recours aux administrateurs délégués au niveau des entreprises publiques
· La récente institution d’un Comité ad hoc à la place du Président de l’Université d’Antananarivo.
La désignation des organes des structures décentralisées par le pouvoir central amoindrit l’autonomie administrative et financière des collectivités décentralisées, une condition incontournable de la décentralisation.
· le conflit qui oppose le pouvoir central à la CUA illustre l’intolérance du pouvoir quant à toute velléité d’autonomie affichée par une collectivité décentralisée, surtout si elle est dirigée par un indépendant ne relevant pas du sérail présidentiel.
► contrôle de tutelle dépassant le sens et le contenu dudit contrôle : gel des fonds au niveau du Trésor, ingérence dans les attributions de la commune (ramassage des ordures ménagères, gestion du transport urbain : affaire de la gare routière) sans constat de carence. Ainsi en est-il de l’intervention anormale du Ministère de l’Education dans la gestion de l’examen du baccalauréat 2008 à l’Université d’Antananarivo.
D’une manière générale, toute anomalie, défaillance ou dysfonctionnement constaté au niveau d’une structure décentralisée appelle l’intervention du pouvoir central qui se substitue à l’organe décentralisé.
5) Verrouillage des libertés publiques
· interdiction des manifestations publiques et de grève
· fermeture de radios ou de télévisions privées exprimant des opinions différentes des tenants du pouvoir
· exclusion de toute opinion dissidente au niveau des médias publics
L’absence de contre-pouvoirs institutionnalisés et de cadre clair d’expression, comme il a été proposé dans le projet de loi sur les partis proposé par les « deux Serge », conduit aux dérives des tena nts du pouvoir qui limitent aux portions congrues la liberté d’opinion et refusent à la population la légitimité d’organiser des manifestations publiques pacifiques pour exprimer leurs desideratas.
III.2- Environnement économique
Les investisseurs et entrepreneurs nationaux sont lésés à tous les niveaux par rapport à leurs homologues étrangers car ces derniers sont protégés par des accords bilatéraux ayant force de loi supranationale, alors que les opérateurs économiques locaux travaillent principalement sur fonds propres, ne bénéficiant d'aucune structure d’appui et de structures d'accompagnement de la part de l'État pour affronter la concurrence étrangère. En général, les richesses naturelles nationales et les forces de travail malgaches sont bradées au plus offrant. Les nationaux malgaches ne seront bientôt plus que des étrangers dans son propre pays « tanindrazana » alors qu’aujourd’hui au niveau international les États des grands pays volent au secours de leurs entreprises.
En outre, le manque de transparence dans la gestion des finances publiques et la conduite des projets d’investissements sont érigés en mode de gouvernance du régime actuel. Des exemples sont vérifiables dans tous les secteurs d'activités économiques :
1)certains contrats miniers conclus ou en projets avec des investisseurs étrangers,
2)projet cession de terres à la firme coréenne « Daewoo »,
3)accaparement de terres pour des projets au bénéfice d’intérêts particuliers liés au pouvoir (exemple remblaiement d’une surface importante sur la route digue),
4)monopolisation par une entreprise appartenant à une famille au sein du régime de marchés de fourniture de bureau ou de voitures… de l’administration publique civile et militaire de gré-à-gré,
5)achat d’un nouvel aéronef présidentiel d’un montant total de 76 millions $US (60 millions $Us acquisition et 16 millions $Us équipement) sans transparence pour moitié sur les fonds publics et l’autre moitié sur les fonds personnels du Président (cf. Ministre des Finances) ayant servi à son acquisition et sur les sources financières réelles d’un tel investissement.
6)élimination de tout concurrent réel et potentiel,
7)privatisation des entreprises à vil prix, sans appel d'offre en faveur des tenants du régime,
8)exportations illicites par les tenants du riche et leurs proches (bois précieux, pierres précieuses, etc.)
9)utilisation des finances de l'État pour favoriser les entreprises de haut dignitaire : Exemples : l’importation des vaches à lait, des moutons et la construction des « valabe », l'aide en faveur des petits fonctionnaires, détournement des primes pour les hauts fonctionnaires (PREA), etc.
10)confusion de la caisse de l'Etat avec les poches des hauts responsables,
11)détaxe en faveur des entreprises du Président …
III.3- Environnement social
1)Insécurité croissante :
· actes de banditisme contre les personnes et les biens dans la majorité des villes et des villages de Madagascar
· actes d’intimidation contre des particuliers ou des bâtiments publics
· évasions de prisonniers : Tsiafahy, Ambalatavoahangy, Betroka, Antsohy…insécurité routière et maritime ayant abouti à des pertes en vies humaines et des biens.► insuffisance de contrôle ??
· insécurité alimentaire d'une large partie de la population
· recrudescences des bandits de grands chemins (dahalo)
2)dégradation générale des mœurs et recrudescence des comportements "mamoa fady" dans la société malgache
3)Insalubrité de l’environnement immédiat des malgaches : Problèmes récurrents relatifs au ramassage des déchets ménagers et des déversements illicites de déchets industriels
(grandes villes : insuffisance de moyens)
4)Environnement du travail :
· Conditions de travail au niveau des zones franches, maintes fois dénoncées et sans mesures concrètes.
· Baisse d’activités de certaines entreprises conduisant à des chômages techniques (secteur pêche, etc..), incendie de certaines infrastructures ( ex : Pilatex).
· Dévalorisation des compétences nationales en préférant des compétences étrangères pas toujours justifiées
IV- DES FONDAMENTAUX CLAIRS
Sans préjuger de la légitimité des soubresauts ayant pour essence la défense de la démocratie et de la liberté d’expression qui scandent la vie nationale et sans se prononcer sur le bien-fondé des actes politiques et sociaux remettant en cause à intervalles presque réguliers la vie politique du pays, il est nécessaire de mettre en place des procédures constitutionnelles et institutionnelles permettant de les canaliser.
Pour lancer le débat de fond sur des fondamentaux clairs et des propositions à discuter, les organisations de la société civile signataires ont de commun accord défini un minimum de vision et de principes, tout en étant ouvertes au dialogue sans exclusif :
1) L’État républicain :
Le fondement de l’État républicain est la démocratie, la justice sociale, l’égalité de chance et la laïcité. Communauté de citoyen, la nation républicaine ne se fonde sur aucun pouvoir hérité par lignage, aucune référence religieuse, aucun particularisme culturel, aucune conception obligée de la vie privée.
Il faut conforter l'autorité de l'État en tant que régulateur et arbitre du respect des règles applicables à tous les acteurs aussi bien politiques, sociaux et culturels qu'économiques, selon le principe de l’équité : (i) en offrant à tous les citoyens la possibilité de s'épanouir selon leurs capacités et (ii) en créant l'infrastructure adéquate favorisant un environnement propice au développement dans le souci d'une meilleure redistribution des richesses.
Il s’agit de faire en sorte que les mécanismes constitutionnels et institutionnels soient suffisamment efficaces pour que les transferts de pouvoirs se passent en respectant les choix démocratiques des citoyens, pour que leurs aspirations profondes puissent s’exprimer dans le respect de la liberté d’expression et être prises en compte sans falsification des normes de démocratie, pour que les conflits soient arbitrés pacifiquement et pour que les débats ne se délitent pas en occasion d’intolérance et de méfiance.
2) La laïcité de l’État :
La laïcité de l’État a le souci de ce qui est commun à tous dans le respect de la différence et de la diversité des convictions, religieuses ou non : c’est à ce titre qu’elle peut constituer le ciment social et facteur de paix. La pluralité et les différences de culture ou de religion ou autres ne sont pas niées, mais vécues de telle façon que demeure possible un espace régi par le seul bien commun respectueux des droits de l’homme et des particularismes des uns et des autres sans exclusion. Ainsi la laïcité, comprise comme valeur garantissant les libertés de conscience, d’opinion, de conviction et de religion, fonde la neutralité de l’État à l’égard de toutes les confessions et des affaires à caractère religieux.
L’État laïc accueille tous les individus en les plaçant sur un pied d’égalité, quelle que soit leur option ou opinion personnelle. De plus, la laïcité place les lois de l’État au-dessus de toutes les autres règles à caractère racial, ethnique, sectaire, religieux et place l’État, lui-même, au-dessus de tout particularisme et de toute option partisane.
La loi fondamentale dispose ainsi en son article 8 que « Tous les individus sont égaux en droit et jouissent des mêmes libertés fondamentales protégées par la loi sans discrimination fondée sur le sexe, le degré d’instruction, la fortune, l’origine, la race, la croyance religieuse ou l’opinion ».
3) Les institutions :
Le pouvoir Exécutif, dirigé par un Président de la République élu au suffrage universel direct, sera sous le contrôle des pouvoirs législatif et juridictionnel. Le Chef de Gouvernement sera nommé par le Président de la République sur proposition de la majorité à l’Assemblée Nationale.
Le Parlement de type bicaméral composé de l’Assemblée Nationale et du Sénat a le pouvoir de contrôle et de sanctions sur l’Exécutif de toutes les décisions relevant de ses attributions, particulièrement les nominations aux hautes fonction de l’État, le budget national et les lois de finances dont tout financement liant l’État ou ses démembrements ainsi que les accords et les conventions internationaux. Le renforcement des capacités du Parlement nécessite de mettre à sa disposition des organes compétents publics ou privés pour la pleine réalisation de ses missions (contrôle des finances publiques, contrôle des marchés, etc.).
Les nominations aux hauts emplois de l'Etat sont en grande partie basées sur des préférences identitaires et des considérations personnelles, faisant fi des compétences et expériences professionnelles des candidats potentiels. Les nominations et les abrogations du Gouvernement et des fonctions de responsabilités de l’État (membres du gouvernement, hauts fonctionnaires, techniciens de rang élevé, etc.) doivent être avalisées par le Sénat pour éviter l’arbitraire et le fait du prince.
L’article 7 de la Constitution dispose que « La loi est l’expression de la volonté générale. Elle est la même pour tous, qu’elle protège, qu’elle oblige ou qu’elle punisse ». Selon une procédure simplifiée dont les portées et les limites sont à déterminer par une loi, les membres de l’Exécutif et du Législatif seront justiciables. La Justice doit montrer que seul le droit est la règle applicable à tous les justiciables et que toutes les décisions sont prises en toute indépendance et sans contrainte aucune.
Pour assurer l’indépendance de la Cour des comptes, la nomination de son Président se ferait sur proposition conforme exclusive des parlementaires issus de l’opposition politique.
4) Une décentralisation effective :
La décentralisation prônée par les gouvernements successifs depuis l’Indépendance n’a pas encore réussi à corriger les inégalités, faute de réelle volonté politique, notamment faute de décentralisation financière et budgétaire devant accompagner une telle mesure. L’Unité nationale ne doit pas être fragilisée à chaque soubresaut politique. Aussi, doivent être trouvés les termes d’une décentralisation effective et d’un nouveau contrat social liant les forces vives de la Nation.
Pour être effective, la décentralisation nécessite de transférer 62% du budget national (contre moins de 4% aujourd’hui) aux collectivités territoriales décentralisées soit 24% du budget aux régions et 38% du budget aux communes et de donner aux collectivités décentralisées les initiatives nécessaires pour fixer la politique fiscale correspondant à leurs stratégies de développement. Le programme d’investissement public (PIP) est aussi à décentraliser. La décentralisation nécessite de déterminer le transfert de compétences du pouvoir central aux collectivités territoriales décentralisées (CTD).
Les chefs de l’Exécutif régional et communal ainsi que les membres des conseils législatifs régionaux et communaux doivent être des élus. Cela nécessite le renforcement des capacités des élus et de l’administration déconcentrée au niveau des CTD et, la définition exacte et claire des compétences des pouvoirs déconcentrés et des pouvoirs décentralisés, ainsi que des sanctions y afférentes en cas de violation des règles établies.
5) Un État de droit démocratique :
La garantie constitutionnelle et institutionnelle d'une alternance démocratique est l'essence de l'État de droit et de la stabilité politique et socio-économique.
La liberté d’expression et le pluralisme des idées sont les gages de la démocratie. Une loi devra garantir l’équité d’accès aux médias publics et privés à toutes les tendances politiques y compris celles représentant l’opposition. Pour ce faire, le président exécutif de l’autorité régulant la communication et le président exécutif des médias audiovisuels publics sont à désigner par les parlementaires issus de l’opposition politique.
La démocratie nécessite de définir par voie législative le financement et les statuts institutionnels des partis politiques de la majorité et de l’opposition. La transparence des élections nécessite (i) un nouveau code électoral garantissant la vérité et l’équité des scrutins et la transparence du processus électoral tout en définissant la liberté d’expression, les règles démocratiques et le financement électoral et (ii) un Comité National Electoral Indépendant du pouvoir politique ayant tous les pouvoirs d’organiser les élections d’amont en aval.
6) Sécuriser et ancrer la légitimité internationale
Près de cinquante ans après son retour à la souveraineté, Madagascar - dont la parenthèse coloniale n’a pas annihilé les ressorts humains, culturels et politiques – doit pouvoir rayonner dans le monde. Disposant de la capacité de transformer son potentiel en réalités palpables et en bien-être pour son peuple, la Grande Ile est à même d’être un partenaire majeur et crédible sur le plan international, apportant une valeur ajoutée tout en utilisant à son profit les leviers rendus accessibles par la mondialisation. La légitimité auprès du concert des États et la considération de la communauté internationale ne pourraient qu’être renforcées par la manière adulte et responsable dans la gestion des problèmes institutionnels et politiques internes.
CONCLUSION
D’une manière générale, la notion de redevabilité sociale ou «social accountability» qui est une démarche vers la bonne gouvernance basée sur le principe de la participation des citoyens, de la société civile et de la société politique pour assurer la bonne gouvernance et la prestation de services publics, reste au stade des bonnes intentions.
La marche vers la démocratie ne saurait se réaliser sans une culture politique correspondante que n’ont ni les gouvernants ni les gouvernés.
Pour que le pays ne soit plus l’otage de la dérive dictatoriale et despotique de ses gouvernants obligeant la population à défendre la démocratie et la liberté d’expression par la rue, l’objectif recherché est que :
- désormais la Constitution et les institutions de la République puissent réguler et baliser l’alternance démocratique du pouvoir
- l’État de droit défendant l’intérêt général et la décentralisation soit effectif.
Ainsi, les organisations de la société civile signataires invitent les forces vives de la Nation à participer aux « ÉTATS GÉNÉRAUX DE LA DÉMOCRATIE ET DES VALEURS RÉPUBLICAINES » les 26, 27 et 28 Mars 2009 à Antananarivo pour la mise en place de structures et l’élaboration de projets de textes concrets et applicables, afin de normaliser le bon fonctionnement de la démocratie, des institutions de la République, de la décentralisation et de la saine concurrence économique. Une réunion préparatoire avec les représentants des différents districts de Madagascar se tiendrait préalablement à Antananarivo.
Les Etats Généraux de la Démocratie et des Valeurs Républicaines devraient servir de cadre au dialogue inclusif permettant de trouver une solution pérenne aux crises politiques récurrentes pour ne citer que 1971, 1972, 1991, 2002 et actuellement et poser les bases d’un renouveau institutionnel de la Nation.
Pour toutes informations ou suggestions contacter le mail : converepl.madag@ymail.com .
Antananarivo, le 21 Janvier 2009
17:16 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : madagascar, politique, actualité, presse, république, démocratie, tgv, marc ravalomanana | Facebook
09/02/2009
Un journaliste parmi les victimes du massacre d'Ambohitsorohitra
Sunday, bloody sunday. Une cinquantaine de morts et environ deux cent blessés. Le massacre à la mitraillette du samedi 07 février 2009 devant le palais présidentiel, à Ambohitsorohitra, aura été un des plus meurtrier dans l'histoire de Madagascar. Il a surtout provoqué la disparition d'un confrère de la RTA, fauché dans la fleur de l'âge sur le champ d'honneur du journaliste, la camera à main. Sans sommation, la garde présidentielle a tiré des rafales que Ando Ratovonirina n'a pu éviter.
En ce moment, mes pensées vont à Joana Razafimaharo, "coach" respectable et respectée du réseau Global Voices, qui ne cesse de mettre en garde les bloggers adeptes du citizen media. "Les fusillades se sont passés à 100 m de chez ma famille et une bonne demi-dizaine de bloggers se sont aventurés dans les parages par..."devoir" (...) Évidemment ils sont adultes (blabalbaabla) mais lorsqu'une conversation avec une gamine inclut "oh j'entends les balles siffler je suis à isoraka pour me connecter" ou une effrontée dire "je me sens si forte d'être au coeur de l'action et de lire mes commentaires après... je préfère laisser le journalisme aux vrais journalistes et les citoyens... à leur devoir de citoyen", a-t-elle écrit depuis sa cabane au Canada, après avoir conseillé : "il n'y a pas de prix ni de trophée pour celui ou celle qui rapportera la vidéo ou la photo idéale des troubles et votre sécurité est de première importance (...) Arrêtez de jouer aux héros les copains et mettez-vous aux abris !"
Reporters sans frontières est bouleversée par la mort de Ando Ratovonirina, ci-dessous avec des sauveteurs. Ci-dessous le communiqué que l'ONG a sorti.
Reporters sans frontières exprime son émotion après la mort d'Ando Ratovonirina, journaliste de Radio et Télévision Analamanga (RTA), le 7 février 2009, à Antananarivo. Le journaliste, âgé de 25 ans, a été tué par balle alors qu'il couvrait une manifestation populaire, devant le palais présidentiel, s'étant soldée par des dizaines de morts.
"En même temps que tous ceux qui ont été frappés par un deuil absurde, nos premières pensées se tournent vers la famille d'Ando Ratovonirina, ainsi que les membres de la rédaction de RTA, profondément choqués par la perte de leur jeune collègue. Nous saluons le courage des journalistes indépendants qui s'efforcent de rendre compte des violences politiques frappant Madagascar, malgré les menaces, les intimidations et l'inquiétant climat d'insécurité. Il est absolument insupportable que ce journaliste ait payé de sa vie son effort pour informer ses concitoyens", a déclaré l'organisation.
Le 7 février, Ando Ratovonirina, journaliste reporter d'images (JRI) de la chaîne de télévision privée RTA, a été tué d'une balle dans la tête, alors qu'il couvrait la manifestation populaire conduite par le maire d'Antananarivo, Andry Rajoelina. Le coup de feu a été tiré par des membres de la garde présidentielle, qui défendaient le palais du président Marc Ravalomanana aux abords duquel affluaient les manifestants. Le corps inanimé d'Ando Ratovonirina a été immédiatement transporté à l'hôpital Ravoahangy, où un médecin a déclaré qu'il avait été tué "par une balle derrière l'oreille".
Heritina Ny Anjarason, journaliste pour la station de radio RTA, était aux côtés de ses deux collègues de la télévision, Ando Ratovonirina et Mirindra Raparivelo, au moment de l'incident. Reporters sans frontières a recueilli son témoignage : "Ando avait un micro à la main et prenait des notes sur son calepin, tandis que Mirindra tenait une petite caméra. Au retour d'une délégation du maire qui était allé parlementer avec les militaires qui gardaient le palais, nous nous sommes approchés du général Dolin, directeur de cabinet d'Andry Rajoelina, pour l'interviewer sur les résultats des négociations. Nous avions alors le dos tourné au palais. Mais nous n'étions même pas parvenus jusqu'au général Dolin lorsque des rafales ont éclaté. Nous nous sommes alors mis à terre, mais Ando a quand même été touché."
"Ando est mort en plein travail, par amour du journalisme. En hommage à sa mémoire, nous avons décidé de diffuser une version allégée du journal", a confié à Reporters sans frontières le rédacteur en chef de la télévision RTA, Andry Raveloson.
Ando Ratovonirina venait d'achever ses études de journalisme et travaillait à la RTA depuis trois mois. Auparavant, il avait été photographe pour le quotidien La Gazette de la Grande Ile et avait également collaboré avec l'agence Tophos, sous le pseudonyme de Hathor.
Le choc des photos
Adrees Latif, photographe de l'agence Reuters, s'est vu attribuer le prix Pulitzer dans la catégorie de la photo d'information pour avoir capturé les derniers instants de Kenji Nagai, journaliste japonais, tué à Rangoon lors de la répression du mouvement de contestation au Myanmar en septembre 2008.
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01/02/2009
Mon 13 mai à moi
On me demande souvent, d'ici et d'aileurs, mes opinions sur les événements à Madagascar. En fouillant mes archives, je me suis surpris à trouver que, finalement, je l'ai annoncé... il y a deux ans, le samedi 17 juin 2006, bien avant la fin, du premier mandat de Ravalomanana, dans un éditorial publié dans "Les Nouvelles". Je l'ai scanné et je le publie ci-dessous avec les infos contextuels de l'époque. La démocratie est sacrée, et le journaliste est son prophète.
Deux ans après, il faudra ajouter entre autres, le recours à des mercenaires étrangers, le squat de la TVM et la requisition de l'argent de la Banque centrale. Des gestes que Didier Ratsiraka a fait juste avant de prendre la poudre d'escampette...
Tsiranana a été réélu avec 99,72% de voix en janvier 1972 avant de se voir balayé par la rue quelques mois plus tard. Didier Ratsiraka a été réélu pour un 3è mandat en 1989 pour être délogé d'Iavoloha trois ans plus tard. Passons sur l'empêchement de Zafy, pourtant porté au pouvoir avec une largé adhésion de la population.
"Le pouvoir est volatil", ai-je également écris dans un autre édito. "La démocratie est une marche vers la perfection", dans un autre. Finalement, je serais interdit d'édito en octobre 2006, juste avant la réélection de Ravalomanana pour un second mandat. La raison : j'ai déclaré qu'on est obligé de quémander 5 millions de dollars pour sauver la Jirama auprès de la Banque Mondiale alors que Ravalomanana paie cash 12 millions d'euros pour acheter un avion (déjà !!). Finalement, on m'a intenté un vrai-faux problème de faute professionnelle pour me pousser vers la sortie. Que Ambohitsorohitra y soit pour quelque chose que je ne serais pas étonné. Mais qu'importe, j'ai déjà trouvé un autre job avant de partir.
Mon 13 mai à moi n'est pas une révolte cyclique. Elle est permanente, quotidienne, à travers mes écrits. Ma place de la démocratie a été inauguré avant Ambohijatovo. Elle a une plaque de marbre gravée dans ma conscience.
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26/01/2009
Où on parle de néocolonialisme agraire
« La vérité est comme du feu, il brûle celui qui le cache ». Ce proverbe malgache n’a jamais été si bien illustré que par l’affaire Daewoo. Le gouvernement malgache y accorde l’exploitation de 1.3 millions d’hectares à Madagascar par la société Daewoo, plus connue à Madagascar par ses voitures, pour une durée de 99 ans et sans que personne ne sache les contreparties financières. Au début, le gouvernement malgache a tenté de nier l’existence de l’accord. Effectivement, les demandes étaient plus modestes au début. Finalement, lorsque les révélations sont devenues plus conséquentes, le gouvernement a tenté d’expliquer en disant que le projet est encore au stade d’étude, qu’aucun terrain n’a encore été octroyé. Mais le mal est fait. Ce mensonge d’Etat, qui n’est pas sans rappeler la Charte Lambert qui a causé la perte du roi Radama II. Ce dossier fait partie des sujets de mécontentement qui provoque actuellement l’embrasement du climat politique à Madagascar. Même les paysans coréens n’y voient aucun intérêt pour Madagascar. Leurs avis sont ici. Et déjà, le cas ouvre un débat international sur le « néocolonialisme agraire », illustrés par ces deux articles de MFI. Manifestement, le cas n'intéresse pas que Madagascar. On n'est pas sorti de l'auberge.
(MFI) En louant leurs terres arables, les pays en développement peuvent-ils moderniser leur agriculture et gagner des devises, ou subissent-ils la loi du plus fort ? Les contrats sont-ils forcément léonins ou peuvent-ils être « gagnants-gagnants » ? Sur ces questions, les avis sont tranchés.
D’un côté, les multinationales et les pays acquéreurs de terres agricoles à l’étranger : pour eux, cela ne fait aucun doute, ces contrats représentent une opportunité pour des pays parfois très pauvres. De l’autre, les mouvements écologistes et les associations de défense des droits humains : ils dénoncent le déséquilibre de ces contrats et les dérives inéluctables d’une telle pratique. Au centre, les institutions internationales – en premier lieu, la FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture – : elles restent circonspectes, mais ne veulent négliger aucune source d’enrichissement pour certains Etats en grave difficulté financière, rappelant que la course à la terre a historiquement toujours existé.
Des pays en développement demandeurs
Spécialiste des questions foncières à la FAO, Paul Mathieu estime, dans Le Monde, que « ce phénomène comporte des risques, comme l’expropriation des paysans les plus pauvres. Mais il peut aussi constituer une opportunité. A l’échelle mondiale, il faut augmenter la production agricole. Un accord gagnant-gagnant suppose des apports de capitaux et de technologies pour améliorer la productivité des terres, en veillant à ne pas sacrifier les habitants. De tels contrats doivent s’inscrire dans un processus de développement durable ».
Au demeurant, la demande vient parfois des pays détenteurs de terres eux-mêmes. Ainsi, l’Indonésie et la Papouasie ont démarché des investisseurs saoudiens, leur offrant un million d’hectares pour qu’ils puissent y produire des céréales. Le ministre kazakh de l’Agriculture expliquait à la BBC : « Nous disposons de terres en abondance, mais nous n’avons ni silos ni routes ni chemins de fer. Nous n’avons pas non plus le savoir-faire pour améliorer le rendement de nos cultures, et nos moyens financiers sont limités. Louer nos terres, en surveillant de près la rédaction du contrat, constitue pour nous une excellente solution. » Le Kazakhstan propose ainsi à des firmes étrangères des concessions sur les terres pour dix ans maximum. A Madagascar, le président Marc Ravalomanana souligne que l’accord conclu avec Daewoo Logistics permettra de moderniser l’agriculture et créera 70 000 emplois. Un chiffre moins impressionnant qu’il n’y paraît cependant pour la location de 1,3 million d’hectares pendant 99 ans. « Ils ont les terres, nous avons l’argent », résume sobrement un investisseur saoudien dans le Wall Street Journal.
La FAO refuse de priver des pays – parfois parmi les plus pauvres de la planète – d’une telle manne, mais elle entend éviter la spéculation sur la terre et l’expropriation des petits producteurs. Elle est donc en train de concevoir des outils de politique foncière à conseiller aux Etats concernés. Pour David King, le secrétaire général de la Fédération internationale des producteurs agricoles, cité par le Financial Times, l’équation est simple : « Si un investissement risque de détruire l’agriculture locale, il faut le refuser. S’il apporte des nouvelles technologies dont les agriculteurs bénéficieront, sa venue peut être positive. »
Menaces sur l’environnement et l’économie
Une équation trop simple cependant car le déséquilibre entre des Etats riches ou des multinationales et des pays aux caisses désespérément vides est évident. Sans compter les risques de corruption. Quant à la loi, elle reste une protection illusoire. Ainsi la législation malgache interdit à un opérateur étranger d’acheter plus de 2,5 hectares. Du coup, Daewoo Logistics a conclu, sur 1,3 million d’hectares, un contrat de location… de 99 ans. Pourtant tenu à une certaine obligation de réserve comme tout diplomate onusien, le directeur général de la FAO, Jacques Diouf, avoue redouter, dans la multiplication de ces acquisitions de terres agricoles à l’étranger, « l’émergence d’un pacte néocolonial pour la fourniture de matières premières, sans valeur ajoutée pour les pays détenteurs des sols ».
De leur côté, les Ong insistent sur les nombreuses dérives possibles, voire inéluctables. D’abord celle de renforcer les monocultures intensives, considérées comme l’une des causes du désordre alimentaire actuel. C’est ce qu’écrit Grain, une association de défense de l’agriculture traditionnelle, basée à Barcelone : « Dans la mesure où la plupart de ces acquisitions visent à mettre en place de grandes exploitations agricoles industrielles – que ce soit au Laos, au Pakistan ou au Nigeria – pour produire des denrées alimentaires destinées à l’exportation, elles favorisent un modèle industriel d’agriculture qui a engendré pauvreté et destruction de l’environnement. » Un avis partagé par le géographe Christian Bouquet : « A Madagascar, malgré les promesses de Daewoo Logistics, les terres cédées seront exploitées sur un mode intensif. Quatre hommes et une hyper-mécanisation remplaceront 2 000 familles pour gérer 1 000 hectares. On peut déjà imaginer l’exode vers les bidonvilles de ces familles chassées. Le gouvernement malgache est dans une logique d’ultra-libéralisme. En outre, la valeur symbolique de la terre pour les habitants est totalement négligée. »
De son côté, Alain Karsenty, du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) explique que « la déforestation risque de s’aggraver puisque les terres agricoles vont alors acquérir une valeur supérieure à celle des espaces forestiers ».
Un Monopoly immoral ?
Dans un article au vitriol publié dans Le Nouvel Observateur, le journaliste Doan Bui compare ces acquisitions à un Monopoly d’un genre nouveau : « Le Soudan, j’achète ! Le Kazakhstan, j’en revends une partie ! Imaginez un Monopoly où l’on n’achèterait plus des rues, mais des pays entiers. Comme au Monopoly, les gagnants seraient ceux qui amasseraient le plus de terres, bref les plus riches à la banque. Les perdants ? Ce serait les fauchés, obligés de céder leur bout de terrain pour renflouer leurs caisses. Ce Monopoly serait un peu particulier. Il s’agirait non pas de construire des immeubles, mais d’installer des tracteurs et des machines agricoles pour produire du blé, du riz, du maïs. Bref de la nourriture. Ce serait un jeu où les nantis, au lieu de piquer l’hôtel de la rue de la Paix au voisin ruiné, lui faucheraient ses récoltes futures. Le problème est qu’il ne s’agit pas d’un jeu. »
Ces achats de terres arables à l’étranger posent des problèmes environnementaux, économiques puisque le pays loueur n’y gagne pas nécessairement et agit parfois sous la contrainte de la misère, des problèmes sociaux aussi avec les risques d’expropriation des paysans. Ils posent enfin un problème moral. Les surfaces exploitées se trouvent parfois dans des pays qui ont connu, ces derniers mois, des émeutes de la faim. Leur seule richesse est l’agriculture, et elle sert à nourrir les ressortissants de pays riches alors que comme, en Haïti, les habitants en sont réduits à manger des galettes de boue.
« Il ne faut pas noircir le tableau à l’excès », estiment en substance les experts de la FAO, qui rappellent que parmi les pays qui cèdent leurs terres, tous ne sont pas dans l’extrême misère ; que certains contrats sont justes ; qu’il s’agit aussi d’un moyen de développer le potentiel agricole d’une région. L’organisation onusienne reconnaît cependant le danger potentiel du système. Pour l’économiste Louis Bourgeois, cité par Le Monde : « Si un pays riche manque de ressources, il ne doit pas assécher les marchés, au risque d’affamer les pays en développement. Aucun pays ne peut déléguer sa sécurité alimentaire à d’autres. »
La course aux terres agricoles se mondialise
(MFI) Pour garantir leur sécurité alimentaire, certains pays riches – notamment moyen-orientaux et asiatiques – louent ou achètent des superficies croissantes de terres arables dans des pays en développement. Certains voient là un contrat « gagnant-gagnant » : de l’argent et des technologies contre des terres. D’autres dénoncent un néocolonialisme agraire, soulignant que la capacité de négociation d’un pays pauvre est limitée face aux moyens financiers d’une multinationale ou d’un Etat prospère. Plusieurs pays qui louent ainsi leur sol ont connu des émeutes de la faim en 2008.
Quels sont les pays qui achètent des terres arables à l’étranger ?
En novembre 2008, le Financial Times révèle une information jusque là restée confidentielle : le groupe sud-coréen Daewoo Logistics a acquis à Madagascar 1,3 million d’hectares de terres, sous la forme d’un bail emphytéotique de 99 ans. Jamais un accord d’une telle importance n’avait été signé dans le domaine agricole. La superficie représente en effet la moitié des terres cultivées de la Grande Ile. A en croire Yong Nam-Ahn, le président de Daewoo Logistics : « Les terres louées seront mises en valeur par de la main d’œuvre locale, formée par des ingénieurs coréens et sud-africains. Les terres de la partie Est de Madagascar produiront 500 000 tonnes d’huile de palme par an, celle de la zone Ouest 4 millions de tonnes de maïs. » Sachant que la Corée du Sud importe chaque année 11 millions de tonnes de maïs, on comprend l’intérêt d’un tel contrat. Cela d’autant que Daewoo Logistics ne versera pas un centime pour la location du domaine. Il s’est par contre engagé à mettre en valeur les terres exploitées et à construire les infrastructures voulues : routes, voies ferrées, équipements portuaires, silos, bâtiments de stockage… Des investissements estimés à 6 milliards de dollars sur 25 ans. « Cet accord va permettre de moderniser l’agriculture du pays et nous apporter des devises », s’est félicité Marc Ravalomanana, le président malgache. Les experts sont plus sceptiques. Ils pointent du doigt les risques d’expropriation des petits paysans. En outre, pendant 99 ans, toute la production repartira vers la Corée, quelle que soit l’évolution de la situation économique et agraire de Madagascar.
Ce contrat fait du Pays du Matin calme – ainsi qu’on surnomme la Corée du Sud – le premier acquéreur de terres agricoles dans des pays en développement : 2,4 millions d’hectares, soit davantage que les terres cultivées dans la péninsule. Séoul n’est pas la seule à pratiquer cette politique. C’est aussi le cas de la Chine, du Japon, de l’Arabie Saoudite, du Koweït, du Qatar, des Emirats arabes unis… Bref, de tous les pays qui ont des populations nombreuses à nourrir, mais ne disposent pas d’assez de terres arables. C’est pour eux le – seul ? – moyen d’assurer leur sécurité alimentaire. La hausse des prix des denrées alimentaires ces derniers mois, additionnée aux difficultés d’approvisionnement, ont encouragé cette « chasse à la terre ». Comme le raconte Jean-Denis Crola, de l’Ong Oxfam, dans Le Nouvel Observateur : « Les pays du Golfe importent 90 % de leur nourriture. En période de volatilité des cours, c’est risqué. Au printemps 2008, ils ont eu peur ; il était impossible de trouver du riz, dans n’importe quel pays, à n’importe quel prix. Les Etats du Golfe n’ont plus confiance dans les marchés mondiaux. Ils veulent sécuriser leur approvisionnement en achetant de la terre. Leurs revenus pétroliers leur en donnent les moyens. » L’été dernier, le Koweït, le Qatar, l’Arabie Saoudite et les Emirats arabes ont envoyé leurs ministres dans un tour du monde express – six pays visités en dix jours – à la recherche de terrains disponibles. Le Cambodge, l’Indonésie et le Soudan ont été particulièrement courtisés. « C’est un accord gagnant-gagnant. Ils ont les terres, nous avons l’argent », déclarait un responsable saoudien au Wall Street Journal.
Ces acquisitions de terre à l’étranger sont-elles un phénomène récent ?
Paradoxe : la hausse des prix des denrées alimentaires est notamment due à la croissance démographique et économique de pays comme la Chine ou l’Inde. Et ce sont eux qui ensuite acquièrent des exploitations à l’étranger pour sécuriser leur alimentation. « Qui va nourrir la Chine ? », s’interrogeait dès 1993 l’écologiste Lester Brown. L’Empire du milieu doit nourrir 1,4 milliard de bouches, soit près du quart de la population mondiale, avec seulement 7 % des terres arables. Et le problème ne va qu’empirer. Du fait de son industrialisation et de son urbanisation, le géant asiatique a perdu 8 millions d’hectares de cultures ces dix dernières années.
« D’autres pays vont arriver sur le marché prochainement. D’ici trois ans, la culture du coton ne sera plus subventionnée aux Etats-Unis. Les exploitants américains loueront alors des terres au Burkina Faso pour le cultiver, ce qui aggravera l’exode rural dans ce pays », avertit le géographe Christian Bouquet. L’Union européenne est peu présente dans ce grand « Monopoly des terres ». Elle dispose de suffisamment d’hectares pour nourrir ses habitants. Mais une firme comme Danone envisage d’acheter des fermes en Afrique australe pour se prémunir contre l’augmentation du prix du lait. « La quête de terres n’est pas un phénomène nouveau, mais on assiste à une accélération incroyable ces derniers mois, et c’est la première fois que le phénomène est aussi mondialisé », constate Paul Mathieu, expert en gestion foncière auprès de la FAO, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture.
De nouveaux acteurs interviennent-ils sur ce marché ?
« Investissez dans des fermes ! Achetez des terres ! » C’est le credo de Jim Rogers, un magnat américain de la finance, créateur avec George Soros du fonds d’investissement Quantum. Il y a peu encore préoccupation exclusive des Etats et des sociétés agroalimentaires, l’achat de terres attire désormais aussi des acteurs financiers. « Si des sociétés financières, des banques, des assurances, des fonds de pension disposent de milliards de dollars, pourquoi n’investiraient-ils pas dans l’agriculture ? », plaide Jim Rogers. Les exemples sont nombreux en effet : la Deutsche Bank a investi massivement dans des fermes en Chine, Renaissance Capital, un hedge fund russe, s’est offert 300 000 hectares en Ukraine, le Japonais Kobe Bussan 3 000 hectares en Egypte… L’explication est simple : les Bourses sont en chute libre, l’immobilier incertain, le pétrole en baisse ; par contre, les cours des denrées alimentaires restent orientés à la hausse. Ces opérations sont parfaitement légales depuis que la Banque mondiale a décrété le principe d’universalité des terres ; c’est-à-dire qu’au nom de la défense de la sécurité alimentaire, tout le monde peut les acheter. « Autrefois, on utilisait la force militaire pour asservir les populations faibles. Aujourd’hui, le droit des affaires est respecté : on ne spolie plus, on achète ou on loue », ironise Christian Bouquet, dans Le Monde.
Tout le monde ne partage pas en effet l’analyse du financier Jim Rogers. « On ne peut pas appliquer les règles du capitalisme aux exploitations agricoles des pays du Sud. La sécurité alimentaire n’est pas un produit comme un autre, sur lequel on parie un temps avant de s’en désintéresser quand sa rentabilité baisse. La spéculation sur la terre provoquera l’appauvrissement et l’expulsion des paysans les plus pauvres, et portera atteinte à la souveraineté des pays concernés », s’insurge Jean-Denis Crola, d’Oxfam. Par définition, les placements financiers sont éphémères alors que le développement agricole nécessite de s’engager dans la durée. La plus grande prudence s’impose donc. « Si nous nous étions laissés faire, c’est l’ensemble des terres sénégalaises qui serait aujourd’hui entre les mains d’investisseurs étrangers », témoigne, dans Le Monde, Abdourahim Agne, le ministre sénégalais de l’Aménagement du territoire. En outre, il ne faut pas négliger la dimension symbolique de la terre pour les populations.
Quels sont les pays qui acceptent ainsi de vendre leurs terres ?
Soudan, Ouganda, Ethiopie, Cameroun, Angola, Nigeria… L’Afrique est le continent le plus courtisé par ceux qui cherchent à sécuriser leurs approvisionnements. Faut-il s’en étonner ? Nombre de pays n’ont pour seule richesse que leur terre, sans souvent avoir les moyens de l’exploiter. Ainsi à Madagascar, on estime le potentiel agricole à 35 millions d’hectares, mais seuls 3 millions sont cultivés. « L’Afrique à vendre », dénonçait récemment un article de Jeune Afrique, rappelant le caractère sacré du sol dans la plupart des pays du continent et s’inquiétant des risques pour les agriculteurs locaux : « Force est de constater que les investisseurs les plus riches disposeront toujours d’arguments imparables pour convaincre les Etats économiquement faibles. Et que les paysans risquent d’être particulièrement vulnérables face à des intérêts qui les dépassent. » Mais le magazine reconnaît aussi que ce commerce de terres arables constitue une opportunité s’il s’effectue dans la transparence : « Si l’Afrique dispose d’un immense potentiel agricole, les capitaux manquent encore cruellement (…) Compte tenu de l’état de déliquescence des filières agricoles de nombreux pays subsahariens, cette ruée vers la terre peut aussi être une chance. » De son côté, le Madagascar Tribune met en cause la politique du président Ravalomanana « qui ne cache guère sa course à la recherche de gros investisseurs et qui fonde ses espoirs sur les étrangers plutôt que sur les hommes d’affaires locaux. Pourquoi les politiques de développement des régimes successifs n’ont-elles jamais été mises en œuvre ? Elles permettraient au moins aux multinationales et à certains pays étrangers de cesser de croire qu’ils peuvent coloniser notre terre en échange de quelques routes, écoles et hôpitaux ».
Outre l’Afrique, quelles sont les régions concernées ?
Plusieurs pays asiatiques attirent aussi les investisseurs en mal de riz, légumes et autres oléagineux : le Kazakhstan, l’Ouzbékistan, le Pakistan, le Cambodge, la Thaïlande, le Vietnam… Mais la logique n’est pas toujours au rendez-vous. Ainsi, le Cambodge loue des terres au Koweït. Or le pays bénéficie de l’assistance du Programme alimentaire mondial. Comment un Etat qui a besoin de l’aide internationale a-t-il des surfaces arables en quantité suffisante pour les mettre à la disposition d’un autre pays avant de satisfaire les besoins de sa propre population ?
En Amérique latine, la Chine loue des terres au Mexique, l’Arabie Saoudite au Paraguay, la Corée du Sud en Argentine. Depuis 2000, le Brésil a concédé 5 millions d’hectares à des firmes agroalimentaires étrangères, notamment pour la culture du soja destiné à la fabrication de biocarburant. L’occasion de noter que, si pour l’essentiel les propriétaires des terrains cédés sont des pays du Tiers-monde, certains sont des Etats globalement riches, mais sous-peuplés par rapport à l’étendue de leurs surfaces agricoles. On l’a vu avec le Brésil. C’est aussi le cas de l’Australie (sur un autre continent) et de l’Argentine dont 10 % du territoire appartient à des étrangers. Tous ne sont pas des « agro-businessmen ». Plusieurs personnalités (comme Bill Gates ou Ted Turner, le fondateur de CNN) possèdent des milliers d’hectares, en Patagonie notamment. Mais de grands groupes viticoles français, italiens et espagnols sont aussi installés dans la province de Mendoza, aux pieds de la Cordillère des Andes ; les producteurs de céréales, eux, ont jeté leur dévolu sur la Pampa. De quoi faire réagir les associations écologistes, mais aussi l’Eglise catholique, qui dénoncent la multiplication des conflits avec les communautés indigènes (les Mapuches en particulier), la privatisation des accès aux rivières, aux forêts, aux sentiers de montagnes. « Les petits paysans et les tribus indiennes sont parfois violemment expulsés de leurs terres. Mais cela se passe loin de Buenos Aires et les autorités ne disent rien. Ces investissements sont rentables et il n’existe aucun contrôle quant aux conséquences écologiques, sociales et financières », regrette l’économiste Miguel Teubal, interviewé par Le Monde.
Certains spécialistes des questions foncières veulent croire que ces acquisitions de domaines agricoles à l’étranger peuvent déboucher sur du « gagnant-gagnant » à condition d’encadrer strictement les contrats et de protéger les droits des populations locales (voir article ci-après). D’autres dénoncent au contraire un néocolonialisme agraire et s’inquiètent des conséquences environnementales, sociales et économiques de telles pratiques. Parmi eux, les associations de défense des droits humains, mais aussi le directeur général de la FAO, Jacques Diouf.
Reste qu’il paraît humainement inacceptable que des surfaces agricoles de pays qui – comme l’Egypte, les Philippines ou le Sénégal – ont connu des émeutes de la faim en 2008, soient consacrées à la sécurité alimentaire des habitants des pays les plus riches.
Jean Piel
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14/01/2009
Vol au-dessus d'un nid de pourris
La politique n'use que si l'on en suce. Usés, frippés, vieuxdinosauré, les politiciens africains continuent néanmoins à monopoliser le pouvoir. Les partis politiques n'y sont que des coquilles vides à l'intérieure desquelles on pioche des courtisans. Versailles a sa réplique dans chaque capitale africaine. Madagascar n'échappe pas à la règle. La loi sur les partis est un remake du FNDR du temps béni du Socialisme : seuls ses membres peuvent se présenter à une élection. Mais la loi sur les partis est surtout la tête de pont d'une série de réforme constitutionnelle qui conduira vers des mandats illimités; bref, une constitution costardisée sur mesure à la taille de l'hurluberlu Ubu de lui-même qui, depuis le renversement du roi Venceremos (bah... "rouge"), mange "fort souvent de l'andouille" dont son pays regorge et s'est procuré "une parapluie" vert armé pour se protéger des alertes.
L'article suivant, de MFI, en apporte une lumière aveuglante. A vos narines... pardon, à vos lunettes !
Quand les intrigants se pressent autour du chef de l’Etat, la démocratie est en danger ! Car le maintien à tout prix de la position juteuse au bord de la mangeoire, qu’ils pourraient perdre si le président venait à se retirer, passe alors avant l’intérêt général.
A chacun sa croix ! Tandis que le Ghana ploie sous les compliments, le Niger, lui, offre le spectacle d’un bras de fer entre ceux qui voudraient voir le président Tanja prolonger son bail à la tête de l’Etat et ceux qui s’opposent fermement à toute remise en cause des dispositions constitutionnelles. A la fin de cette année 2009, le chef de l’Etat nigérien aura bouclé son second mandat. Dix ans ! Soit le maximum qu’autorise la Constitution. Ses partisans parlent d’une œuvre à parachever et mobilisent, manifestent, occupent à grands frais l’espace médiatique, pour obtenir la prolongation du règne. Face à eux, la société civile et les syndicats s’organisent pour empêcher ce qu’ils considèrent comme un recul de la démocratie. Le chef de l’Etat lui-même ne dit rien.
Et c’est bien ce qui inquiète une partie de l’opinion. Car, dans tous les pays du continent qui se sont livrés à ce jeu, c’est toujours par des manifestations d’une spontanéité suspecte que commence la mise en scène. Lorsque l’opinion aura été bien conditionnée, le président pourra alors apparaître, pour expliquer qu’il lui est impossible de résister à la volonté populaire. En avant, la présidence à vie ! De bonne source, Mamadou Tanja lui-même aurait confié à ses pairs de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), en décembre dernier, à Abuja, qu’il n’avait aucune intention de se maintenir. Il ne devrait donc, en principe, pas aller contre la Constitution de son pays.
Le problème, en Afrique, est que le chef de l’Etat est trop souvent encerclé de gens qui désirent le voir s’incruster. Non pas tant parce qu’ils l’aiment d’un amour inextinguible, mais parce que, la plupart du temps, ils lui doivent tout et se préoccupent de leur propre avenir. La position juteuse qu’ils pourraient perdre au bord de la mangeoire, si le président venait à se retirer, passe alors avant l’intérêt général.
A force de concentrer les critiques sur le président, on en arrive à oublier tous ces courtisans et ces intrigants, nationaux comme étrangers, qui sont autrement plus dangereux pour la démocratie. Par le passé, ils ont souvent eu le dessus, en Algérie, au Cameroun, au Gabon, en Guinée, au Tchad, au Togo ou en Tunisie. Ils échouent aussi, de temps à autre, comme en Zambie, au Malawi ou, plus récemment, au Bénin et au Nigeria. Le défi, aujourd’hui, est donc de leur faire échec au Niger, en soustrayant le chef de l’Etat à l’influence de ceux qui orchestrent la spontanéité de ces foules de manifestants. Ce n’est pas le plus facile. Car les griots sont là, au réveil du chef, et ils sont encore là, tard le soir, pour éteindre les lumières, au moment où celui-ci s’endort. Mais puisque ces gens sont généralement d’une servilité sans borne, il suffirait que le président dise qu’il s’en ira pour les voir chanter, avec des arguments tout aussi convaincants, la grandeur et la lucidité de l’homme d’Etat.
Jean-Baptiste Placca
17:52 Publié dans Politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : politique, madagascar, afriquen, ravalomanana, presse, actualités | Facebook