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07/01/2009

Les souvenirs, et les regrets aussi…

Ra8 est fini. Voici venir Ra9. Il paraît quel le chiffre 9 est plutôt rare, notamment lors des tirages de loto. C’est peut-être une des raisons qui explique pourquoi les joueurs malgaches parlent de « tsabo sivy ». Apparemment donc, on a tiré le gros lot. Je l’ai toujours espéré, les rares fois où je joue, surtout en France avec les dizaines de millions d’euros de l’Euroloto. En vain. Malheureux au jeu… Un début d’année est justement le moment pour faire le bilan de l’année éc(o)ulée. Parler des souvenirs. Et des regrets aussi.

« Les souvenirs et les regrets aussi… » J’ai découvert ce vieux bouquin au hasard d’une visite dans les rayons de la bibliothèque deSouvenirs.jpg l’université privée Essva, à Antsirabe. C’est vieux de quinze ans, mais j’ai pris mon pied en le lisant. J’ai surtout beaucoup ri. Il faut reconnaître que son auteur, Catherine Allégret, la fille de Simone Signoret, écrit formidablement bien comme tous ceux qui écrivent avec leur cœur. Une plume qui me renvoie de temps en temps à celle de Mialysenfout. Enfant de la balle, Catherine Allégret passera sa vie sous des poids lourds. Fille d’une star oscarisée à Hollywood, cette dernière elle-même mariée à une autre star plébiscitée par tout New York au point de faire craquer Marilyn Monroe, elle ne peut que jouer les second rôles, à la vie comme sur la scène. Un rôle qu’elle tiendra merveilleusement bien. Une leçon de modestie et d’espoir pour ceux qui croient qu’il n’y a pas de vie en dehors des étoiles. Le tout avec un gros bouquet d’humour à faire crouler un croque-mort.

« Le 9 novembre 1991, Ivo Livi dit Yves Montand s’est éteint pour l’état civil, victime d’un ultime infarctus, victime de ses colères, victimes de la vie qu’il s’était mis en tête de vivre jusqu’en 2009… » Yves Montand était l’épouse de Simone Signoret. Je ne savais pas qu’il espérait vivre jusqu’à cette année. Je ne savais pas non plus que Jacques Prévert, dont j’adore les poèmes surréalistes, portait une chaîne d’or à la cheville. Désormais, ce sera mon prochain caprice, tanora lalandava. Après une épaule tatoo il y a dix ans. Comme quoi, mes caprices ne sont pas légions.

J’adore les biographies. C’est peut-être pourquoi j’en ai écris. Après Mahaleo en 2007 dont il ne me reste plus que quelques exemplaires, j’ai fait celui de Jaojoby en 2008. J’en ai aucun exemplaire. Tout est resté à Paris. Des condensés de souvenirs. Mes regrets 2008 se rapportent essentiellement à des personnalités que 2008 a emporté.

Regret de n’avoir pas rapporté ici l’autobiographie du père jésuite Rémy Ralibera, figure respectée et respectable du journalisme malgache quoique il ait choisi la voie de la presse par accident. Comme celui de Rome, tous les chemins mènent vers les médias. Son livre est truffée de révélations sur les récents événements à Madagascar. On en reparlera certainement un jour.

Regret aussi, celui d’avoir omis la disparition du poète Rado. J’étais à Paris et je n’ai appris la nouvelle que deux jours après, en surfantdinitra.jpg sur Internet. Je trouve que « Ho any ianao kanefa » est inspiré de « Je Finirai Par L’oublier » de Nana Mouskouri. Rado, dont la simplicité des rimes constitue à la fois le charme et la puissance évocatrice, a inspiré à son tour deux générations d’écrivains. Parfois en herbes. Et qui le sont restés. J’ai perdu Rado une seconde fois lorsque, en rageant ma bibliothèque, je me suis aperçu que mes recueils de poèmes de Rado ont disparu.

Regret, enfin, de n’avoir pas parlé de la disparition aussi de Charlotte Arrisoa Rafenomanjato, une écrivaine malgache francophone plus connue en France qu’à Madagascar. Après avoir été séduit par le charme de «notre Panurge national » (sic) en 2002, cette sage-femme a accouché d’un livre, « Marc Ravalomanana, de président de la rue à président de palais », avant de regretter amèrement son choix. Elle le fait savoir dans le second tome du livre qu’aucun éditeur n’a osé publier. Néanmoins, on peut le télécharger gratuitement ici. Elle y fait appel à « la trombe purificatrice de notre tody national, le boomerang de la malfaisance » pour flageller ceux qui ont trompé le peuple-enfant de Madagascar avec un épouvantail de messie à la peau de sataniste.

Personnellement, je fais partie de ceux qui n’ont pas voté depuis 2001. Je n’ai donc pas de regrets. Rien que des souvenirs…

24/12/2008

Sombres souhaits

Season's greetings. Normalement, en cette période de fêtes, on souhaite des bonnes choses. Avec la mort de Fory Coco, le dictateur de Guinée Conackry, j'ai envie de souhaiter autres choses. Je souhaite que 2008 emporte avec lui tous ces messieurs qui se croient grands et qui plongent leur pays dans la misère au nom d'une démocratie du bout des lèvres. A commencer par Mugabe-le-fou dont les mérites d'avoir mené son pays vers l'indépendances sont tombés en ruine devant l'appauvrissement généralisé où il a précipité le Zimbabwe. Et dire que ce mec-là viendra à Madagascar pour le sommet de l'Union africaine l'année prochaine. C'est à s'inventer une poupée vaudoue que l'on habillera d'aiguilles.

En Afrique, prendre le pouvoir, c'est chercher tous les moyens pour y rester le plus longtemps possible. Madagascar n'échappe pas à la règle. Même si, en bons insulaires que l'on est (les Anglais y savent quelque chose, n'est-il pas ?), on y déteste toute comparaison avec le grand continent noir. "Mourir au pouvoir", aurait parié Tito. La levée du rideau de fer a révélée le cadavre en décomposition d'une Yougoslavie que les seigneurs de la guerre se sont empressés de dépecer.

"Je vais terminer mon mandat en 2010. Celui qui n'est pas content n'a qu'à quitter la Guinée...",  aurait déclaré Fory Coco qui porte bien son nom. Lundi 22 décembre 2008, la Grande fauche l'a emporté rejoindre son principal allié, le diable. Avant de mourir, il aura permis à "Midi Flash" de réaliser un petit record de vente le mercredi 19 décembre 2008 lorsque Fory Coco fut à la Une de cet hebdomadaire (ci-dessous). Au grand dam d'une partie de la rédaction, outrée par le fait que, en malgache, le nom rappelle une partie de l'anatomie féminine qu'il est culturellement-correct de taire.

Pet à son âme et à tous ceux qui font honte à la démocratie. En cette saison des voeux, je leur souhaite tous les malheurs du monde.

Midi Flash.JPG

18/12/2008

Que Viva...

Viva tv radio.jpg Le manque d’imagination est au pouvoir. Qui a peur de Didier Ratsiraka au point de fermer la chaîne de télé Viva parce que celle-ci a diffusé des propos de l’ancien président malgache, dans le cadre d’une publireportage qui plus est ? Pas moi en tout cas qui trouve que Ratsiraka n’est plus que l’ombre de lui-même. Mais bon, parmi les moineaux qui volent le riz de Madagascar, y en a qui ont peur d’un épouvantail.
Ceci dit, j’ai passé quelques mois chez Viva. Je garde précieusement les PAD que l’on a enregistré à l’époque. C’était autour d’une pizza que moi et Andry Rajoelina ont conclu mon transfert chez Viva, en avril 2007, dans son bureau. On me cherchait des poux aux « Nouvelles ». Je me dis que c’est l’occasion de réaliser un projet qui me hante toujours : la télévision. C’est donc avec l’accord de Andry TGV dans la poche que je suis allé à la réunion où on va décider de mon sort chez Ultima Média. Je n'en avais plus rien à cirer.
Quelques mois plus tard, j’ai quitté Viva pour l’université, à Antsirabe. A l’amiable. Andry m’a dit que je pourrais toujours venir si j’ai du temps. Notre amitié est restée la même. Il paraît que c’était moi qui lui a soufflé l’idée de se présenter candidat à la mairie de Tana, à l’époque où la commune urbaine de Tana, justement, lui a ordonné d’enlever ses panneaux trivisions d’Antanimena, en 2004. Je ne m’en souviens pas. Depuis, le roi des panneaux publicitaires, il détient 40% du marché, est devenu maire de Tana.
Je lui ai téléphoné après la fermeture de Viva. Reporters sans frontière a sorti un communiqué condamnant cet acte anti-démocratique. Le texte est ci-dessous.

Une chaîne de télévision privée fermée sur ordre de l'Etat

Reporters sans frontières condamne la décision des autorités malgaches de fermer la chaîne de télévision privée Viva, propriété du maire d'Antananarivo, dans la nuit du 13 au 14 décembre 2008, pour avoir diffusé des propos jugés susceptibles de “troubler l’ordre et la sécurité publique”. La chaîne venait de diffuser un publireportage de l’ancien président de la République, Didier Ratsiraka, en exil à Paris depuis 2002.
“La fermeture de la chaîne Viva marque un durcissement de la politique du président Marc Ravalomanana vis-à-vis de médias jugés favorables à l’opposition. La diversité d’opinion doit pouvoir exister à Madagascar. Nous appelons donc les autorités à revenir sur cette décision en autorisant la remise en service de la chaîne”, a déclaré Reporters sans frontières.
Le 13 décembre, aux alentours de 23h30, deux fourgons de policiers se sont rendus dans les locaux de Viva, à Ambodivona, munis d'un document signé par le ministre des Télécommunications, des Postes et de la Communication, Bruno Andriantavision, pour procéder à la fermeture immédiate de la chaîne. Les policiers ont également saisi le DVD du programme incriminé. Aucune durée d’interdiction n’a été mentionnée.
Cette mesure survient après la diffusion sur la chaîne de télévision Viva, quelques heures plus tôt, d'un message de l’ancien président en exil, Didier Ratsiraka, enregistré à Paris le 2 décembre 2008, sur la situation politique et socio-économique du pays.
Des extraits de l’enregistrement avaient déjà été largement diffusés par d'autres médias, et avaient été repris à la une du quotidien privé Midi Madagasikara, deux jours auparavant. Ces médias n'ont pas été inquiété. Le directeur de Viva, Andry Rajoelina, a dénoncé une “décision purement politique”. Il signale d’ailleurs que “le gouvernement avait l’intention de fermer Viva TV depuis longtemps”, et que la direction de l'organe de régulation des médias harcelait la chaîne depuis quinze jours, cherchant “la petite bête pour trouver de quoi justifier une éventuelle fermeture”.
Andry Rajoelina entretient des rapports conflictuels avec le pouvoir exécutif depuis qu’il a gagné la mairie d’Antananarivo, il y a un an, face au candidat du parti présidentiel.

Reporters sans frontières
Communiqué de presse
17 décembre 2008

03/12/2008

Recul de Madagascar dans le classement mondial sur la démocratie

Après le classement sur la liberté de la presse par Reporters sans frontières, Madagascar y a brillé parMouton.jpg sa médiocrité, voici le classement mondial sur la démocratie. Là encore, Madagascar peut meeuh faire, comme disait la vache qui regarde passer le train. « The Economist », magazine respecté et respectable, je connais au moins quelqu’un à Madagascar qui le vénère, est à l'origine de ce classement dont j'ai connaissance que maintenant. Après avoir été classé 85è sur 167 pays en 2007, Madagascar rétrograde à la 90è place dans le classement fraîchement sorti en novembre 2008, derrière le Liban et devant Bangladesh. Madagascar y est classé parmi les pays dont la démocratie est considérée comme "hybride". Sadasada manan-tsoratra. Ca, c'est très malgache.

Voici le commentaire de MFI.

Ce 10 décembre marque le soixantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l’homme. L’occasion de s’interroger sur les avancées de la démocratie dans le monde. Pour l’heure, 116 pays sur 167 de plus de 500 000 habitants respectent à des degrés divers les normes démocratiques. Pourtant, cette démocratisation marque le pas et 35 % de la population mondiale vivent toujours sous un régime autoritaire. La démocratie n’est jamais un acquis définitif : elle est régulièrement confrontée à des défis, comme l’actuelle crise économique et financière.

La démocratie progresse-t-elle dans le monde ?

Le 8 octobre dernier, Mohamed Anni Nashed – un ancien prisonnier politique – remportait contre toute attente l’élection présidentielle aux Maldives, mettant fin aux trente années de règne sans partage de Maumoon Abdul Gayoom, le plus ancien dirigeant en Asie. Quelques semaines auparavant, Fernando Lugo, surnommé « l’évêque des pauvres », était investi à la tête du Paraguay, sonnant le glas de soixante-et-un ans d’hégémonie du parti conservateur Colorado.

Ces deux exemples donnent à penser que la démocratie progresse dans le monde, et c’est effectivement le cas. Selon l’enquête réalisée chaque année par le magazine britannique The Economist, on compte aujourd’hui 116 pays (sur 167 étudiés) qui respectent globalement les normes démocratiques, soit 69,5 % de l’ensemble. Au milieu des années 1980, ce n’était le cas que de 46 % des pays concernés. Comme l’explique Laza Kekic, la responsable de l’enquête : « La fin des dictatures en Amérique latine et la chute du mur de Berlin ont permis de voir le nombre de démocraties progresser rapidement au cours des années 1990. Aujourd’hui, cette progression marque le pas. Le point positif est qu’on n’assiste pas à de graves retours en arrière. »

A partir d’un ensemble de critères tels que le mode de désignation du chef de l’Etat, les droits de l’opposition, les libertés publiques, la transparence des scrutins, la liberté de la presse, la participation électorale, la culture démocratique…, l’enquête de The Economist classe les pays en quatre catégories : démocratie réelle, démocratie perfectible, semi-démocratie (ou pays hybride) et régime autoritaire. Un type de classement toujours contestable, même si les critères retenus par The Economist se veulent aussi objectifs que possible. Ainsi, la Jordanie appréciera sans doute peu d’être considérée comme un régime autoritaire au même titre que la Birmanie, et on peut s’étonner de voir se côtoyer dans le même panier les mérites des démocraties danoise et américaine. Enfin, le Maroc (régime autoritaire) est-il vraiment moins démocratique que le Cambodge (pays hybride) ?

Selon cette enquête, on compte seulement trente démocraties réelles, représentant 14,4 % de la population mondiale. En tête du classement : la Suède, la Norvège et l’Islande. Dans cette catégorie, on compte vingt-et-un pays européens, les deux Etats nord-américains, deux latino-américains (l’Uruguay et le Costa Rica), deux asiatiques (le Japon et la Corée du Sud), un seul africain (l’Ile Maurice), ainsi que l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

Cinquante pays sont considérés comme des démocraties perfectibles : quinze européens (la Pologne, la Roumanie, l’Estonie…), dix-huit latino-américains (le Brésil, le Pérou, le Salvador…), dix asiatiques (l’Inde, la Malaisie, les Philippines…), un Etat du Moyen-Orient (Israël) et six africains (le Cap-Vert, la Namibie, le Bénin…). Trente-six pays appartiennent à la catégorie des semi-démocraties. C’est le cas de l’Albanie, de la Russie et de l’Arménie (parmi sept européens) ; de l’Equateur, du Venezuela et d’Haïti (pour l’Amérique latine) ; de Singapour, du Bangladesh et du Népal (parmi huit asiatiques) ; de la Palestine, du Liban et de l’Irak (pour le Moyen-Orient) ; du Sénégal, du Ghana et du Burundi (parmi quinze pays africains).

Enfin, The Economist considère que cinquante-et-un pays sont des régimes autoritaires. Ils représentent 34,9% de la population mondiale. Les trois plus redoutables seraient la Corée-du-Nord, le Tchad et le Turkménistan. Avec vingt-six nations concernées, c’est l’Afrique qui domine cette catégorie. On peut citer : le Niger, le Gabon ou le Soudan, suivie de onze pays du Moyen-Orient (dont le Yémen, l’Arabie Saoudite, la Syrie…), dix pays asiatiques (la Birmanie, le Vietnam, le Laos…), ainsi que la Biélorussie et Cuba.

Atlas democratie.jpg

Quelles ont été les évolutions récentes dans ce domaine ?

Au chapitre des bonnes nouvelles, les progrès enregistrés dans trois pays d’Asie du sud : les Maldives, le Népal et le Bouthan. Aux Maldives, un opposant politique a mis fin au règne sans partage du chef de l’Etat en place depuis 1978. L’élection présidentielle a été transparente et le perdant n’a pas contesté le résultat.

Au Népal, la guérilla maoïste a déposé les armes après dix années de lutte, un accord de paix lui a permis de réintégrer le jeu politique et des élections législatives ont été organisées. L’ancien chef de la guérilla, Pushpa Karnal Dahal, a été nommé Premier ministre et la royauté abolie. En dépit des troubles politiques, le Népal connaissait de toute façon depuis longtemps une presse libre et le multipartisme, et on y trouvait des organisations non gouvernementales actives.

Enfin, le petit royaume himalayen du Bhoutan, qui se vante d’être le dernier shangri-la (« le dernier paradis sur Terre ») pour la préservation de son environnement, a organisé ses premières élections législatives en décembre 2007. Pour autant, le roi conserve son pouvoir, qui n’est pas synonyme d’atteintes aux droits de l’homme.

A noter enfin que la situation politique s’améliore au Pakistan, même si le pays est miné par la violence du fait de sa proximité avec l’Afghanistan. Le général Pervez Musharraf, qui s’était emparé du pouvoir par un coup d’Etat en octobre 1999, a démissionné et des élections législatives se sont tenues en février dernier.

Loin de l’Asie, le Paraguay a connu en 2008 sa première alternance politique en soixante-et-un ans. L’hebdomadaire de la gauche américaine, The Nation, espère que « Barack Obama corrigera les atteintes aux libertés publiques dont George Bush s’est rendu responsable, notamment au nom de la lutte contre le terrorisme. Qu’il s’agisse des écoutes téléphoniques sans autorisation, des personnes emprisonnées à Guantanamo sans inculpation, du poids croissant dans la vie publique des évangélistes intégristes ou de la dévalorisation du travail au profit du grand capital ». Il serait toutefois excessif de prétendre que les Etats-Unis d’Amérique ont cessé d’être une démocratie sous George Bush.

En Afrique, l’étude de The Economist accorde l’évolution la plus positive à la Sierra Leone, passée d’un régime autoritaire à une semi-démocratie grâce à l’élection en septembre 2007 de l’opposant Ernest Bai Koroma. « Une élection honnête et exempte de violences », note l’hebdomadaire britannique. La mise en place du Tribunal spécial international chargé de juger les responsables de la guerre civile qui a ravagé le pays de 1991 à 2002 contribue aussi à renforcer les institutions.

La démocratie a-t-elle connu de graves revers récemment ?

Les optimistes souligneront qu’aucune démocratie n’a sombré dans la dictature ces dernières années. Pour autant, le nombre de pays réellement démocratiques ne progresse pas : il est toujours de trente depuis 2005, représentant une petite minorité de la population mondiale. The Economist a par ailleurs rétrogradé quatre états du statut de démocraties perfectibles à celui de semi-démocraties. C’est le cas du Bangladesh, dirigé par un gouvernement « provisoire » qui a imposé l’état d’urgence depuis janvier 2007, alors que ce pays s’est longtemps vanté d’être un parangon de démocratie dans un contexte de grande pauvreté… De son côté, Hong-Kong subit une pression croissante de Pékin : la presse y est moins libre, le Parlement moins représentatif, les institutions davantage contrôlées… Les violences entre le Fatah et le Hamas dans la bande de Gaza, qui contraignent l’Autorité palestinienne à se réfugier en Cisjordanie, valent aussi à la Palestine de perdre des points… Enfin, le Mali est moins bien noté du fait des atteintes à la liberté de la presse et de l’insécurité croissante liée à l’insurrection dans le nord du pays.

Le Nicaragua pourrait suivre le même chemin. Réélu en novembre 2006, le président Daniel Ortega affirmait avoir « rompu avec le marxisme-léninisme » mais on assiste ces derniers mois à une concentration extrême du pouvoir et à une pression croissante sur les médias. La violence des gangs menace aussi la stabilité des institutions.

Ailleurs, du Zimbabwe à la Tunisie, en passant par l’Iran, le Tadjikistan ou le Congo, si les pays ne sont pas plus dictatoriaux, ils ne sont pas non plus davantage démocratiques. Comme le confiait au magazine Newsweek Vidar Helgesen, le secrétaire général de l’Institut international pour la démocratie et le droit électoral, basé à Oslo : « La situation politique au Moyen-Orient ne s’améliore pas. L’espoir suscité par les révolutions de couleurs dans plusieurs ex-pays soviétiques est en train d’être déçu, et les tendances autoritaires s’aggravent en Russie. En Amérique latine, les progrès ont été extraordinaires tout au long des années 1990 mais on assiste aujourd’hui à un retour du populisme, des atteintes à la liberté de la presse et aux droits des associations. L’ampleur des inégalités sociales pose aussi problème. Cela prouve que la démocratie n’est jamais un acquis définitif. » Un avis partagé par Laza Kekic, la responsable de l’enquête de The Economist : « Les discours contre les immigrés en Europe, notamment en Autriche, au Danemark et aux Pays-Bas, représente potentiellement une menace contre les normes démocratiques. De même, en Europe de l’Est, après l’enthousiasme de la chute du communisme et de l’adhésion à l’Union européenne, on assiste aujourd’hui à une radicalisation des idées et à une vague populiste, qui démontrent la faiblesse de la culture démocratique dans cette région

Planisphère democratie.jpg

La démocratie reste-t-elle un modèle dans le monde ?

Selon une enquête menée en 2006 par le Programme des nations unies pour le développement (Pnud), les habitants de la majorité des pays se disent partisans de la démocratie, souvent associée à un meilleur accès aux soins, à l’éducation, à une moindre corruption, à de la promotion sociale. « C’est pourquoi on ne peut plus imaginer un régime démocratique sombrer dans la dictature, ou alors pas longtemps. Le sens de l’Histoire conduit inéluctablement vers la démocratie », assure Vidar Helgesen. Sociologue au Centre de recherche politique de Delhi, Ashish Nandy estime pour sa part que « l’Inde est présentée abusivement comme la plus grande démocratie du monde. C’est au mieux la plus peuplée, et notre régime politique reste imparfait. Cela dit, si un pays aussi divers et inégalitaire que l’Inde n’a jamais été une dictature, c’est parce que les plus pauvres ont toujours eu l’espoir d’améliorer leur sort grâce à leur bulletin de vote, qu’ils n’hésitent pas à renvoyer un député qui ne travaille pas pour sa circonscription. La démocratie permet de se projeter dans l’avenir, d’où la stabilité du pays. » De son côté, le politologue américain Francis Fukuyama, cité par Le Monde, souligne que « les gouvernements autoritaires d’aujourd’hui ont peu de points communs entre eux. A la différence du passé, aucun ne possède la combinaison de force, de cohésion et d’idées requise pour dominer le monde. Aucun ne rêve d’abattre l’économie mondialisée. Le modèle n’est pas de leur côté ».

Et pourtant… Vladimir Poutine atteint des records de popularité dans une Russie où l’opposition n’a plus droit de cité, où les médias sont aux ordres, où les gouverneurs ne sont plus élus mais nommés, où l’armée commet les pires exactions en Tchétchénie. Vladimir Poutine apparaît comme un homme fort, qui restaure l’honneur de la Russie et qui favorise la croissance économique. « Le culte de l’homme providentiel, qui restaure l’ordre et la prospérité, même au prix d’entorses à la démocratie, n’a pas disparu. On le voit en Russie, et en Colombie avec Alvaro Uribe. Le besoin de débats d’idées, de respect de la liberté à tout prix est une notion occidentale. Même les Américains, au nom de la lutte contre le terrorisme, ont accepté que les libertés publiques soient rognées », souligne Pascal Pétillon, chercheur en relations internationales au CNRS. Pour Zaki Laïdi, professeur à l’Institut d’études politiques de Paris, cité par Le Monde : « Avoir mené la guerre en Irak en affirmant vouloir y implanter la démocratie a porté un coup très dur au modèle démocratique occidental. Il suffit de se rappeler le scandale de la prison d’Abou Ghraib. La démocratie ne s’exporte pas. Même les citoyens d’un régime autoritaire défendront leur souveraineté face à la tentative d’imposer un autre modèle de l’extérieur. En outre, le “deux poids deux mesures” qui fait qu’un dictateur en Irak est un ennemi mais un autre en Arabie Saoudite un ami, décrédibilise la prétention des Etats-Unis d’imposer leur modèle. »

Dans un autre registre, The Jakarta Post s’interrogeait récemment : « Dix ans après la fin de la dictature de Suharto, la démocratie progresse en Indonésie… mais l’intégrisme islamique aussi. La corruption reste forte et l’économie se dégrade, au point que beaucoup d’Indonésiens se demandent si la démocratie n’est finalement pas plus un mal qu’un bien. »

Jean Piel

 

 

06/11/2008

Et Michelle créa Obama

Absorbé par les soutenances de mémoires à l’université catholique Essva d'Antsirabe où je travaille, 21 séances en une semaine, je n’ai pu Michelle Obama.jpgréagir à temps à la victoire de Barack Obama. Je ne vais plus répéter ce que l’on a déjà dit à satiété. Bien sûr que c’est une victoire historique. Changera-t-elle pour autant la face du monde ? Elle changera d’abord la couleur des locataires de la Maison-Blanche. Ce qui est déjà un bon début.

A présent qu’il est élu, le monde entier verra enfin qui est véritablement Barack Obama, hors du relooking et du photoshop de la campagne. Après tout, W lui aussi était un nullard avant d’être celui dont l’Histoire retiendra les actions. Sharon Stone aurait dit au philosophe français Bernard-Henri Levy que W, raté et ivrogne, ne voulait pas entrer en politique. Que c’était sa femme qui l’y a poussé. On ne sait si Obama détestait la politique. Ce que l’on sait est que c’est sa femme, Michelle, qui rime avec très belle, qui l’a introduit dans le milieu politique. On dit que derrière chaque grand homme se trouve une femme. Michelle gagnait le double d’Obama mais a accepté de réduire ses activités professionnelles pour le besoin de la campagne électorale. Et si elle plaisante souvent à propos de son mari, de ses grosses oreilles et de ses pieds puants, ce qu’elle l’aime avant tout comme un homme et ne le considère pas comme un Superman qui aurait une potion magique pour faire redécoller l’économie américaine. Ce portrait que le magazine « Elle » a fait d’elle pendant la campagne apporte un nouvel éclairage sur le personnage du désormais 44è président des Etats-Unis. Dans le Manakara de mon enfance, quand on jouait au loto, le chiffre 44 est appelé « tômôbily rebaky ». Une voiture cabossée. Gageons que la biplace Obama arrivera à bon port au bout des quatre ans du premier mandat.

Il y a un an, Michelle Obama, 44 ans, n’avait pas spécialement envie d’inscrire son nom dans les livres d’histoire. Sa vie lui plaisait, raconte-t-elle. Barack, 46 ans, sénateur de l’Illinois, passait la semaine à Washington et rentrait retrouver Malia, 9 ans, et Sasha, 6 ans, le week-end à Chicago, sa ville à elle. Elle jonglait entre les activités des petites (danse, piano, foot) et son emploi du temps de vice-présidente des hôpitaux de l’université de Chicago. Elle gagnait très bien sa vie – 325 000 dollars par an –, le double de lui. Elle se levait à 4 heures et demie pour pouvoir courir et faisait tourner la maisonnée à coups de programmes accrochés sur le frigo. Mais tout ça, c’est fini. « Rien ne bouleverse plus la vie qu’une campagne », dit-elle avec une pointe d’ironie.

Et s'il se faisait assassiner ?

Elle le savait et y a mûrement réfléchi avant de donner son feu vert à Barack Obama. Elle avait peur de l’impact sur leurs filles, peur qu’elle n’ait à faire passer sa carrière derrière la sienne, peur que la politique ne les broie, lui et son bel idéalisme. Leurs amis s’inquiétaient des risques, comme nombre de supporters qui, à la fin des réunions, lui font part de leur pire cauchemar : et s’il se faisait assassiner ? « C’est toujours dans un coin de la tête de tout le monde, reconnaît le frère de Michelle, Craig Robinson. Mais vous ne pouvez pas passer votre vie à vous inquiéter. » Michelle Obama refuse d’y penser. Les services secrets les protègent, un garde du corps musclé à oreillette se trouve toujours à moins de cinq mètres d’eux. Les gamines les ont surnommés les « secret people », « les gens secrets ».

Iowa, New Hampshire, Caroline du Sud...

« Mais la raison pour laquelle j’ai dit oui, a-t-elle expliqué cet été lors d’un meeting, c’est que je n’en peux plus de cette peur. Je suis fatiguée de vivre dans un pays où toutes les décisions que nous avons prises ces dix dernières années sont motivées par la peur. Peur de ceux qui ont l’air différents, peur de ceux qui pensent et croient autrement, peur les uns des autres. Je ne veux pas que mes filles grandissent dans un pays et un monde qui a peur. » Elle a posé une condition : qu’il arrête de fumer. Puis elle a réduit son temps de travail à 20 % et s’est mise à faire campagne, seule, doublant l’impact de leur force de conviction. Autant qu’elle le peut, elle fait des voyages éclairs d’une journée dans les Etats clés pour l’élection. En Iowa, dans le New Hampshire, en Caroline du Sud... Elle fait lever les filles, file à l’aéroport et rentre à temps pour les coucher. La difficulté d’être mère sans renoncer à sa carrière. Au début, elle faisait même entrer les gens dans leur chambre à coucher. Elle racontait que Barack ne fait pas le lit et laisse traîner ses chaussettes. Ou que les filles ne veulent pas l’embrasser le matin parce qu’il ne sent pas bon. L’éditorialiste du « New York Times », Maureen Dowd, lui a reproché d’« émasculer » le candidat. Elle en parle un peu moins, mais s’amuse toujours de son drôle de nom et de ses grandes oreilles.

Des pointes d'humour caustique

Personne n’imagine Laura Bush ou Nancy Reagan raconter que leurs maris puent des pieds... Mais ce ne sont pas des gaffes. Michelle Obama est une oratrice presque aussi douée que son charismatique mari, tenant les salles en haleine et brisant la tension avec des pointes d’humour caustique. Ce qu’elle veut faire comprendre aux Américains, c’est que les Obama sont comme eux, les pieds sur terre, ancrés dans la réalité. Que les discours de Barack sur l’espoir qui déplace des montagnes et peut changer l’Amérique ne sortent pas des livres, mais d’un vécu. Qu’ils sont peut-être des idéalistes, mais pas des illuminés. « C’est un homme de talent, dit-elle. Mais, au final, juste un homme. » Elle ne veut pas que Barack prenne la grosse tête et elle rappelle aux électeurs qu’il n’est pas « le messie qui va régler tous les problèmes de l’Amérique ».

Des origines modestes

Michelle Obama est née dans une famille modeste de South Side, un quartier noir de Chicago. Son père, atteint d’une sclérose en plaques, travaillait pour le service des eaux, sa mère pour une banque. Quand Craig, son frère aîné, est entré à Princeton, la jeune Michelle s’est dit : « Pourquoi pas moi ? Je suis plus intelligente. » « Elle a horreur de perdre », s’amuse son frère. Elle est aussi brillante. Après Princeton, elle a fait son droit à la prestigieuse université de Harvard, où elle ne s’est jamais vraiment sentie intégrée en tant qu’étudiante noire. Elle a ensuite rejoint un cabinet d’avocats d’affaires. C’est là que, un été, son chef lui a demandé de superviser un jeune prometteur, Barack Obama. « Je l’ai trouvé charmant, drôle, plein d’humour et mignon, sérieux sans trop se prendre la tête », racontet- elle en meeting. Quatre ans plus tard, ils se mariaient. Après la mort de son père, elle a décidé que la vie était trop courte. La jeune avocate a laissé tomber son gros salaire et contacté le cabinet du maire de Chicago, qui lui a proposé un boulot dès son premier entretien. C’est la chef de cabinet, devenue leur meilleure amie et alliée, qui a introduit Barack dans le milieu politique de l’Illinois. Grâce à elle, il a tissé le réseau qui lui a permis d’être élu au congrès de l’Etat et au Sénat à Washington. Puis Michelle a aidé ce fils d’un père kényan et d’une mère blanche du Kansas, trimballé jusqu’en Indonésie par sa mère puis élevé par ses grands-parents à Hawaï, à planter ses racines dans la communauté noire de Chicago et il a découvert la stabilité qu’il veut assurer à ses propres enfants.

Un atout et un handicap

Michelle est son ancre. « Veuillez accueillir l’amour de ma vie et le socle de la famille Obama », dit-il en la présentant au public. Belle et élégante, avec dans son style des réminiscences de Jackie Kennedy (les robes ajustées, les colliers de perles), elle est un atout pour le sénateur de l’Illinois. Mais aussi un handicap : si les électeurs blancs peuvent oublier qu’il est noir, quand elle monte sur scène avec ses deux filles, le doute n’est plus permis. Avec son profil et sa franchise, Michelle Obama ne ferait pas une First Lady ordinaire. Mais, contrairement à Bill Clint on qui avait fait campagne en 1992 en promettant qu’en l’élisant les Américains en auraient « deux pour le prix d’un », elle ne se voit pas jouer un rôle prééminent à la Maison-Blanche. « Nous parlons de tout, a-t-elle expliqué au magazine ”Time”. Mais je ne suis pas son conseiller politique. Je suis sa femme. » Un petit coup de griffe à Hillary qui s’est mêlée des affaires politiques de la Maison-Blanche. Mais qui a aussi ouvert la porte à des Premières Dames modernes et indépendantes comme pourrait l’être Michelle Obama.

Isabelle Duriez

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