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11/05/2020

Le bulletin de notes de Madagascar : amélioration en démocratie et Etat de droit, stationnaire en liberté de la Presse

En près de deux mois de présence à Madagascar, du moins au moment où ces lignes son écrites, leWJP, Demokrasia, HCDDED, Etat de Droit, Randy Donny, Madagascar Covid-19 n'a fait aucun mort, mais risque de faire plusieurs victimes. En premier lieu, la démocratie, l'Etat de doit et la liberté de la Presse.

L'Institut Varieties of Democracy (V-Dem), basé au Département de science politique de l'Université de Göteborg, en Suède, sort un classement sur l'état de la démocratie dans le monde chaque année : le Liberal Democracy Index (LDI).

Pour mieux conceptualiser et mesurer la démocratie, V-Dem distingue entre 5 principes de démocratie de haut niveau: Électoral, Libéral, Participatif, Délibératif et Égalitaire. V-Dem désagrège ces cinq principes en des dizaines de composantes de niveau inférieur de la démocratie telles que les élections régulières, l'indépendance judiciaire, la démocratie directe et l'égalité des sexes, et fournit des indicateurs désagrégés pour chaque conception et chaque composante.

Cette année, Madagascar est considéré par V-Dem parmi les 10 pays où on a enregistré de progrès important en matière de démocratie ces dix dernières années. Ainsi, la note de Madagascar dans le LDI est passé de 0,09 en 2009 à 0,31 en 2019, soit un hausse de +0,23.

LDI.JPG

Ce bel élan est louable. Mais il risque d'être stoppé net par les agitation générées par l'Etat d'urgence sanitaire durant lequel certains veulent faire taire la démocratie. Soit, mai elle ne peut forcer les cerveaux à s'éteindre.

Ainsi, il est curieux de constater la réactivation de la Loi n° 91-011 du 18 Juillet 1991 relative aux situations d'exception qui a été expressément conçue pour réprimer les Forces Vives durant le mouvement populaire de 1991. Une loi scélérate.

La situation d’urgence sanitaire ne doit pas cautionner toutes les pratiques allant à l’encontre de la démocratie et du vivre ensemble. Nous faisons économie ici des polémiques enflammés autour du Covid Organics pour signaler simplement que selon l'Article 8 de la Constitution, "il est interdit de soumettre une personne sans son libre consentement à une expérience médicale ou scientifique". Définitivement, vitesse et précipitation ne font pas bon ménage.

En hausse de quatre places

En matière d'Etat de droit, Madagascar est encore une fois bien noté en ce début d'année. Dans l’Indice sur l’État de Droit du WJP, publié le 11 mars 2020, le score total de Madagascar a augmenté de 2.4% dans l’Indice de cette année. Madagascar s’améliore de quatre places dans le classement mondial et se trouve à la 105e place sur 128 pays et juridictions à travers le monde, 20e sur 31 pays dans la région Afrique subsaharienne et 12e sur 19 parmi les pays à revenu faible.

L’Indice sur l’État de Droit du WJP mesure la performance en terme d’état de droit de 128 pays et juridictions repartie entre huit facteurs : Contraintes aux Pouvoirs du Gouvernement, Absence de Corruption, Gouvernement Ouvert, Droits Fondamentaux, Ordre et Sécurité, Application des Règlements, Justice Civile et Justice Criminelle.
Le World Justice Project (WJP) est une organisation indépendante et multidisciplinaire qui travaille pour faire progresser l'état de droit dans le monde, condition nécessaire pour réduire la corruption, combattre la pauvreté et protéger les gens contre les injustices.

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Encore une fois, cette amélioration assez spectaculaire doit être préservée de la situation d'exception.
Transparency International - Initiative Madagascar a anticipé la situation en début de situation d’urgence sanitaire. Selon cette ONG d'origine allemande dans un communiqué publié le 27 mars, la "situation ne doit pas faire abstraction des règles de bonne gouvernance, ni faire fi de la transparence, de la redevabilité et de l’intégrité (...) En ces temps d'incertitude sans précédent, le risque de capture des décisions publiques par des intérêts privés motivés par leur propre profit est omniprésent. Ces risques vont du détournement de financements destinés à la santé, à la conception de plans de sauvetage qui favorisent les industries et les entreprises proches du pouvoir (...) Des mesures urgentes doivent être prises pour s’attaquer aux canaux par lesquels les intérêts privés peuvent avoir un effet de levier indu sur la prise de décisions publiques. Le parlement et le gouvernement doivent suspendre toute démarche non urgente en cours et nécessitant une consultation publique, jusqu'à ce que le retour à la normale permette la reprise de ces consultation".

Effectivement, la primauté donnée à la politique sur tous les sujets, même scientifiques, génère une suspicion légitime qui ne facilite pas la création d'une cohésion et d'une fierté nationales derrière des initiatives somme toute méritoire.

Victime collatérale

En matière de liberté de la Presse, Madagascar fait du sur place en se plaçant 54è pays depuis trois années consécutives dans le classement de Reporters sans frontières (RSF), sorti le 21 avril 2020. Qu'en sera-t-il l'année prochaine quand arrivera le moment de faire le bilan ? Dans une épidémie, on a d’abord besoin de soins, c’est évident ; mais aussi, ne l’oublions pas, d’informations fiables. 

" A Madagascar, les programmes de libre antenne dans lesquels des auditeurs sont susceptibles d’intervenir et d’exprimer leur opinion sur la pandémie et sa gestion sont désormais interdits". note le responsable du bureau Afrique, Arnaud Froger. “Agressions, intimidations, arrestations de journalistes, censure et exclusion de médias critiques, la liberté de la presse ne doit pas être une victime collatérale de cette épidémie mondiale", estime-t-il.

Ainsi donc, Madagascar est plutôt bien noté ces dernier temps sur le plan international, mais il importe de  ne pas dormir sur ces lauriers et d'être toujours sur ses gardes.

Nous sommes nombreux à ne plus vouloir de ce monde dont l’épidémie révèle les inégalités absurdes...  Mais « l’histoire nous juge sur nos résultats, et non sur nos intentions », disait John  Fitzgerald Kennedy.

En cette veille du 60ème anniversaire de l’acquisition de l’indépendance, on ne peut que souhaiter à Madagascar de passer sans trop de casse cette crise sanitaire et de continuer sa progression sur le chemin du développement.

Randy Donny

Article paru dans le numéro 6 de "Demokrasia", le magazine trimestriel du Haut Conseil pour la Défense de la Démocratie et de l'Etat de Droit (HCDDED).

 

11/02/2020

Assassinat de Ratsimandrava : une affaire à la JFK !

Ratsimandrava intéresse toujours le public !, titrais-je en 2000 à l'occasion d'une exposition sur le personnage qui a drainé plus de 4000 personnes dont 1110 lors de l’inauguration. 45 ans après son assassinat, le 11 février 1975, c'est toujours le même engouement, en raison du mystère qui entoure sa disparition. 

Devenu héros national du jour au lendemain de son assassinat, le 11 février 1975, le colonel Richard Ratsimandrava était une de ces personnalités qui ont réussis a coup de persévérance personnelle. D’où certainement aussi l’attrait du personnage.

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Renouveau du fokonolona

Comparaison n’est jamais raison. Malgré tout, il est difficile de ne pas faire un parallèle avec le président américain J. F. Kennedy, mort également ans des circonstances non encore élucidées jusqu’à présent. Comme John Kennedy, chantre d’une « nouvelle frontière ». Ratsimandrava, était venu à la barre suprême de l’Etat avec un programme dont les grands points étaient déjà connus du peuple du renouveau du « Fokonolona ». D’autre part, si Kennedy était le premier, et jusqu'à présent unique, président américain non-Wasp (White anglo-saxon protestant), les Kennedy sont catholique, Ratsimandrava était le premier et jusqu'à présent unique, du moins jusqu’à preuve du contraire, chef d’Etat malgache descendant d’ « andevo » (Il parait que le mot « esclave » n’est pas idoine).

L’a-t-on  assassiné parce qu’une bande rivale de politicards voulait s’approprier le pouvoir au nom d’un autre programme ? Ou bien là t on éliminé de par son origine sociale ? Certainement les deux à la fois. Mais notre propos n’est pas de révéler ici quelques éléments secrets entourant sa mort. L’histoire s’en chargera bien un jour. Il s’agit juste d’une brève biographie (non autorisée) du personnage, un de ceux que les cours des choses ont transformé en mythes populaires malgré eux.

Citoyens français

Aussi loin que l’on remonte dans sa généalogie, on retrouve une arrière arrière grand-mère dénommé Rampy, morte en 1857. Un de ses petits fils, Maralahy, a laissé un précieux manuscrit ou il relate ses efforts pour sortir de la condition servile à coup de livres. C’est la nièce de Maralahy, Ravelonjanahary, qui donna la naissance à la mère du colonel Richard Ratsimandrava, Rasoanindrina. L’époux de celle-ci, autrement dit le père du colonel, était une personnalité qui à brillé par sa culture. Professeur assistant à l’école Le Myre de Vilers , c’était un féru des livres et d’information. « il possédait une vieille radio branché sur radio Londres ou il écoutait les nouvelles de la Grande guerre. Comme il parlait l’anglais, ils traduisait les nouvelles a ses amis », se souvient la veuve du colonel, Thérèse Razafindramoizana.

Contrairement a son ancêtre Maralahy, qui a espéré mais en vain de se libéré de son statut d’« andevo » par la bible et l’enseignement, Ratsimandrava père a demandé et obtint, la nationalité française. Ce qui lui a permis d’amélioré considérablement sa situation sociale. Ceci explique pourquoi Ratsimandrava ait pu fréquenter le Lycée Gallieni. Passeport indispensable pour des études en France avec, pour lui, direction l’école militaire de St Cyr en 1952.

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Conscience communautaire

Séduit par le concept de « déshérités » le père grossi le rang du Padesm. Il fit du journalisme en compagnie des Zafimahova. Richard Ratsimandrava, lui, acquit sa conscience nationaliste, teinté de populisme, lors de ses expériences militaires au sein de l’armée Française. On l’a envoyé pour soumettre les militants anticolonialistes au Maroc (1956) et en Algérie (1958) ou il devient membre du comité de Salut public.

«  À l’époque il commandait un détachement de militaires vazaha. Mais en fait, son principal souci était de protéger la population contre les rebelles qui pillaient les villages pour s’approvisionner, un peu comme au temps des Menalamba. C’est là qu’il apprit à connaître le dynamisme des communautés », raconte sa veuve, Thérèse Razafondramoizana, qui poursuivit, « ceci explique pourquoi il a proposé sa médiation lors de la révolte de 1971 dans le sud. Il ne comprend pas pourquoi on s’entre tue entre Malgaches, comme il n’a jamais accepté l’envoi d’une légion étrangère pour mater la révolte. Contrairement a ce qu’on dit, il n’a pas tué des gens dans le Sud.Il a plutôt contribué a sa pacification».

Dans la soirée du 11 février 1975, le cortège qui devait l’escorter après un conseil du gouvernement, à Anosy, s’est arrêté devant sa maison a Anjohy, puis est repartit. « J’ai compris tout de suite. Il y avait surement une embuscade quelque part », à déclaré Thérèse Razafindramoizana. « les jours d’avant, on nous a toujours dit de faire attention », se souvient de son coté une de ses filles, Danielle Ratsimandrava. Ce soir là, l’Histoire accueillit une nouvelle figure de légende, une de plus dans sa collection.

Randy D. in "L'Express de Madagascar" du mercredi 09 février 2000, pp. 10

A voir :11 Fevrier 1975, assassinat de Ratsimandrava. Version complète ici.

A lire : « L’introduction au cahier de Maralahy » par Juliette Ratsimandrava et Fred Ramiandrasoa in « L’esclavage à Madagascar », Actes Colloque international sur l’esclavage, Tananarive, 1996.

 

09/02/2020

Guide raisonnable pour horrible bruit

Une journaliste publie un article illustré par erreur par une photo qui n'a aucun lien avec le sujet. Là-dessus, un obscur musicien se met à insulter la journaliste en la rappelant d'où elle vient.  Par solidarité, je publie ici cet article que j'ai écrit il y a plus de 20 ans chez "L'Express de Madagascar", sans commentaire.

journalisme, Les Nouvelles, Daniele Holy, Madagascar

« (…) Journalistes et musiciens ne peuvent pas être potes longtemps ; quand vous écrivez des jugements sur untel dans les journaux, untel risque fort de ne pas apprécier. C’est la règle du jeu. Et parfois vous êtes surpris : vous vous dites que vous avez écrit une critique très positive du dernier disque d’untel, mais il y a un détail, une information qui l’a chiffonné, et donc untel vous hait. Les [artistes] montent sur scène pour séduire un public, ils ont une image très forte et déformée d’eux même, tout cela est affaire de narcissisme, de pouvoir… Là-dessus, un morveux de la presse va écrire, s’emparer de leur image présenter un portrait d’eux différent de celui qu’ils imaginent… ça ne peut que les troubler, les déstabiliser, puisque ça brise l’image qu’ils se projettent d’eux même. Je pense donc qu’il y aura toujours une barrière invisible entre journalistes et musiciens ».

journalisme, Les Nouvelles, Daniele Holy, Madagascar, Randy Donny, Nick Kent

Ces mots ne sont pas de moi, mais de Nick Kent, un grand rock-critic britannique, un des maitres à penser à tous. Je les ai choisis exprès aujourd’hui à l’adresse des artistes habitués à la pommade de l’ancienne école. Et pour dire une bonne fois pour toutes à certains artistes que les critiques agacent, que les journalistes ne sont pas nés pour les encenser. Si les artistes « empalent » les hommes politiques dans leurs chansons, les journalistes peuvent également surprendre les artistes dans leurs conneries. En tout cas, les journalistes sont là, non pas pour servir l'artiste. Les journalistes ont le devoir d’éclairer, d’aiguiller, d’affiner le choix du public. Mieux : les journalistes doivent prouver sans cesse que l’art peut être autre chose qu’une simple distraction.

Et si, par aventure, l’artiste estime qu’un article sur lui a dépassé les bornes, il a droit à ce qu’on appelle un droit de réponse qui, selon la loi, doit être impérativement publié dans les jours qui suivent à l’endroit ou s’est trouvé l’article incriminé. Usez de ce droit important qui est le vôtre et que (privilège particulier des artistes) les autres - y compris les journalistes – n’ont pas vis-à-vis de vos textes, même les plus virulents. Alors, prenez votre plume, quitte à le tremper dans le venin, mais jamais, au grand jamais n’allez vociférer des menaces. On peut les retenir plus tard contre vous. D’ailleurs, l’art est un truc d’intellectuels. Et les intellectuels n’on jamais les poings faciles. N’allez pas non plus invectiver avec des gros mots qui n’apportent rien de positif à votre moulin. Au contraire, cela ne fera que conforter l’image classique qu’une partie du public a toujours eue vis-à-vis des artistes (surtout ceux qui arborent un look peu ordinaire) : des bandits, alcooliques et drogués. Last but not least, ayez le courage de vos opinions. Et n’oubliez pas l’effort que fait le journaliste avant de pondre le guide raisonnable des horribles bruits que certains d’entre vous accouchent. A bon entendeur… Salut l’artiste !

"L'Express de Madagascar" du samedi 22 février 1997, pp. 17

 

28/01/2020

“Qui a peur du HCDDED a peur de la Démocratie et de l’Etat de droit”

Interview paru dans le n° 003, mai 2019, de "Demokrasia", le magazine du HCDDEDHCDED, Randy Donny, Demokrasia, Madagascar

Le Haut Conseil pour la Défense de la Démocratie et l’Etat de Droit (HCDDED) est prévu par la Constitution de 2010. Mais à cause de manipulations politiques, il n’a réellement pu être opérationnel que récemment. Le Haut Conseiller Randy Donny en est le Rapporteur Général. Entretien.

HCDED, Randy Donny, Demokrasia, Madagascar

* Le HCDDED est prévu par la Constitution de 2010. Mais il n’a pu être opérationnel que récemment. Quelles en sont les raisons ?

° Randy Donny : Peut-être parce que le pouvoir en place à l’époque n’aimait pas la Démocratie et l’Etat de droit ? (rires). Non, sérieusement, il y avait effectivement un décalage entre l’élection des membres, en majorité en 2016, et la mise en place effective du HCDDED, en mars 2018. Vous savez, le HCDDED figure dans la Loi des finances dès 2017 ! La raison en est que les tenants du pouvoir, comme c’est souvent le cas, voulaient s’assurer si ce nouvel organe constitutionnel allait les déranger ou pas. D’autant plus que le régime d’alors n’appréciait pas beaucoup certains des membres élus au sein du HCDDED. Fort heureusement, il fallait respecter la Constitution et Iavoloha a finalement sorti le décret constatant l’élection et la nomination des membres du HCDDED un mois avant la grande manif’ des 73 députés en 2018. D’autant plus que le HCDDED a un quota de représentants au sein de la Haute cour de justice. Vous avez remarqué que le retard dans l’érection de la Haute Cour de Justice faisait partie des arguments de requête en déchéance du Président de la République par les 73 députés !

* Ce retard a-t-il entrainé des conséquences fâcheuses sur la réalisation des missions de l’organe ?

° Bien entendu ! La mission du HCDDED est vaste et de longue haleine ! Or, c’est un organe nouvellement créé. Nous en sommes donc les pionniers. Et comme tel, il fallait tout créer : le Règlement intérieur, l’organigramme, le Plan stratégique, sans parler de l’administration et de la logistique... C’est basique, mais c’est nécessaire pour la pleine réussite de la mission. Comme tout organe, il faut du temps pour que le mécanisme soit bien huilé. C’est à l’image de la Démocratie : rien n’est parfait d’avance, c’est un système en permanente construction.

* L’organe a-t-il les moyens de ses ambitions ?

° Je dirais que non ! Le HCDDED a un budget tellement riquiqui que plus de la moitié est absorbé par les dépenses de fonctionnement ! D’autre part, nous avons hérité d’un hangar désaffecté en guise de siège et nous en sommes encore en plein travaux de réhabilitations. Il fut un moment où on n’avait même pas d’endroit pour se réunir.

* Comment travailler dans ces conditions ?

° Le système D comme débrouille et la bonne volonté de chacun des membres ! Par exemple, le HCDDED, tout organe constitutionnel qu’il est, ne dispose pas de voitures. Alors, chaque membre utilise la sienne propre pour les déplacements. Heureusement que chacun en a avant d’être élu au HCDDED d’ailleurs ! Il en est de même pour les moyens de communication... Personnellement, pour mes réunions de staff, j’emmène mon équipe dans le café d’une station-service et on y travaille tout en passant du bon temps !

* Pourtant, le chantier de la Démocratie, l’Etat de droit et les droits de l’Homme est aussi vaste que le territoire de Madagascar.

° Oui. Le problème est que les gens ne réalisent pas encore très bien l’importance de la Démocratie, de l’Etat de droit et les droits de l’Homme dans le processus de développement. D’où les faux débat récurrents sur ce sujet. D’un autre côté, la balance des pouvoirs, ce que les Américains appellent check and balance, n’est pas encore bien comprise à Madagascar. Chaque pouvoir cherche en permanence le moyen d’avoir la primauté sur les autres. Dans ce cadre, le HCDDED, qui a pour mission d’y mettre le holà est un peu perçu comme un cheveu dans la soupe ! Alors, on le laisse dans le dénuement pour qu’il ne grandisse pas trop vite.

* Quelle est donc la priorité de l’organe pour le moment ?

° Personnellement, je suis un peu réticent à émettre un classement de priorités car tout est prioritaire ici en ce moment ! Tout doit être traité en urgence tant la déconstruction a pris du terrain à Madagascar : la discipline, la bonne gouvernance, la corruption... Je vais vous dire une chose : selon une étude de l’International Country Risk Guide, il faudra 12 à 20 ans pour redresser la qualité de l’administration à Madagascar, 14 à 27 pour éradiquer la corruption et 10 à 17 ans pour améliorer la sécurité et la politique !
Heureusement que le Malgache a bon dos. Cela peut étonner mais l’espérance de vie à Madagascar est plus longue, 65,5 ans, qu’au Rwanda, 64,5 ans, et même en Afrique du Sud, 57,4 ans.

Ceci dit, le HCDDED est composé de quatre commissions : Commission de Défense des valeurs démocratiques et de l’éthique politique, Commission de Défense de l’Etat de Droit, de la Bonne Gouvernance et de l’harmonisation des lois avec les instruments internationaux, Commission de Contrôle, de la Promotion et de la Protection des droits de l’Homme et Commission de l’information, Education, Communication et des Relations avec les Institutions. Chaque commission traite les plaintes et autres doléances correspondantes à sa mission, nous en recevons régulièrement au quotidien, mais le HCDDED peut également faire une auto-saisine sur un sujet le cas échéant.

* Vous faites partie du 4ème pouvoir, car vous êtes le représentant de l’ordre des journalistes au sein de l’organe. Quel est l’apport que vous pouvez emmener au sein du HCDDED ?

° La vision large et globale d’un journaliste ! La défense de la pluralité également, que ce soit d’opinions, de genres ou d’informations. Je me suis toujours insurgé contre l’injustice et les manipulations. Ce qui m’a parfois valu des problèmes vis-à-vis de mes supérieurs hiérarchiques quand j’exerçais encore mon métier de journaliste au quotidien. Dans ce cas, je préfère faire valoir ma clause de conscience, quitte à ne pas avoir de travail !

* En s’érigeant en tant que balise, n’avez-vous pas peur de représailles ou de censure, notamment de la part de l’administration ?

° Qui a peur du HCDDED a peur de la Démocratie et de l’Etat de droit et donc d’un développement harmonieux, inclusif et durable. Et puis, pourquoi doit-on toujours se méfier les uns les autres ? Que chacun fasse son travail comme il faut et les vaches seront bien gardées tout en regardant le train du développement passer à vive allure !

Propos recueillis par Solofomiandra Razanatsoa

HCDED, Randy Donny, Demokrasia, Madagascar

 

16/07/2019

Barea de Madagascar : la revanche de ceux que la Fédération voulait virer !

A Rio de Janeiro, les gosses apprennent à jouer au foot sur la plage. A Madagascar, c'est plutôt dans les rizières. En tout cas, c'est ainsi que Faneva Ima Andriatsima a débuté à 5 ans, à Tsaramasay, un des ghettos d'Antananarivo, la capitale. 30 ans après, le capitaine de la sélection nationale emmène l'équipe à accéder pour la première fois à la Coupe d'Afrique des Nations (CAN 2019, Egypte) où il atteint les 1/4 de finale. Retour sur la fabuleuse aventure des Barea, les zébus indomptables.

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"On dormait à l'aéroport, il y a le Cameroun avec Samuel Eto'o qui est passé devant nous. J'avais honte ce jour-là." C'est ainsi que Lalaina Bolida Nomenjanahary résume sa vie avec les Barea avant l'aventure CAN 2019. Il y a même un époque où le président ivoirien Gbagbo offrait 500 dollars à chaque joueur malgache en voyant leur dénuement après un match. "J’ai connu le temps où on dormait dans un hangar avec des lits superposés. Et on a fait un nul avec le Sénégal ce jour- là (2- 2, 13 novembre 2015)!", se souvient de son côté Faneva Ima. Ce dernier décide alors de prendre les choses en mains, pour ne pas dire les Barea par les cornes, et lance l'opération CAN 2019.

«Faneva c'est le secrétaire de l'équipe. À chaque fois qu'il y a des trucs à faire, des rendez-vous, des machins... C'est lui qui nous a appelé - les binationaux - pour nous motiver à venir en sélection. Il nous a parlé du projet, avec l'aide du coach bien sûr», témoigne Jérôme Mombris.

Le coach, c'est Nicolas Dupuis. Modeste joueur dans les divisions amateurs, son palmarès inclut toutefois un champion de France Universitaire avec le STAPS Clermont, Nicolas Dupuis est entraîneur-joueur de l' AS Yzeure (CFA) lorsqu'il devient sélectionneur des Barea en 2016.

Désormais, il y aura un avant Dupuis, où "il y avait un quota de quatre ou cinq expatriés. Le reste, c'était des joueurs locaux et comme il n'y avait pas de championnat à Madagascar, c'était compliqué. On ne faisait pas jouer les meilleurs joueurs malgaches".

Eric Rabesandratana, pilier de l'équipe de France Espoirs au milieu des années 90 et capitaine du PSG, s'en souvient : après avoir connu une petite sélection avec Madagascar lors d'un match amical contre Toulouse, "le sélectionneur de l'époque avait décidé de ne plus prendre les binationaux. C'est une déception parce que j'ai demandé la double nationalité à deux reprises. Et à chaque fois, ils ont perdu le dossier."

Puis, il y a l'après Dupuis. Faneva Ima raconte : "J’ai d’abord cherché à savoir qui avait des origines malgaches, notamment chez les Réunionnais. Thomas (Fontaine, défenseur de Reims), ça a été le déclic, c’était après Sao Tomé en 2017 (tour préliminaire des qualifications de la CAN 2019). J’ai parlé au coach des joueurs que j’avais contactés. Il fallait tous les ramener si on voulait réussir un truc. Je lui ai dit de faire revenir Lalaina (Nomenjanahary, Paris FC) et Anicet (Andrianantenaina, Ludogorets, Bulgarie) aussi. Marco (Ilaimaharitra, Charleroi, Belgique), lui, a des parents 100% malgaches. Thomas est arrivé en juin 2017, suivi de nombreux autres. Jérémy (Morel) aussi dernièrement".

A ce duo se joint Lova Ramisamanana qui crée alors l'association Alefa Barea. Le début de son aventure avec les Barea date d'octobre 2017 lors des matchs préparatifs contre l'Ouganda. "Je me souviens que certains joueurs ont dû prendre le taxi toute la nuit, car ils avaient un match de championnat le soir, pour arriver à Roissy à 7h, raconte-t-il. Certains ont dû se battre contre leurs présidents de clubs qui ne voulaient pas les libérer. D’autres ont perdu leur place de titulaire au retour car ont préféré partir en sélection au lieu de rester au club. On a passé toute la nuit au téléphone avec le coach Nicolas Dupuis, Andriatsima Faneva Ima et Hermann De Souza pour bâtir une équipe compétitive. Depuis ce jour là, j’ai vu la motivation, la fierté, le dévouement de nos joueurs pour porter le maillot national et défendre nos couleurs. Nous avons tout de suite enchaîné contre les Comores, le match qui a permis de bâtir l’équipe d’aujourd’hui avec les retours d’Ibrahim Amada, Anicet Abel Andrianantenaina et de Lalaina Nomenjanahary ainsi que l’arrivée de nouveaux joueurs dans la sélection : Jérôme Mombris, Marco Ilaimaharitra et Melvin Adrien. 6 des 11 titulaires des Barea d’aujourd’hui ont donc commencé à jouer ensemble face aux Comores. Ce match m’a confirmé que nous avons une équipe vraiment redoutable et qu’il fallait tout faire pour qu’elle se qualifie à la CAN. C’est pourquoi je n’ai pas hésité une seule seconde à m’investir entièrement dans ce pari fou avec tout ce que cela impliquait. A commencer par l’utilisation de mes fonds propres pour assurer le budget : les billets d’avion, l’hébergement, la restauration et même le salaire des baby-sitters afin que certains joueurs puissent venir en sélection. Et j’ai pu compter sur l’aide des partenaires lors des matchs contre le Togo et le Kosovo".

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Lova Ramisamanana et Nicolas Dupuis.

Ima Faneva et Nicolas Dupuis ont également mis les mains à la poche. Selon Ima Faneva, "pour les qualifications de cette CAN 2019, on joue au Soudan (9 juin 2017, 3- 1). On n’avait pas de maillots d’entraînement, ce qui n’est pas grave. Mais le jour du match, ils étaient différents! Après notre victoire, j’ai appelé la Fédé: “On ne peut pas jouer avec des maillots ou des shorts différents, des chaussettes trouées !” J’ai eu l’idée de vendre des maillots pour récolter des fonds. J’ai trouvé un magasin en Autriche qui les fait pour 29€ la pièce avec le flocage. J’en ai vendu 1 000 en France à 40€, donc on a récupéré plus de 10 000€. Et grâce à ça et d’autres sponsors ou des cagnottes, j’ai pu acheter survêtements, chaussettes, maillots, K- Way, sacs à dos… J’avais même pensé organiser un concert à Paris ".

La Fédé se méfie un peu de ce joueur qui se mêle de tout au lieu de jouer à la baballe comme les autres. Et grande gueule avec ça. "On voulait avoir le minimum, un petit hôtel correct, une bonne bouffe et un minimum d’équipements", disait-il avant de révéler : " la Fédération était venue avec des accompagnateurs et leur donnait 400€ à chacun. Et à nous? Rien".

C'est ainsi qu'en octobre 2018, certaines personnes à la Fédération ont exprimé le souhait de voir partir Faneva Ima, Nicolas Dupuis et l'association Alefa Barea si l'équipe  perd ou fait un match nul en Guinée équatoriale. Les Barea gagnent (1- 0) et l'aventure pouvait continuer ! Faneva Ima est un habitué de tels ostracismes. "Certaines personnes nous ont menacé de ne pas envoyer notre fils jouer à l’étranger", témoigne sa mère en racontant ses débuts.

Premier qualifié pour la CAN 2019, premier de son groupe devant des géants comme la Nigéria et la Guinée, les Bares ne s'inclineront qu'en  quart. Une épopée qui a valu à l'équipe d'être accueilli en héros à leur retour au pays.

Lova Ramisamanana résume ainsi ce parcours épique des Barea : "malgré les difficultés rencontrées... je suis très fier d’avoir contribué à cette réussite. Mais ma contribution est minime par rapport aux sacrifices des joueurs, qui percevaient une prime de présence de 100€ par rassemblement là où les plus modestes sélections percevaient 200€/jour de présence par de la part de leur Fédération. Malgré tout, ils ne se sont jamais plaint car ils jouent pour l’honneur du pays. Je me souviens même avoir promis 2 seaux de KFC comme prime de victoire contre l’Ouganda, mais rien que ça nous avait rendu heureux".

Quid de l'avenir ? Nicolas Dupuis demeure philosophe : "aujourd'hui l'équipe nationale est l'arbre qui cache la forêt. Si on ne se remet pas au travail (à la Fédération), alors dans deux ans il n'y aura plus d'équipe, dans quatre ans encore moins... Mon rôle est de tirer la sonnette d'alarme et dire aux responsables, attention il y a beaucoup de choses à changer à Madagascar".

Randy D.

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La maison natale de Pascal Bapasy Razakanantenaina à Majunga témoigne du conte de fée Barea.