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19/03/2019

Démocratie et liberté de la presse

Paru dans le numéro 002 "Demokrasia", le magazine du Haut Conseil pour la Défense de la Démocratie et de l'Etat de Droit (HCDDEMadagascar, HCDDED, Demokrasia, Randy DonnyD).

L’information et la communication ne doivent être réduits à la seule dimension commerciale. L’espace de l’information et de la communication doit être organisé de manière à permettre l’exercice des droits et de la démocratie.

Madagascar, HCDDED, Demokrasia, Randy Donny

Qui possède, donc contrôle,  quoi dans l’espace de l’information et de la communication à Madagascar ?

La liberté de la presse est l'un des principes fondamentaux des systèmes démocratiques qui repose sur la liberté d'opinion et la liberté d'expression.

L’espace de l’information et de la communication doit être organisé de manière à permettre l’exercice des droits et de la démocratie. Il doit préserver et renforcer nos capacités à affronter les défis de notre temps, à anticiper notre destin commun et à rendre possible un développement durable prenant en compte les droits et intérêts des générations futures.

L’information fiable est une condition de l’exercice de la liberté d’opinion, du respect des droits humains en général et des processus démocratiques, notamment la délibération, l’élection, la prise de décision et la redevabilité. L’intégrité du processus démocratique est atteinte quand des informations susceptibles de l’influencer sont manipulées.

C'est pour toutes ces raisons qu'une Déclaration internationale sur l’information et la démocratie a été publié lundi 5 novembre 2018, soit soixante-dix ans après l’adoption à Paris de la Déclaration universelle des droits de l’Homme. Elle a été rédigée pendant deux mois par une Commission présidée par Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF), et Shirin Ebadi, lauréate du prix Nobel de la Paix. La Commission était composée de 25 personnalités de 18 nationalités, parmi lesquels les lauréats du Nobel Amartya Sen, Joseph Stiglitz et Mario Vargas Llosa, la lauréate du prix Sakharov, Hauwa Ibrahim, et également de spécialistes des nouvelles technologies, d’anciens dirigeants d’organisations internationales, de juristes et journalistes dont Abdou Diouf et Francis Fukuyama.

Ce texte de six pages précise les garanties démocratiques pour la liberté, l’indépendance, le pluralisme et la fiabilité de l’information, dans un contexte de mondialisation, de digitalisation et de bouleversement de l’espace public. Il a déjà le soutien de 12 chefs d’État et de gouvernement (Emmanuel Macron - France, Justin Trudeau - Canada, Macky Sall - Sénégal, Beji Caid Essebsi - Tunisie, Carlos Alvarado - Costa Rica - Erna Solberg - Norvège, et Alain Berset - Suisse, entre autres). Les membres de la Commission lancent un appel pour que “ les dirigeants de bonne volonté de tous les continents se mobilisent en faveur des modèles démocratiques et d’un débat public ouvert dans lequel les citoyens peuvent prendre leurs décisions sur la base de faits. L’espace global de la communication et de l’information, qui est un bien commun de l’humanité, doit être protégé en tant que tel, afin de favoriser l’exercice de la liberté d’expression et d’opinion en respectant les principes de pluralisme, de liberté, dignité et tolérance.

Selon Christophe Deloire, “ la démocratie connaît une crise profonde qui est aussi une crise systémique de l’espace public : (...) rumeurs, désinformation érigée en modèle, affaiblissement du journalisme de qualité, violence parfois extrême contre les reporters… Au-delà de ces phénomènes, il est de notre responsabilité de considérer les causes structurelles et de prendre les mesures appropriées (...) car les démocraties, ouvertes, subissent de plein fouet ces bouleversements, tandis que les régimes despotiques en tirent profit”.

L’espace de l’information et de la communication doit garantir la liberté, l’indépendance et le pluralisme de l’information. Ce bien commun a une valeur sociale, culturelle et démocratique. A ce titre, il ne saurait être réduit à sa seule dimension commerciale.

Le contrôle politique sur les médias, l'assujettissement de l’information à des intérêts particuliers, l’influence croissante d’acteurs privés qui échappent au contrôle démocratique, la désinformation massive en ligne, la violence contre les reporters et l’affaiblissement du journalisme de qualité, menacent l’exercice du droit à la connaissance. Toute tentative de limiter abusivement cet exercice, par la force, la technologie ou le droit, est une violation du droit à la liberté d’opinion.

Les journalistes agissent en complète indépendance à l’égard de tous les pouvoirs comme de toutes influences abusives, politiques, économiques, religieuses ou autres. Toute atteinte aux principes d’indépendance, de pluralisme et d’honnêteté de l’information, de la part d’autorités publiques, de propriétaires ou d’actionnaires, d’annonceurs ou de partenaires commerciaux de médias, est une atteinte à la liberté de l’information.

La fonction sociale du journalisme est d’assurer un rôle de “tiers de confiance” des sociétés et des individus. Elle crée les conditions de l’équilibre des pouvoirs et rend possible la pleine participation des individus à la société. Elle a pour but de rendre compte de la réalité, de la révéler de la façon la plus large, la plus profonde et la plus pertinente possible pour favoriser l’exercice du droit à la liberté d’opinion.

Madagascar occupe la 54e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse publié par RSF en 2018.  

23/01/2019

"Gilets jaunes" : des matières à réflexions pour Madagascar

Le mouvement de contestation, lancé en réaction à la hausse du prix des carburants à la fin octobre, s'est élargi à la critique des taxes en général et de la baisse du pouvoir d'achat en France. Pour preuve : une liste contenant une quarantaine de revendications allant de l'augmentation du smic au retour au septennat, a été envoyée jeudi 29 novembre aux médias et aux députés. Une liste hétéroclite, qui illustre la variété des revendications des "gilets jaunes". Nous en avons retenus 5 qui peuvent faire l'objet d'un sujet de réflexions pour Madagascar.

gilets jaune, Madagascar, Randy Donny

  • "Zéro SDF : URGENT." C'était une promesse de campagne d'Emmanuel Macron. Deux mois après son élection, en juillet 2017 à Orléans (Loiret), il avait assuré ne plus vouloir "personne dans les rues d'ici à la fin de l'année", relève "Le Parisien". Promesse manquée pour un pays qui comptait 141 500 personnes sans domicile fixe en 2012, selon les derniers chiffres de l'Insee. Emmanuel Macron a d'ailleurs reconnu son échec lors de ses premiers vœux aux Français, le 31 décembre 2017.

    Ceci signifie tout simplement que l'an-dafy n'est pas le paradis. Il y existe plein de 4'mi comme à Madagascar. Mais que chez eux, au moins, les dirigeants reconnaissent leurs échecs.

  • "Les prix du gaz et de l'électricité ayant augmenté depuis qu'il y a eu privatisation, nous voulons qu'ils redeviennent publics et que les prix baissent de manière conséquente." Aujourd'hui, l'Etat détient 83,7% du capital d'EDF et 23,64% d'Engie.

    Qui a parlé de la privatisation de la Jirama déjà ? Voyez ce qui se passe dans les autres secteurs : la privatisation de la télécommunication et du pétrole a-t-il conduit à une baisse des prix, un meilleur service et un concurrence saine ?

  • "Fin de la hausse des taxes sur le carburant." 

    Idem. Mais on y ajoute : fin des subventions aux opérateurs pétroliers et aux transporteurs sous prétexte de combler leur pertes (sic) suite à la fixation des prix !

  • "Favoriser le transport de marchandises par la voie ferrée."

    A le bonne heure ! Qui a arrêté le transport du carburant par voie ferrée déjà à Madagascar ? Et qui en a profité ?

  • "Interdiction de vendre les biens appartenant à la France (barrage, aéroport…)"En 2015, l'Etat a cédé 49,99% du capital de l'aéroport de Toulouse (Haute-Garonne) à Casil Europe, une holding française créée par le groupe d'Etat chinois Shandong High Speed Group et le fonds d'investissement hongkongais Friedmann Pacific Asset Management. L'année suivante, 60% des parts des sociétés Aéroports de Lyon et Aéroports de Nice-Côte d'Azur ont été cédés à des consortiums menés par Vinci et le groupe italien Atlantia. Et début octobre, l'Assemblée a voté la loi autorisant le gouvernement à engager la privatisation d'Aéroports de Paris en 2019. 

    Si ce n'est pas le cas à Madagascar, ça y ressemble !

05/11/2018

Démocratie à Madagascar : beaucoup d’apôtres, mais pas assez d’actes.

Le Haut Conseil pour la Défense de la Démocratie et dMadagascar, HCDDED, Randy Donny, démocratiee l’Etat de Droit (HCDDED) est opérationnel administrativement depuis mars 2018, mais ses membres étaient déjà prêts depuis 2016 avec les premières élections des différents représentants devant le composer. Pour faire connaître que le HCDDED est dans la place et compte bien y rester pour se constituer en observatoire et balise aux éventuelles atteintes aux libertés publiques et aux principes démocratiques de manière indépendante, cet organe constitutionnel a sorti un magazine qui se présente également comme un laboratoire d'idées. En voici un exemple, une réflexion sur le processus démocratique à Madagascar.

S’il y a un mot dont tout le monde se prétend fervent défenseur à Madagascar, c’est bien celui de démocratie. A tous les échelons de la société, et à la moindre occasion, chacun s’en affirme militant et s’en proclame porte-flambeau. Mais concrètement, cette adhésion affichée par les mots ne se traduit pas nécessairement dans les actes. En effet, on constate au quotidien le grand écart entre principes démocratiques et applications pratiques, du haut en bas de la pyramide des citoyens. Coup d’Etat au nom de la démocratie ; déclarations sécessionnistes au nom de la démocratie ; « fake news », calomnies et insultes sur les médias sociaux au nom de la démocratie ; occupations de la voie publique par les marchands de rue au nom de la démocratieetc. La classe politique connaît parfaitement les principes de la démocratie quand elle est dans l’opposition, mais elle a tendance à être frappée d’amnésie quand elle accède au pouvoir.Il importe donc de se donner une compréhension commune du concept, pour tenter de comprendre ce dont on parlevraiment quand on évoque le mot. En effet, trop occupés à revendiquer les droits, beaucoup de Malgaches oublient les devoirs et obligations inhérents à la démocratie.

La démocratie, il faut bien plus que des élections.

Définir la démocratie n’est pas chose aisée. Parmi les nombreuses définitions possibles, nous avons retenuecelle du Prix Nobel d’économie Amartya Sen quidécrit la démocratie comme « la possibilité pour tous les citoyens de participer aux discussions politiques et d'être ainsi en mesure d'influencer les choix concernant les affaires publiques »(Sen, 2006, p. 12).

Dans l’édition 2002 de son Rapport mondial sur le développement humain (PNUD, 2002, p. 4), le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) a précisé en six points les critères d’un régime démocratique :un système de représentation, avec des partis politiques et des groupes de défense d’intérêts qui soient opérationnels ; un système électoral garantissant des élections libres et non entachées d’irrégularités, ainsi que le suffrage universel ;un système d’équilibre reposant sur la séparation des pouvoirs, avec une branche judiciaire et une branche législative indépendantes ;une société civile active, à même de contrôler les actions du gouvernement et des entreprises privées, et de proposer des modes différents de participation politique ; des médias libres et indépendants ; un contrôle effectif des civils sur l’armée et les autres forces de sécurité. Chacun évaluera en son âme et conscience la performance de Madagascar sur chacun de ses points.

Les élections sont donc importantes, mais elles ne sont pas suffisantes pour déterminer du caractère démocratique d’un régime. La mise en avant de l’existence d’élections pour prétendre que la démocratie existe, sans chercher à considérer les autres aspects, reflète ce que Terry Karl qualifie d’ « électoralisme fallacieux »(fallacy of electoralism)(Diamond, 1997, p. 9). Il est donc nécessaire de faire la distinction entre « démocratie électorale » et « démocratie libérale ». Clarke et Foweraker invitent à opérer une distinction entre les conceptions minimaliste (« thin ») et maximaliste (« fat ») de la démocratie. Le niveau minimaliste se limite à une seule caractéristique institutionnelle, comme par exemple la compétition électorale, tandis que le niveau maximaliste s’attache à embrasser une large vision de la démocratie dans laquelle les institutions, les processus et les conditions de libertés civiles et de droits politiques permettent une réelle compétition pour le pouvoir  (Masunungure Eldred (Ed.), 2009).

L’illustration 1, œuvre du dessinateur de presse Aimé Razafy, reflète les lacunes du système électoral telles qu’il les voyait à Madagascar en 1992, et quela société civile continue jusqu’à présent d’évoquer dans ses interventions.

Madagascar, HCDDED, Demokrasia, Randy Donny

Illustration 1. Un système électoral à la fiabilité limitée (auteur : Aimé Razafy, 1992).

La pratique discutable de la démocratisation par voie de crise.

Rappelons que du fait de leur caractère insatisfaisant par rapport aux normes démocratiques, il y a une volatilité extrêmement rapide des acquis d’une élection à Madagascar. Philibert Tsiranana, élu en janvier 1972 par 99,78% des voix, est renversé par la rue en mai de la même année. Didier Ratsiraka, réélu au premier tour des élections de mars 1989 par 63% des voix pour un troisième mandat, doit faire face à une grave crise à partir de juin 1991.  Albert Zafy, élu par 66% des voix en février 1993, doit quitter le pouvoir suite à une procédure d’empêchement votée en 1996 par une Assemblée nationale. Marc Ravalomanana, réélu par 53% des voix en 2006, est balayé par la crise au premier trimestre 2009. Une élection peu convaincante ne produit donc pas de légitimité durable. Quatre crises politiques violentes en cinquante-huit ans d’indépendance républicaine : l’histoire politique du pays nous jette à la face les conséquences d’élections dont les résultats ne s’imposent pas à tous.

Nous définirons une crise politique violente comme une « Situation de rupture du contrat social que les institutions ne sont plus capables de gérer, et dans laquelle au moins une des parties en présence utilise la violence de façon répétée pour faire triompher une cause politique telle que l’accès ou le maintien au pouvoir ».

L’illustration 2, œuvre du dessinateur de presse Aimé Razafy reflète son soupçon sur les véritables motivations des crises politiques : l’accès aux bénéfices (symbolisé par un festin) que permet une arrivée au pouvoir.

Madagascar, HCDDED, Demokrasia, Randy Donny

Illustration 2. L’arrivée au pouvoir grâce à une crise politique permet de « manger » (Aimé Razafy, 1992).

De 1960 à 2015, à une seule exception près (Norbert Ratsirahonana), tous les chefs d’État qui ont exercé le pouvoir à Madagascar ont eu directement ou indirectement affaire à une crise violente, soit pour arriver au pouvoir, soit pour le quitter, ou même pour certains d’entre eux, dans les deux cas. Ainsi, sur cette période, aucun Président élu n’a pu terminer son mandat ou sa série de mandats octroyé(e) par les élections. Soit il a été renversé par la rue, soit un événement imprévu a raccourci son mandat et a débouché sur une Transition ou un transfert de pouvoir dans des conditions extraconstitutionnelles.

Certes, toutes les alternances n’ont pas été violentes. Il y a en effet eu des cas d’alternance paisible, mais qui se sont produits hors du cadre constitutionnel : désignations (soit sous forme de transmissions de pouvoir ou de votes dans un cercle restreint), ou bien par le biais d’élections ayant elles-mêmes clôturé une transition générée par un épisode violent (crise politique ou assassinat). Les arrivées au pouvoir du Professeur Zafy et de Hery Rajaonarimampianina rentrent dans ce dernier cas, et ne peuvent donc pas être considérées comme desalternances électorales paisiblescaractérisant « aujourd’hui les démocraties qui fonctionnent » (Quermonne, 2003, pp. 8-9).

Il n’y a donc eu qu’une seule alternance démocratique paisible à Madagascar durant les 55 premières années d’indépendance républicaine : celle de 1997 entre Norbert Lala Ratsirahonana et Didier Ratsiraka, ce dernier étant vainqueur d’une élection à laquelle le chef d’Etat sortant participait. Mais M. Ratsirahonana était un chef d’Etat désigné, et non élu. Par conséquent, durant ces 55 ans, aucun chef d’Etat arrivé au pouvoir par le biais d’une élection n’a été en mesure de remettre le pouvoir à un opposant arrivé au pouvoir par les urnes.

Comment évaluer la démocratie malgache ?

Au-delà des idéologies partisaneset des arguments de propagande qui ouvrent un boulevard à une compréhension à géométrie variable de la démocratie, il faut souligner que celle-ci peut se mesurer par le biais de certains indicateurs. Pour tenter d’apporter un regard objectif sur le sujet, nous proposerons trois graphes couvrant au moins une décennie pour nous éclairer sur la question.

La figure 1 est produite à partir des données du projet Varieties of Democracy (V-Dem) mené par l’Université de Gothenburg en Suède. L’index de démocratie libérale reflète la réponse à la question suivante : « Dans quelle mesure l'idéal de la démocratie libérale est-il atteint ? ». Dans la conception du projet V-DEM, « le principe libéral de la démocratie souligne l’importance de la protection des individus et les droits des minorités contre la tyrannie de l'Etat et la tyrannie de la majorité ». Sur une échelle de 0 à 1 (1 étant la meilleure note), on constate que la crise de 2009 a annihilé tous les acquis de la transition de 1991-1993 en matière de démocratie libérale. En effet, elle a aggravé la baisse constatée dans les années précédentes et a ramené le niveau de Madagascar à la même note qu’en 1975 (0,10).

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Figure 1. Index de démocratie libérale à Madagascar (source : https://www.v-dem.net)

La liberté de la presse est considérée comme un bon indicateur de la démocratie. La figure 2 illustre le rang de Madagascar dans le classement établi par Reporters sans Frontières. On y observe que le meilleur rang est celui de 2003, qui voit Madagascar être dans les 50 premiers depuis que ce classement existe. Malheureusement, ce rang va se détériorer progressivement dès l’année suivante, jusqu’à la 134ème place engendrée par le coup d’Etat de 2009.

Madagascar, HCDDED, Demokrasia, Randy Donny

Figure 2. Classement de Madagascar en matière de liberté de la presse

(source : Reporters sans frontières).

Enfin, la figure 3 illustre l’évolution de l’Index de démocratie pour Madagascar, tel qu’établi par The Economist Intelligence Unit. Parmi les quatre régimes possibles (régime autoritaire, régime hybride, démocratie imparfaite, démocratie totale), Madagascar n’a jamais pu dépasser le statut de régime hybride. Les années 2009 à 2012 ont même été les pires depuis que ce classement existe.

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Figure 3. Evolution de l’Index de démocratie pour Madagascar (source : The Economist Intelligence Unit).

Ces indicateurs permettent de constater que Madagascar a encore du chemin à parcourir avant de pouvoir prétendre être une démocratie complète. Toutefois, ils permettent également de mesurer les nombreuses avancées depuis 1960, malgré certaines périodes de recul.

Il faut mettre fin à la « démocratie-vitrine ».

En 1994, dans l’enthousiasme de l’arrivée au pouvoir du Professeur Albert Zafy, Jaona Ravaloson écrit ceci : «Au moment où, dans plusieurs pays, la transition démocratique renouvelée et redynamisée par le discours de la Baule patine, la réussite du cas malgache pourrait-elle lui donner un second souffle et une nouvelle jeunesse, selon la désormais classique théorie des dominos ? Dans tous les cas, Madagascar a apporté sa brique à la construction d’un nouvel ordre mondial, celui né des cendres de la guerre froide et de la décomposition de l’ex-empire soviétique »(Ravaloson, 1994, p. 127). La vie politique depuis l’écriture de ces lignes montre le caractère fragile des avancées dans le processus de démocratisation.

Le défi est donc de capitaliser les acquis tout en évitant les reculs. Renforcer la capacité du pays à organiser des élections crédibles et en mesure de produire des résultats qui s’imposent à tous, vainqueurs comme vaincus, est un élément fondamental de la démocratisation. Le processus doit instaurer la confiance pour éviter de prêter le flanc aux contestations, portes ouvertes aux crises post-électorales. Latension actuelle qui précède le premier tour de l’élection présidentielle de novembre 2018 doit inviter les dirigeants et les citoyens à redoubler de vigilance.Les récriminations sur les lacunes de la liste électorale ne sont pas toutes dénuées de fondement, tout comme les interrogations sur les financements de campagne électorale. Dans plusieurs cas, leur abondance pose deux questions : primo, d’où viennent les fonds ; secundo, quelle est la contrepartie ou le retour sur investissement qui est exigé par les sponsors ou investisseurs ? En l’absence d’un cadre qui permet le contrôle, la démocratie malgache ne pourra être que dénaturée par l’argent, comme le montre l’illustration 3, sous la plume de Pov.

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Illustration 3. Une démocratie qui s’écrit à coups de liasses de billets (source : Pov / l’Express de Madagascar)

Si Madagascar veut mettre fin au moule crisogène qui le prédispose depuis des décennies aux crises récurrentes, il faut que les institutions, la société civile et les médias trouvent les moyens de mettre fin à la « démocratie-vitrine », marquée par une superficialité dans laquelle les mots et les engagements envers la démocratie ne sont pas toujours suivis de faits, tant au niveau des dirigeants que des opposants. Par exemple, se baser sur des noms de baptême (république « démocratique », république « humaniste et écologiste » etc), l’organisation d’élections dans lesquelles les électeurs ne se retrouvent pas, les autoproclamations d’un statut de démocrate, ou la manipulation de dispositions pénales par l’Exécutif pour empêcher les voix discordantes. On l’a constaté depuis des décennies :de telles pratiques ne peuvent asseoir une démocratie et une légitimité durables. Améliorer cette situationest un travail de longue haleine, et surtout, une œuvre collective.Mais en a-t-on la volonté, et surtout, en a-t-on les moyens ?

Andrianirina R.

Doctorant en science politique

Institut d’Etudes Politiques Madagascar

Travaux cités

Diamond, L. (1997, Mars). Is the third wave of democratization over ?, Working Paper #236.Récupéré sur Kellogg Institute: https://kellogg.nd.edu/publications/workingpapers/WPS/237.pdf

Masunungure Eldred (Ed.). (2009). Defying the Winds of Change. Zimbabwe’s 2008 Elections. Consulté le Juillet 20, 2014, sur Konrad-Adenauer-Stiftung: http://www.kas.de/upload/dokumente//2010/05/Defying_Intro.pdf

PNUD. (2002). Rapport Mondial sur le Développement Humain. Bruxelles: De Boeck Universtity.

Quermonne, J.-L. (2003). L'alternance au pouvoir. Parid: Montchrestien.

Ravaloson, J. ( 1994). Transition démocratique à Madagascar. Paris: L'Harmattan.

Sen, A. (2006). La démocratie des autres. Paris: Payot et Rivages.

 

 

21/08/2018

Au secours, Hubris revient !

J'en ai déjà parlé il y a 5 ans. Et si on en rajoute une couche en cette période électorale ?

Les chefs d’État tiennent entre leurs mains le destin des peuples et, de ce fait, leurs décisions doivent se fonder sur un sens du jugement solide et réaliste. Mais il y a une nouvelle entité clinique dont seraient victimes certains dirigeants précisément du fait qu’ils détiennent le pouvoir. Cette maladie est le syndrome d'Hubris

Il peut être traduit par un « orgueil démesuré ». Mais le champ sémantique est beaucoup plus large : il associe narcissisme, arrogance, prétention, égotisme, voire manipulation, mensonge et mépris. Le terme renvoie également à un sentiment d’invulnérabilité, d’invincibilité et de toute-puissance, en y associant un certain pathétique. Comme le narcissisme, l’hubris désigne aussi un manque d’intérêt pour tout ce qui ne concerne pas le sujet personnellement, une absence générale de curiosité. La caractéristique principale de l’hubris est qu’il est visible de tous, sauf du principal intéressé et de ses fidèles.

Hubris, Madagascar, élection

Voici les 14 symptômes de la maladie.

1 – Inclination narcissique à voir le monde comme une arène où exercer son pouvoir et rechercher la gloire.

• 2 – Prédisposition à engager des actions susceptibles de présenter l’individu sous un jour favorable, c’est-à-dire pour embellir son image.

• 3  -Attrait démesuré pour l’image et l’apparence.

• 4 – Façon messianique d’évoquer les affaires courantes et tendance à l’exaltation.

• 5 – Identification avec la nation ou l’organisation, au point que l’individu pense que son point de vue et ses intérêts sont identiques à ceux de la nation ou de l’organisation.

• 6 – Tendance à parler de soi à la troisième personne ou à utiliser le « nous» royal.

• 7 – Confiance excessive en son propre jugement et mépris pour les critiques et les conseils d’autrui.

• 8 – Impression d’omnipotence sur ce que l’individu est personnellement capable d’accomplir.

• 9 – Croyance qu’au lieu d’être responsable devant ses collègues ou l’opinion publique, le seul tribunal auquel il devra répondre sera celui de l’histoire.

• 10 – Croyance inébranlable que le jugement de ce tribunal lui sera favorable.

• 11 – Perte de contact avec la réalité, souvent associée à un isolement progressif.

• 12 – Agitation, imprudence et impulsivité.

• 13  - Tendance à accorder de l’importance à leur« vision », à leur choix, ce qui leur évite de prendre en considération les aspects pratiques ou d’évaluer les coûts et les conséquences.

• 14 – Incompétence « hubristique », lorsque les choses tournent mal parce qu’une confiance en soi excessive a conduit le leader à négliger les rouages habituels de la politique et du droit.

09/08/2018

Combien d'années faudra-t-il pour sauver Madagascar ?

Tous azimuts, non-alignés, financements parallèles, IPPTE... Les mots à la mode se suivent et disparaissent sans demander leur reste. L'expression tendance du moment dont les politiciens s'arrachent et mettent à toutes les sauces est émergence. Qu'en est-il exactement pour Madagascar ?

Saison des élections, saison des promesses. Qui sera le meilleur dans cet exercice ? Nous étions témoin oculaire et auditif d'une déclaration sur la place du 13 mai en 2002 par un  candidat qui se battait pour ne pas faire un 2ème tour : "je me donne deux ans pour faire de Madagascar le dragon de l'océan Indien !". Andry Rajoelina, lui, affirme pouvoir rattraper le retard de Madagascar en cinq ans.  C'est un peu plus long pour Dama, dix ans. Enfin, Hery Rajaonarimampianina parle de 2030.

Tous voient en Madagascar un pays émergent. Selon la huitième édition de la note de conjoncture économique de Madagascar par la  Banque Mondiale, Madagascar enregistre une croissance économique à la hausse depuis cinq ans. Passant de 2,3 % en 2013 à environ 4,2 % en 2017, la croissance du PIB a constamment augmenté depuis 2013 et devrait s’établir à 5 % en 2018. L’incidence de pauvreté, basée sur un seuil de 1,90 dollar par jour et par parité de pouvoir d’achat, devrait baisser de 75 % en 2018 à 73 % en 2020.

Mais concrètement,  en matière d'émergence, Madagascar est encore classé parmi les pays "potentiels" au même titre que les Comores, l'Ethiopie et la Mozambique, selon l’Observatoire pour l’émergence en Afrique (Obema), un think tank d’experts africains.

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Mais alors, combien d'années faudra-t-il pour sauver Madagascar ? L'International Country Risk Guide du PRS Group s'est penché sur la question. Et c'est plutôt compliqué.

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On n'est prêt de sortir de l'auberge.

Vivriez-vous encore assez longtemps pour en être témoins ?

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En moyenne, un Malgache vit plus longtemps (65,5 ans) qu'un Rwandais (64,5), un Kenyan (62,1) ou même un Sud-Africain (57,4). C'est du moins selon le World Economic Forum. Alors, patience...

Randy

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Qui occupera le trône en 2019 ?