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15/10/2008

La crise expliquée aux victimes

(MFI) Pour tous ceux qui, par centaines de millions, La chute.jpgsinon par milliards, ne comprennent rien à la crise financière actuelle et se demandent ce qu’ils risquent à approcher de trop près la Bourse, un internaute imaginatif a trouvé une manière originale d’expliquer ce monde étrange.

 

Les singes et la bourse

 

L’auteur, Nadim Kalife, se présente comme un homme d’affaires, mais il est aussi un brillant économiste, qui enseigne sa discipline dans une université togolaise. Son histoire est comme un conte, qui vaut largement un cours magistral. Un de ces cours dont on sort guilleret, convaincu d’avoir tout compris, et pour toujours.

Un inconnu débarque, un jour, dans un village et annonce à ses habitants qu’il est prêt à leur acheter des singes pour dix dollars l’unité. Aussitôt, les villageois vont à l’assaut de la forêt, capturer des singes, par centaines et par milliers. Peu à peu, la population des primates s’amenuise, et les villageois doivent singe.jpgréduire la cadence.

L’inconnu annonce alors qu’il paiera désormais 15 dollars par singe. Motivés par cette nouvelle offre, les villageois redoublent d’ardeur dans la traque de ce qui reste de singes dans la forêt. Tant et si bien qu’ils n’en trouvent bientôt plus un seul. Le prix d’achat est porté à 20 dollars, mais il n’y a vraiment plus de singe dans la forêt. C’est alors que l’inconnu propose le prix de 50 dollars par unité, en prévenant qu’il va devoir s’absenter, laissant à son assistant la charge d’acheter leurs captures.

Dès lors qu’il a le dos tourné, son assistant rassemble les villageois et leur indique les cages, avec les milliers de singes que leur a achetés son patron. « Si vous le voulez, leur dit-il, moi, je vous cède ces singes à 35 dollars l’unité. Ainsi, lorsque mon patron reviendra, vous pourrez les lui revendre à 50 dollars. » Les villageois, aveuglés par la perspective de cet enrichissement facile, sortent toutes leurs économies, vendent leurs biens pour racheter les singes. Le magot encaissé, l’assistant disparaît dans la nuit. On ne le verra plus. Ni lui, ni son patron. Dans le village, rien que des singes, courant dans tous les sens. Et Nadim Kalife de conclure son histoire par un édifiant : « Bienvenue dans le monde de la Bourse ! »

Eh, oui ! Il y a quelque chose d’aventureux à vendre un singe à dix dollars, puis à le racheter à 35 dollars, en espérant le vendre une seconde fois à 50 dollars. Alors, l’on s’interroge : à quoi correspondent donc, dans le monde de la Bourse, ces singes que l’on vend et que l’on rachète à tour de bras ? Qui est cet habile inconnu, si manipulateur ? Quel est cet assistant, aigrefin d’exception ? Et qui sont ces villageois à la crédulité si ruineuse ?

 

Jean-Baptiste Placca

 

planete-des-singes.png

Je crois que je l’ai dit dans un post antérieur : j’adore « La Planète Des Singes ». C’est un film philosophique sur les conneries humaines. On ne descend pas des singes. C’est vrai. Ce sont simplement nos cousins. Mais un jour, si cela continue, on va régresser, et qui sait… planet of apes. La fin, avec les humains qui découvrent la statue de la liberté enfouie dans le sable, m’a rendu particulièrement songeur.

J’ajoute que l’on peut trouver des trucs intéressants dans la culture populaire. Tiens, j’étais étonné par un Gérard Villiers, l’auteur du hilarant SAS, qui a écrit dans un de ses romans, publié il y a environ vingt ans, que si les Blancs partent De Rhodésie, ce sera le chaos. Mugabe a confirmé sa prophétie. Idem en Afrique du Sud où la crise économique provoque un racisme inter-africain absolument honteux et où l’on se barricade dans des maisons-prisons pour éviter de mourir sous la hachette des cambrioleurs.

Avec la crise financière, il y a comme un début de fin de règne pour la civilisation occidentale. Pendant ce temps, la civilisation africaine peine à sortir de la jungle. Ne cherchez pas les raisons de nos problèmes ailleurs, elles sont enfouies en nous.

03/10/2008

« Paris-Match », le mémorial de mon temps

La vie s’arrête quand on n’est plus teenager. Après, on passe son existence à « revivre » ses tendres années. Parmi les choses qui meParis-Match Benoît XVI.jpg remémorent mon jeune âge figurent le magazine « Paris-Match ». J’ai appris à lire avec en même temps que « L’Express » et la « Sélection du Reader’s Digest ». Mon père était même abonné à son digest annuel, le volumineux « Mémorial de notre temps », que je dévorais sans jamais me rassasier. C’était avant 1975. Je commençais à peine à aller à l’école. Oui, je suis de la culture populaire. Voilà pourquoi, je me retrouve mieux dans « Rock & Folk » que dans « Les Inrockuptibles ». Je préfère me mettre en tee-shirt qu’en costume-cravate. Ce qui ne m’empêche pas, de temps en temps, d’avoir des goûts de luxe…

Ceci dit, dans l’avion qui me ramenait de Paris, je n’ai pu m’empêcher un vieux réflexe : garder les journaux que l’on propose en lecture. J’avais la chance de tomber sur le numéro de « Paris-Match » avec le pape Benoît XVI en couverture. Celui-là, je l’ai raté deux fois : je ne suis pas allé à la grand-messe aux Invalides (comme les deux bonnes sœurs malgaches photographiées par Match) alors que j’aurais pu, ni aller à Lourdes car je ne savais pas qu’un car gratuit était à la disposition des fidèles du Val d’Oise. Non, je ne suis pas catholique. Mais tout ce qui est people m’intéresse. Et le pape est une superstar à sa manière.

Paris-Match sisters.jpg

 

Je retrouvais donc le « Paris-Match » de mon enfance. Et je l’ai lu avec une passion intacte. Cela dure depuis des années. A bien y réfléchir, c’est ce genre de lecture qui m’a orienté vers le journalisme. Tiens, j’y ai même dégoté une réponse à Valiavo Andriamihaja Nasolo Frédéric (Vanf), excellent chroniqueur du reste, qui se posait la question sur la possibilité de « ouragan raciste », ici, en évoquant le désastre provoqué par l’ouragan Ike sur Haïti et non à Saint-Domingue, deux pays qui se trouvent pourtant sur une même et unique île. La réflexion n’étonne pas ceux qui connaissent le registre de Vanf. Les éléments ne font pas de discriminations entre les humains. La véritable raison est dans l’article qui suit, extrait de « Paris-Match », n° 3096, du 18 au 24 septembre 2008, p. 85.

Historique d’un désastre

La fréquence des ouragans et leurs dégâts augmentent depuis le début du XXè siècle. Les spécialistes constatent que la déforestation est un facteur aggravant car les pluies ruissellent désormais sur les reliefs sans être arrêtées par la végétation, et la nudité de la terre aggrave les effets du ruissellement. L’autre partie de l’île, Saint-Domingue, ne connaît pas de catastrophe d’une telle ampleur. Le départ des colons après les massacres de 1806 a désorganisé les plantations. L’anarchie politique persistante a empêché tout développement rationnel et suscité un défrichement sauvage. La France réclame, pour compenser la « nationalisation » des plantations, 90 millions de francs en 1825, sous la menace d’une flotte de guerre. Cette saisie aggrave encore la situation. Puis la crise de la canne à sucre, concurrencée par la betterave, affaiblit les recettes. La « perle des Antilles » était pourtant la plus riche colonie française avant 1790, grâce à la canne à sucre et à l’indigo. 1957-1986 : les Duvalier instaurent une dictature sanglante. La terreur qu’ils font régner a ravagé ce qu’il restait des forêts puisqu’elles servaient de refuges aux opposants. La terre est nue, qui fut autrefois si féconde. Deux millions d’Haïtiens fuient les massacres.

 

Haïti.jpg

Reconstitution haïtienne du « Radeau de la Méduse ».

J’ai gardé le meilleur pour la fin. Une banale critique de film (« Parlez-moi de la pluie » d’Agnès Jaoui) qui flirte avec la littérature. Quelque part, le journalisme est l’art d’intéresser les lecteurs à ses coups de cœur et, hélas aussi, à ses coups de gueule. Je n’aimerais probablement pas l’opus, comme la majorité des productions françaises, même si Jamel Debbouze est au générique, mais j’ai flashé sur le commentaire. C’est comme manger dans un restaurant gastronomique : la longueur de l’intitulé des menus est inversement proportionnelle à la quantité proposée. Mais qu’est-ce que c’est poétique. Rien qu’en les lisant, on n’a déjà plus faim. Avant-goût.

Impers et manques

«Vider les placards incitent à vider les sacs… de nœuds familiaux (…) Les gens ressemblent souvent à leurs maisons de famille : les façades solides cachent des murs lézardés par de vieilles blessures causées par des tremblements de terre prénatale et des dégâts des eaux troubles de la jeunesse. Et ce sont ces petites catastrophes naturelles, ces fissures affectives qui sculptent les êtres humains. En fait, ne sommes-nous pas tus des losers magnifiques essayant simplement d’avoir la force de vivre malgré nos faiblesses ? (…) à la santé de nos existences fluctuantes comme la météo. Nous qui aspirons à posséder l’éclat du soleil, le charme rare des aurores boréales, la puissance des ouragans, l’autorité du tonnerre et l’infinité du ciel, nous nous bornons, humbles mortels, à vivre un temps variable, traversé d’éclaircies et d’averses, avec, au final, un ultime coucher du soleil sur une nuit éternelle. Alors, en attendant, on fait de notre mieux… »

Alain Spira

07/08/2008

Pourquoi le monde tremble face au réveil de la Chine

 

 

Censure, non respect des Droits de l'Homme, pollution... Les faces cachéeWeb Amnesty.jpgs de la Chine seront à la Une le temps des Jeux Olympiques. Tant mieux. Cela fera réflechir les adeptes de la pensée politique unique, deux systèmes économiques. Mais il faut simplement éviter de critiquer la Chine, comme on critique la mondialisation. L'essentiel est de comprendre et de composer avec. Le temps des rêves est fini avec la mort des idéologies. Sinon, on fera encore des détours inutiles de plusieurs années.

A l'occasion de l'ouverture des Jeux Olympiques donc, voici la Chine telle que l'on ne vous l'a peut-être pas encore dit, d'après un article de MFI.

Jeux Olympiques.jpg

(MFI) Les jeux Olympiques de Pékin seront l’occasion pour la Chine d’offrir une image de puissance et de modernité. Le développement économique de l’Empire du milieu est sans conteste impressionnant. Le pays est désormais la troisième économie mondiale. Mais les inégalités sont abyssales entre une côte Est très riche et des campagnes miséreuses. Les spécialistes redoutent l’explosion d’une bulle spéculative et immobilière. Pour certains, la pauvreté des campagnes sera un frein au développement. Jusqu’à présent, les faits ont donné tort à ceux qui prédisaient le pire pour Pékin.

La Chine est-elle désormais une superpuissance économique ?

L’Empire du milieu séduit autant qu’il effraie. Hier, il était considéré comme un vaste marché ouvert aux entrepreneurs audacieux, en quête d’une main d’œuvre travailleuse et bon marché. Aujourd’hui, il est vu comme un prédateur, dévoreur de matières premières, voleur d’emplois, responsable des délocalisations et de la hausse du prix du pétrole. Ce qui était un pays en pleine évolution redevient une dictature qui ne respecte même pas l’environnement.

Depuis qu’en 1978, feu le président Deng Xiaoping a fait le choix de « l’économie socialiste de marché », la Chine est devenue la troisième puissance économique mondiale (derrière les Etats-Unis et le Japon) avec un PIB de 3 280 milliards de dollars. « Simple retour à la normale », affirme-t-on à Pékin où l’on rappelle que la Chine a été la première puissance mondiale jusqu’en 1820 (elle représentait alors 30 % du PIB mondial), avant de rater la révolution industrielle et de sombrer dans la guerre de l’opium. Les préceptes maoïstes ont fait le reste.

Se donner le tournis avec les chiffres de l’économie chinoise est facile. Depuis trente ans, le taux de croissance est chaque année supérieur à 8 %. Il a encore été de 11,9 % en 2007, soit la cinquième année consécutive à deux chiffres. Le pays s’est transformé en un gigantesque chantier. Partout on construit des immeubles, des usines, des villes même. La Chine est le premier constructeur au monde d’autoroutes, de voies ferrées, de logements et de centrales électriques. C’est aussi le premier consommateur de ciment, de charbon et d’acier, et le 2e de pétrole. Le pays assure à lui seul 18 % de la croissance économique mondiale.

Loin des préceptes du Petit livre rouge, la consommation connaît une hausse vertigineuse. En ville, les grands magasins ne désemplissent pas, et l’image des nuées de bicyclettes a été remplacée par celle des encombrements automobiles. Grâce au développement économique, 300 millions de Chinois sont sortis de la pauvreté, et le niveau de vie moyen double tous les huit ans. En 1990, on comptait zéro carte de crédit dans le pays, 100 millions en 2001, 802 millions aujourd’hui. « Pendant longtemps, vivre à crédit était considéré comme honteux par les Chinois, qui avaient le culte de l’effort et de la parcimonie. Aujourd’hui, la consommation à crédit est tendance », souligne Jean-François Huchet, le directeur du Centre français d’études sur la Chine contemporaine.

« Allez à l’étranger », scandait Deng Xiaoping. Les entreprises chinoises l’ont compris : 8 000 d’entre elles sont présentes dans 160 pays. En 2006, les investissements chinois à l’étranger ont représenté 12,3 milliards de dollars, soit une hausse de 120 % par rapport à 2005 ; 35 % de ces investissements sont réalisés dans les hautes technologies. A l’instar de Lenovo qui a racheté la division PC d’IBM. Parallèlement, 72 milliards ont été investis en Chine en 2007 par des firmes étrangères, surtout asiatiques.

Mais dans un pays de 1,3 milliard d’habitant, le PIB/tête – 2 200 dollars officiellement – représente moins de 20 % de celui des Etats-Unis. C’est une première dans l’histoire de l’économie mondiale : un pays en développement s’est imposé comme une grande puissance.

Le miracle économique chinois est-il durable ?

La question divise les experts. A en croire l’économiste Albert Keidel, du Carnegie Endowment for International Peace : « La performance économique de la Chine n’est pas un phénomène passager. Elle dure depuis plus de vingt ans et n’a aucune raison de s’arrêter. L’économie chinoise aura dépassé celle des Etats-Unis vers 2035. » Un avis que partage Patrick Arthus, auteur de La Chine (Ed Puf) : « La Chine est plus stabilisante que dangereuse pour l’économie mondiale. C’est une économie qui se développe vite et n’a d’autres choix que d’aller de l’avant. La Chine va encore croître et surprendre ses critiques. » Jusqu’à présent, les faits ont donné tort aux Cassandre qui annoncent régulièrement un ralentissement de la croissance chinoise. Néanmoins, les contraintes sont de plus en plus fortes pour Pékin.

Comme la Corée du Sud avant elle, sa stratégie de développement repose sur des bas salaires pour exporter en masse, puis favoriser une consommation intérieure qui complète le moteur de l’exportation. La différence est que, si Séoul avait fermé ses portes aux investisseurs étrangers pour protéger les entreprises nationales, la Chine a largement ouvert sa grande muraille. Résultat : plus de la moitié des exportations du géant asiatique sont le fait d’entreprises étrangères. « Il faut distinguer les produits “made in China et les produits made by China », insiste l’économiste Johanna Melka, citée par Le Monde. En outre, l’Empire du milieu serait peu compétitif. C’est ce qu’explique Johanna Melka : « Certes, les salaires sont bas par rapport aux standards occidentaux, mais ils augmentent rapidement du fait de la pénurie de main d’œuvre. Surtout, la productivité est faible, l’administration très lourde, les salariés qualifiés peu nombreux, les infrastructures souvent obsolètes. Cela donne des coûts salariaux unitaires supérieurs à ceux de certains pays asiatiques ou sud-américains. » D’autres pointent le retard de la Chine dans la recherche et développement, son manque de marques reconnues mondialement. Ce ne serait que l’atelier du monde, pas son centre d’ingénierie. « On faisait la même critique au Japon dans les années 70, à la Corée dans les années 80. Aujourd’hui, leurs marques sont synonymes de qualité, même dans le secteur des hautes technologies », rétorque l’économiste et sinologue Roland Lew. Au demeurant, TLC et Lenovo sont des marques qui commencent à s’imposer. On trouve même des 4X4 chinois sur les routes européennes. Certes, il est de bon ton d’ironiser sur leur qualité médiocre. Mais dans dix ans ?

Quels sont les principaux risques auxquels est confrontée l’économie chinoise ?

C’est le modèle de développement chinois qui inquiète le plus les économistes. « Pékin est trop dépendant du reste du monde. 70 % de son PIB provient du commerce extérieur et des investissements. La consommation intérieure représente moins de 30 % du revenu national, contre 65 % dans les pays développés. Que l’on assiste à une récession mondiale, et la Chine va trembler sur ses bases », analyse Andy Xie, économiste à la banque Morgan Stanley.

Aujourd’hui, l’économie chinoise semble lancée dans une vertigineuse course en avant, comme si la machine s’était emballée : les entrepreneurs construisent toujours plus d’usines, de nouvelles boutiques s’ouvrent tous les jours, les promoteurs lancent chaque semaine de nouveaux programmes immobiliers. Mais si un jour, il n’y avait personne à l’autre bout de la chaîne pour acheter et consommer... Les autorités chinoises redoutent une possible surchauffe ; elles ont renchéri le crédit, freiné les émissions de liquidités et augmenté les taxes. Mais rien n’y fait. Le taux de croissance a encore été de 11,9 % en 2007 alors que Pékin tablait sur 8 %. « Le comportement du gouvernement chinois ressemble à celui d’un surfeur qui négocie la crête d’une vague. Il veut éviter une chute trop importante de la croissance, mais craint d’être emporté par la surchauffe et l’inflation », observe un économiste européen à Pékin.

La sécurité énergétique est l’un des principaux goulots d’étranglement. En la matière, les besoins sont supérieurs aux ressources. Le pays a beau importer des hydrocarbures et des matières premières du monde entier – quitte à s’entendre avec des Etats mis au banc de la communauté internationale – les coupures de courant sont quotidiennes, obligeant les usines à stopper leur production. En février dernier, une émeute s’est produite dans une station-service de la ville côtière de Ningbo. Des centaines de camionneurs et automobilistes attendaient depuis des heures de remplir leur réservoir, quand on leur a annoncé que les cuves étaient vides et ne seraient pas réapprovisionnées avant plusieurs jours.

Autre bombe à retardement : la bulle immobilière et spéculative. De luxueux complexes de bureaux et d’appartements sortent de terre toutes les semaines. Mais ils se vendent difficilement. Le soir, dans les nouvelles villes chinoises, nombre de ces tours restent plongées dans le noir, faute d’habitants. Idem pour la Bourse. Depuis septembre 2007, on compte 200 000 ouvertures par jour de comptes en action, et le pays affiche désormais 60 millions de petits porteurs. Après le jeu de go, celui de la spéculation boursière. Mais la Bourse fait des yo-yo qui pourraient ruiner des milliers de petits épargnants.

Dernière menace : l’inflation. Celle-ci a atteint 7,5 % en 2007 ; mais 18 % pour les produits alimentaires, qui représentent le tiers des dépenses des ménages chinois. Certains produits battent des records, comme l’huile de soja (+58 %) ou la viande de porc (+43 %). Additionnée à la corruption et aux inégalités sociales, cette inflation provoque la colère. Les autorités multiplient les contrôles contre les ententes illicites entre producteurs ou entre commerçants. Un contrôle des prix a été institué pour le lait et les céréales. Cela n’empêche pas des manifestations contre la vie chère d’éclater sporadiquement. En novembre dernier, dans un magasin Carrefour de Chongqing, une promotion sur l’huile de colza a viré à l’émeute, faisant trois morts parmi les clients. Le gouvernement chinois n’a pas oublié qu’en 1989, c’est la hausse des prix qui a initié le mouvement social qui a débouché sur les manifestations de la place Tianenmen.

Entre la flambée des prix alimentaires, les yo-yo de la Bourse, la multiplication des projets immobiliers, les investissements industriels sans fin, les autorités chinoises essaient d’éteindre tous les incendies potentiels. Mais dans un pays de 1,3 milliard d’habitants, elles ne peuvent pas tout contrôler.

Les inégalités sociales constituent-elles une menace sérieuse ?

Début juillet, un millier de travailleurs migrants ont attaqué, trois jours durant, le poste de police de la ville Les-jeux-de-pekin.jpgde Kanmen, au sud de Shanghaï. Objet de leur courroux : le licenciement de plusieurs ouvriers, et l’impossibilité de nombreux autres d’obtenir une carte de résident, impérative pour avoir droit à la sécurité sociale. Cet incident illustre le malaise social persistant des campagnes chinoises. Selon l’Ong Human Right Watch in China, il y aurait eu 87 000 manifestations de ce type en 2007. Les causes sont diverses : salaires impayés, confiscations de terres, fermetures de dispensaires, abus de pouvoir des autorités locales… A en croire l’économiste Johanna Melka : « La Chine est aujourd’hui le pays le plus inégalitaire du monde. Jamais depuis 1949 (année de l’arrivée au pouvoir de Mao, NDLR), les disparités de revenus n’ont été aussi grandes. »

Un rapport de la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (Cnuced) estime pourtant que le modèle chinois a su trouver un bon équilibre entre libéralisme et interventionnisme. A contrario, les recettes libérales du FMI n’ont jamais permis à un pays de sortir du sous-développement. De même, la libéralisation de l’économie chinoise en 1978 aurait permis, selon la Banque mondiale, la plus forte baisse de pauvreté de l’Histoire, puisque 74 % des Chinois vivaient sous le seuil de pauvreté en 1981 et 15 % en 2004 : 300 millions de personnes ont ainsi échappé à la misère. Néanmoins, la différence de développement est abyssale entre la côte Est et le reste du pays. A Pékin, Shanghai ou Canton, les grandes marques occidentales alignent leurs boutiques, les enseignes sont clinquantes et les automobiles toujours plus nombreuses. Mais à 3 000 km de là, dans la province du Gansu, les routes des villages ne sont pas bitumées, les maisons n’ont pas l’électricité et aucun médecin n’est présent. L’envoyé spécial du Monde se rappelle un paysan qui ne buvait que de l’eau chaude sucrée car le thé – pourtant boisson nationale – était trop cher. Les statistiques confirment ces images. Le revenu moyen des paysans est trois fois inférieur à celui des citadins. Pire : dans les grandes villes, le revenu par habitant est comparable à celui de l’Union européenne, alors que dans les régions les plus pauvres, il est au niveau de la Namibie. On est loin de la « société harmonieuse » prônée par le Premier ministre Wen Jiabao. « Non seulement les paysans chinois ne profitent pas de la croissance économique, mais ils en souffrent puisque leurs terres leur sont confisquées afin de construire des usines », ajoute Johanna Melka. Ils sont également victimes des atteintes à l’environnement du fait de l’industrialisation (voir article ci-après).

La Chine comptait un milliardaire (en dollars) en 2003, 15 en 2005 et 106 en 2007. La presse aime à dresser le portrait de ces tycoons qui roulent en Jaguar, habitent une réplique du château de Versailles et voyagent en jet privé. On parle moins des 200 millions de travailleurs migrants, les mingong : des paysans pauvres de provinces défavorisées qui tentent leur chance en ville, travaillant 18 heures par jour, 7 jours sur 7, logés collectivement dans des taudis, payés une misère, ne disposant pas de permis de résidence – le houkou – qui leur permettrait d’inscrire leurs enfants à l’école et de bénéficier d’une couverture médicale.

« Les Chinois ne souffrent pas de l’absence de liberté politique au sens où vous l’entendez en Europe, avec des partis divers, une presse libre, puisqu’ils n’ont jamais connu cette situation. Par contre, ils n’admettent pas les inégalités sociales criantes, les abus des hiérarques locaux du Parti communiste, la corruption croissante, l’impossibilité de se faire soigner ou d’inscrire leurs enfants à l’école, quand certains de leurs compatriotes vivent comme des nababs. La nouveauté est qu’aujourd’hui, ils osent manifester », souligne, dans Libération, le sociologue hongkongais Chen Xiwen.

Conscient du problème, le gouvernement chinois a adopté, en 2006, un plan de développement des campagnes qui met l’accent sur l’amélioration des infrastructures, la mise en place d’un système d’assurance sociale, la valorisation des terres. Mais ses effets tardent à se faire sentir. Selon l’économiste Andy Xie : « Alors que son taux de croissance dépasse 10% chaque année, la Chine n’affecte que 1,6% du PIB au soutien des campagnes. La priorité est là désormais car l’explosion des inégalités fragilise la poursuite du développement. »

Attaqué sur sa droite par ceux qui critiquent son libéralisme et sur sa gauche par ceux qui réclament une accélération des réformes, le Parti communiste chinois sait qu’aujourd’hui sa légitimité est l’enrichissement de la population. Celle-ci ne doit donc surtout pas connaître un coup d’arrêt.

Jean Piel

 

03/08/2008

30.000 visiteurs et un projet de société

33.170 visiteurs au 31 juillet 2008 ! Je viens d’établir un nouveau record personnel de visiteurs sur ce blog depuis sa création. A défaut d’un compteur quotidien que je n’arrive toujours pas à installer (help !), je fais l’addition des statistiques que me donne mon hébergeur, hautetfort. J’espère ne pas me tromper dans mes calculs. En tout cas, si je mens, le webmaster sévira à coup sûr.
Ceci pour dire qu’avec, parfois, des pics d’une centaine de visiteurs dans la journée, j’estime que c’est parce que quelque part, je ne dis pas que des conneries dans mes posts. J’en profite donc pour présenter urbi et orbi ici mes convictions personnelles qui vont souvent à rebrousse poil du discours officiel. Je l’ai dit, je le dit et je le dirais toujours, considérer le milieu rural, où les deux tiers de gens vivent avec moins de 1 dollars par jours, comme le moteur de développement de Madagascar est une illusion. Ma vision d’un Madagascar du futur est résumée dans cet édito que j’ai écrit en 2006. Je n’ai rien changé, ni dates ni virgules. Je fais le procès de personne. Je propose juste des solutions. Elles peuvent paraître audacieuses. Elles ont, au moins, le mérite de ne pas être démagogiques. Je n’ai pas d’électeurs à séduire. Réflexions.
Penser au changement ou changer de pansement
« Le futur a été créé pour être changé ». Qui peut donner tort à Paulo Coelho ? La question est de savoir ce que nous avons fait de notre futur. Nous sommes plus pauvres qu’au lendemain de l’indépendance. 46 ans d’aventurisme politique et d’errements économiques. Nous n’avons pas changé notre futur. Nous n’avons fait que prolonger le passé. On croit changer, nous n’avons fait que tourner en rond. La base socio-économique du pays est héritée soit de l’époque des royautés, soit de la colonisation. Elle n’est pas adaptée au contexte contemporain.
Dans certaines régions, on continue de perpétuer, parallèlement à l’Etat central, des relations de pouvoirs hérités du temps des roitelets. Une balafre sur la face d’une République démocratique. Des projets de développement en étaient victimes.
Des paysans qui vivotent sur des parcelles ultra-morcelées, héritage séculaire des ancêtres, ne pourront jamais faire face au choc de la concurrence sur l’économie de marché. Ce n’est pas pour rien que la Pologne a été priée de recycler 2 millions de petits paysans avant d’intégrer l’Union européenne.
Madagascar a été divisé en différentes régions de cultures de rente par les autorités coloniales. Depuis, rien n’a changé. Or, on sait pertinemment que le temps béni du café, du poivre et même de la vanille est révolu. Nous ne faisons que crier au scandale devant la baisse du cours des produits de rente, demandant en permanence aux Grandes puissances de penser un peu aux pauvres paysans du Sud. Mais la pratique économique n’est pas un acte de charité. La Chine l’a compris après Mao.
En plein IIIè millénaire, les paysans continuent d’ignorer superbement les banques et autres organismes de crédits pour thésauriser à travers un système financier aussi vieux que le règne du roi Ralambo : l’élevage contemplatif. On pourra tuer tous les dahalo que l’on veut, il y en aura toujours tant que voler des zébus équivaut à braquer à ciel ouvert. On estime à environ 12 milliards de Fmg ( !) la valeur des zébus définitivement perdus de 2000 à 2003, rien que dans la Haute-Matsiatra.
On rétorquera que changer tout cela n’est pas facile. Absolument. Ce n’est pas facile, comme lorsque Radama I a interdit la traite des esclaves ou comme les autorités coloniales ont décidé d’abolir l’esclavage et d’arrêter la circulation des monnaies coupées…
Les plans quinquennaux, les DSRP et autre Map resteront des jolis rêves et n’offriront que des solutions tip top tant que nous n’oserons pas divorcer avec le passé et secouer le présent. Il est temps de changer notre futur, de penser à ce changement plutôt que de changer de pansement à chaque régime.
Randy Donny in « Les Nouvelles » du samedi 15 juillet 2006, p. 3

30/07/2008

« La saga Mahaleo » vu par « Mada »

Quelques mois après sa parution en juin 2007, à l’occasion du concert à l’Olympia du groupe, le livre biograpMadajournal.jpghique sur Mahaleo est épuisé. En tout cas, il n’en reste plus que de rares exemplaires. Ceci constitue un petit exploit dans le désert de l’édition bibliographique malgache. Occupé par différents projets éditoriaux, je ne pourrais plus assurer une réédition. Je suis donc actuellement en train d’essayer de vendre ses droits pour une version « revue et augmentée ». Cela peut être une bonne affaire car le groupe pourrait encore faire l’Olympia en 2009.
Voici ce qu’en a écrit le « magazine des Malgaches de l’étranger », « Mada », en septembre/octobre 2007.   

(…) A la fois journaliste et historien, l’auteur s’est logiquement penché sur le passé pour mieux expliquer le présent. Ainsi, il relate l’épopée de Mahaleo depuis sa création jusqu’à nos jours.

Se livrer à un tel exercice est quelque peu périlleux car nul n’ignore l’itinéraire de Mahaleo, du moins dans ses grandes lignes. C’est que, le groupe compte à son actif trente-cinq ans de carrière artistique ininterrompue, une longue période durant laquelle il est toujours resté célèbre. A tel point qu’il a suscité un nombre considérable d’articles de presse, d’émissions de télévision et de radio, d’infos sur le réseau Internet et de documentaires produits sur DVD. Il a même fait l’objet d’un long métrage pour le grand écran. Voire de mémoires de fin d’études universitaires.

Dans ces conditions, l’auteur a évité d’écrire une simple chronique, rapportant des faits consignés d&ans l’ordre chronologique, qui rabâcherait des faits et événements déjà connus. Certes, le récit de l’interminable ascension de Mahaleo est relaté dans le livre. Mais ce dernier entend apporter du neuf. Pour ce faire, il fourmille également de maintes informations inédites sur les fais et gestes de Dama, Fafa, Nono, Raoul, Bekoto, Charles et Dada. Leur entente, leur brouille, leurs retrouvailles y sont rapportées. Et aussi la connivence entre les sept membres du groupe afin de préserver à la fois l’intérêt de leur formation commune et leur intérêt personnel respectif.

Dans sa préface, Randy Donny explicite longuement sa manière d’aborder son sujet. « En parlant de Mahaleo, écrit-il, personne n’est jamais allée  plus loin que les généralités. Il s’agit donc du premier travail véritablement approfondi sur l’histoire du groupe, ses origines, ses membres, son parcours avec ses heurs et ses malheurs ». Et d’ajouter : « Comme tout travail pionnier, il est tout sauf complet et définitif. Notre dessein est tout simplement de présenter une nouvelle approche du sujet, sans dithyrambe comme dans les articles de journaux, ni prétention didactique comme dans une étude universitaire. Il s’agit tout juste d’une modeste contribution aux réponses à deux questions fondamentales : quel est le secret de la popularité de Mahaleo et comment le groupe est-il parvenu à durer aussi longtemps ? ».

L’auteur conclut alors ses propos en ces termes : « Voici Mahaleo. Vous connaissez la musique. Découvrez l’histoire. Manao azafady kely tompoko fa handroso ‘ty tantara ! ». (phrase d’introduction à un récit, tirée d’une chanson en malgache de Mahaleo).

Une telle invitation ne peut qu’inciter à la lecture du livre. Un livre dont la parution constitue par ailleurs une première. C’est que, aussi curieux que cela puisse paraître, La saga Mahaleo est le premier véritable ouvrage sur le célèbre groupe malgache. En matière d’édition, il n’y a eu jusqu’ici que quelques petites brochures consacrées à ce dernier. L’ouvrage de Randy Donny, édité en format livre de poche, remplit donc un vide.

En guise d'illustration, appréciez ce clip glané sur YouTube de Chrisrala, une jolie jeune femme aux mains d'argent.