Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

11/12/2009

2009 : une crise de l'élite

Pour commencer, une dernière : connaissez-vous la raison de l'extinction des dinosaures ? On les a retenus dans une réserve au Mozambique !

Il ne reste plus que quelques jours avant que ne 2009 rende son dernier souffle. Inutile de regarder en arrière pour constater que 2009 était pour Madagascar une "année spéciale crise". Comme des enfants, ces messieurs qui se disent nos dirigeants (passé, présent et futur) se sont accusés de tous les maux. "Ce n'est pas moi, c'est lui qui a commencé !", affirme l'un. "Non, c'est lui. Il ne veut pas rendre mon jouet. C'est lui le responsable", retorque l'autre. Ces guéguerres de récré comme dans une classe de Maternelles est illustratif du fait que la crise cyclique que traverse Madagascar depuis 1972 est avant tout une crise de l'élite.

Société civile démissionnaire, média incapable d'assurer correctement son rôle de 4è pouvoir, dirigeants qui se servent dans la caisse de l'Etat depuis 1960 - le plus gros hold-up du siècle, un nombre restreint de familles qui monopolise les deux mamelles de la République (finances et politiques)... Les "avara-pi" (intellos) sont finalement les principaux fossoyeurs de la démocratie à Madagascar. Surtout ne pas dire que la crise de 2009 est la cause de la pauvreté de Madagascara alors qu'elle n'en est qu'une conséquence. La principale raison se trouve dans nos pauvres têtes. Jacques Morisset.jpg

Une intéressante étude,"Pour que la terre tourne... aussi à Madagascar : vers un agenda de relance économique", soumis par Jacques Morrisset, économiste de la Banque mondiale, éclaire encore mieux sur les raisons du retard économique de Madagascar depuis l'indépendance. J'en publie en bas des extraits. La version complète est ici.

Depuis 1980, il n'y a que 7 pays en développement qui ont reporté une croissance de leur revenu par habitant moindre que Madagascar, et encore tous ces pays ont souffert de guerres (civiles et régionales) de longue durée.

Une simple comparaison avec l'Ile Maurice suffit à illustrer que l'écart du revenu par habitant entre ces deux pays est passé de 2,7 en 1980 à plus de 15 en 2008. L'écart se creuse également avec le reste de l'Afrique qui ne se caractérise pas non plus par son succès. Le déclin économique de Madagascar n'est donc pas un phénomène récent ; il s'est simplement précipité avec la crise politique qui a éclaté au début 2009.

Les causes du déclin économique malgaches sont donc à rechercher dans des facteurs et comportements structurels et pas seulement conjoncturels.

Au cours de ces dernières années, Madagascar a entrepris un certain nombre d'efforts sur ces deux canaux de la gouvernance. Cependant, ces efforts ont été incomplets, menant à une tension de plus en plus grande pour aboutir à la crise politique du début 2009, qui doit être interprétée avant tout comme une crise de gouvernance. En effet, les bailleurs de fonds avaient interrompu leur aide budgétaire en décembre 2008 à la lumière de la mauvaise utilisation des fonds publics et du non-respect des procédures budgétaire pour l'achat de l'avion présidentiel de 60 millions de dollars ainsi que des exonérations fiscales accordées aux entreprises du Président Ravolomanana. En fait, à la fin de l'année 2008, il était reporté que 4 malgaches sur 10 n'étaient pas satisfaits de la manière comment fonctionnait la démocratie dans leur pays (Enquête Afrobarometer, 2009)

La crise politique actuelle n'est pas indépendante des nombreux dérapages qui se sont accumulés en matière de gouvernance au cours de ces dernières années à Madagascar.

La prépondérance de l'Exécutif n'est pas un phénomène nouveau à Madagascar, mais il s'est accéléré au cours de ces dernières années à travers une série de mesures dont les plus visibles sont rappelées ci- dessous.

- Le budget de la Présidence s'est multiplié par 10 entre 2003 et 2008, passant de 10 milliards à 133 milliards d'Ariary. Cette hausse illustre non seulement le poids grandissant de la Présidence dans le budget mais aussi dans les prises de décisions économiques. Cet interventionnisme est devenu aussi apparent à travers le nombre de conseillers qui s'est multiplié au sein de la Présidence au détriment des circuits institutionnels de décision.

- Les conflits d'intérêt se sont aggravés au cours du temps, jusqu' à la suspension de l'appui budgétaire en décembre 2008 à cause du manque de transparence quant à l'achat de l'avion présidentiel avec les fonds publics et l'usage abusif d'exonérations fiscales pour les entreprises appartenant au Chef de l'Etat.

- La présence dans le cabinet et à la direction des agences de l'Etat du personnel dirigeant des sociétés privées appartenant au Chef de l'Etat.

- Le contrôle du pouvoir législatif par le parti présidentiel s'est accentué, jusqu'à que ce dernier détienne 82% des sièges de l'Assemblée nationale après les élections législatives de 2007. Cette mainmise faisait suite à la dissolution de l'Assemblée par décret en 2007 et à la modification controversée de la loi électorale qui a réduit l'importance des régions les plus peuplées et traditionnellement favorables à l'opposition dans les listes électorales.

- Le remplacement des provinces par les régions, qui s'inscrivait en principe dans un effort d'accélérer et de rationaliser les processus de décentralisation politique et budgétaire, mais qui a mené à une centralisation politique car les chefs de régions ont été directement choisis par le Chef de l'Etat.

La concentration du pouvoir politique et économique autour de la Présidence s'est trouvée exacerbée par le nombre limité de personnes et de familles qui composent l'élite ou l'aristocratie politique dans un pays comme Madagascar. Les réseaux sont existants, façonnant les relations entre les agences gouvernementales, entre le pouvoir exécutif et législatif, et entre le secteur public et privé. A titre d'exemple, il peut être montré qu'une dizaine de familles détiennent traditionnellement les postes les plus importants au sein de la Banque centrale, les banques commerciales et le Ministère des Finances. Une remarque néanmoins s'impose : la concentration du pouvoir autour du Président Ravolomanana s'est en partie faite au détriment de cette élite traditionnelle, politique et financière, qui s'est ainsi trouvée de plus en plus frustrée, provoquant une partie des réactions qui ont mené à la crise politique.

A terme, les inégalités économiques, surtout lorsque la concentration du pouvoir s'accentue de plus en plus et les systèmes de recours n'existent pas, conduisent aux ruptures brutales qui caractérisent la vie politique à Madagascar. Ces ruptures se manifestent parfois à travers des coups d'Etat, parfois la résistance civile. Dans tous les cas, elle précipite le pays dans une grave crise économique, avec une hausse de la pauvreté et de la vulnérabilité.

Mendiant.jpg

La crise tarde à trouver une issue car l'équipe de Andry Rajoelina est composée de mendiants et autres kleptocrates qui vivent, par le biais de la politique, au crochet des aides étrangères. Voilà pourquoi, au lieu de garder tout seul le ballon et foncer droit au but tout seul comme un grand, le gouvernement de la Transition a vite capitulé face aux exigeances des bailleurs de fonds pour un "retour à la constitutionnalité" (?) Jacques Morrisset explique cette promptitude à flatter la croupe des bailleurs de fonds et éviter ainsi de se faire botter le cul par une raison : les aides extérieures sont des "mannes" dans un désert de moralité ou chacun cherche à s'enrichir sur le dos de nos enfants, ceux qui vont rembourser les emprunts dans 50 ans.

L'aide étrangère est en partie perçue comme une « manne venue du ciel », à savoir que l'argent ne vient pas directement de la poche des contribuables ce qui affaiblit leur devoir de vigilance. Ce comportement est encore plus vrai lorsque l'aide prend la forme de dons. Dans ces conditions, les décideurs politiques ne sont pas seulement faiblement redevables par rapport à leurs constituants mais ils sont encore encouragés à limiter les flux d'information et à affaiblir les organes internes de contrôle. A nouveau, la faiblesse des systèmes d'information et de contrôles est manifeste à Madagascar ce qui donne un certain poids à cet argument.

Il peut aussi être argumenté que les bailleurs de fonds ont manqué à leur devoir de vigilance à Madagascar, notamment en matière de leur appui budgétaire.




04/12/2009

Des sorciers de Madagascar au chevet de la névrose de la France

Qu’est-ce qui unit Sylvie Vartan, MC Solaar, Nicolas Sarkozy et 90% de l’équipe de France de foot ? Ils sont tous issus de l’immigration. Le « Nouveau français » est arrivé, chante Amel Bent qui annonce les couleurs. Aux (l)armes, citoyens ! formez vos bataillons de résistance, se scandalisent les conservateurs qui veulent monopoliser la liberté, l’égalité et la fraternité. Les enfants des colonies, et d’ailleurs, envahissent la mère-patrie comme autrefois les Français, et les autres, lorsqu’ils ont envahis l’empire colonial. C’est la revanche des fils du Sud d’où je viens. Les Arabes n’ont pas été arrêtés à Poitiers. La France est devenu black blanc beur. Jusque dans ses mœurs. Ne dit-on pas que dans chaque Sarkozy sommeille un Africain ? L’inverse est aussi vrai, bien sûr. Le bling-bling et l’affaire Epad l’attestent. La France en arrive à avoir la migraine. Voire une dépression. Au point de s’étaler sur le divan universel, le net, pour se soigner. Un site web gouvernemental lance le débat sur l’identité nationale française. Le comble est que les psychanalystes (les modérateurs) y sont des tradi-praticiens Malgaches. Jusqu’ici, le « tambavy » est plutôt amer. Le « mpamadika palitao » (versatile –une tradition politique malgache NDLR), Eric Besson, déplore ainsi que des toxines ont été détectés dans les premières analyses : propos racistes et xénophobes… La France est mal partie.Identité nationale.JPG

Le Grand Débat sur l'Identité Nationale donne du travail jusqu'à MadagascarOA.jpg

C'est sympa d'avoir pensé aux pauvres gens du tiers monde Monsieur Besson !
Et oui, imaginez qu'il y a eu environ 35 000 commentaires sur le site. Sachant qu'il faut environ 5 minutes pour "modérer" un commentaire, c'est à dire, pour le lire, l'évaluer et prendre la décision de la valider ou non (suivant des critères assez obscurs)...
Le temps de travail pour l'ensemble des messages est donc de: 35 000 x 5 = 175 000 Minutes, soit 15 583 heures. En comptant les temps de pause (+10%): environ 16 500 heures, soit 2 062 jours. Ou encore près de 7 années de travail !!!

De "source sûre", nous avons appris que ce travail est sous-traité à une équipe de 3 personnes à Madagascar payées à raison de 100€ par mois.
D'ailleurs comment faire autrement?
A Madagascar, cela coûtera au total 8 400 € (hors marge et commissions) tandis qu'en France, il faudrait compter environ 20 fois plus, soit 168 000 € (toujours sans commission). En comptant maintenant la marge commerciale et les diverses commissions que l'on peut évaluer raisonnablement à + 200% voire + 300% dans le cas de l'opération Madagascar, le coût total de la modération du Grand Débat sur l'Identité Nationale se monte entre 25 200€ et 33 600€.
Certains salueront la bonne gestion des fonds publics de Monsieur Besson (si ce travail avait été réalisé en France, cela aurait coûté environ 250 000 à 350 000€, soit dix à quinze fois plus!) mais ce serait sans doute sans vouloir voir d'autres réalités : l
es organisateurs de débat se sont vantés publiquement de mettre en oeuvre un "logiciel français" libre, à savoir SPIP. Ce logiciel a été conçu et réalisé par des développeurs bénévoles, français pour la plupart mais dont certains étaient "sans papiers". Jamais ces développeurs n'ont été payés pour leur création. Ils ne l'ont d'ailleurs pas réclamé car ils ont fait cela pour la beauté du geste comme c'est la tradition dans le logiciel libre.
Ainsi à la manière de n'importe quelle entreprise privée astreinte au profit, les organisateurs du Grand Débat sur l'Identité Nationale ont réduit les coûts de production. Ce faisant, ils ont bradé la matière grise locale (celle des développeurs libres qui n'ont pas été rémunérés) et délocalisé les tâches plus manuelles.
Qui a gagné de l'argent et du pouvoir au passage ?
Et bien les intermédiaires et les politiques dont Monsieur Besson qui ont organisé la grande manipulation
d'opinion dont chacun peut contempler les résultats aujourd'hui : insinuations racistes, appel au repli sur soi, etc.

OA

11/11/2009

Il reste encore des murs à faire tomber

Quand on me parle de mur de Berlin, j'ai surtout en souvenirBerlin.JPG les images que j'ai vu, étant enfant, dans le "Mémorial de Notre Temps" de "Paris-Match" dont j'ai redécouvert les tomes empilés sur un... lit de la maison familiale lors du week-end de Toussaint. Parmi ces images figurent celui de ce soldat est-allemand de 19 ans qui franchissait les barbelées de Bernauer-Strasse pour rejoindre sa fiancée restée à l'Ouest. C'était le mardi 15 août 1961.

Le mur n'est plus. Mais le plus honteux des murs est toujours là. Dans la tête des gens. Comme l'apartheid. Ou la crise à Madagascar

(MFI) Quoi que vous ayez fait, vous n'y avez pas échappé ! La commémoration du vingtième anniversaire de la chute du Mur de Berlin est une affaire planétaire. Et l'Afrique ferait mieux d'en tirer sa part d'enseignements, plutôt que de se contenter d'admirer le spectacle.

Dès décembre 1989, au Bénin, le général Mathieu Kérékou, à bout de souffle, accepte de mettre fin au parti unique, et donc au marxisme-léninisme qu'il impose alors comme religion d'Etat. La conférence nationale des forces vives, qu'il concède, en février 1990, le dépouille de toutes ses prérogatives. C'est donc au cœur des bouleversements engendrés par la chute du Mur qu'est née la démocratie béninoise, aujourd'hui une des plus crédibles d'Afrique francophone.

Que dire de la fin de l'apartheid ? Certes, le régime ségrégationniste était déjà bien affaibli par les sanctions internationales. Mais il a fallu que surgisse, à Pretoria, un Gorbatchev sud-africain (Frederik De Klerk), pour faire comprendre aux siens que l'horizon était bouché pour tout système politique reposant sur l'oppression des hommes. Dans le sabordage de l'apartheid, le premier acte posé par De Klerk est la libération de Nelson Mandela, en février 1990

Un homme qui n'a cédé sur aucune revendication de son peuple

Voir cet homme sortir libre, après vingt-sept ans, sans avoir cédé sur une seule des revendications de son peuple, galvanise les foules, d'un bout à l'autre du continent. Et c'est dans ce contexte que François Mitterrand tient, le 20 juin 1990, son fameux discours de La Baule, conditionnant le soutien et l'aide de la France à la démocratisation. Les populations africaines se sentent autorisées à défier les dictateurs, et cela fait quelques jolis dégâts.

Les conférences nationales se succèdent alors, avec plus ou moins de bonheur. Mobutu, Bongo, Houphouët-Boigny, Eyadéma, les plus redoutables des dinosaures parviennent à sauver leur peau. Mais au Bénin, en Centrafrique, au Congo Brazzaville, à Madagascar, au Mali et au Niger, les élections se soldent par une alternance. Un record, tout simplement inimaginable, aujourd'hui ! Et vingt ans après, tout cela laisse un amer goût de paradis perdus, avec de douloureuses désillusions.

Ce vingtième anniversaire de la chute du Mur aurait dû être une occasion, pour chaque peuple, d'apprécier ce qu'il a fait de ces vents favorables, qui étaient autant d'opportunités historiques ; de s'interroger sur sa capacité à saisir l'Âme du temps, non pas en singeant les autres, mais en s'inspirant de leurs expériences, pour tirer le meilleur de son génie propre. C'est en cela que le silence de l'Afrique, à ce moment précis, est consternant.

Jean-Baptiste Placca



 

20/10/2009

Liberté de la presse : Madagascar perd 40 places !

De la 94è place en 2008, Madagascar chute à la 134è place dans le classement 2009 de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières. La période qui a fait l'objet du classement s'étale de 2008 à 2009.

AFRIQUE
Entre crises politiques et violences, les journalistes africains à la merci de l'instabilité du continent

La Corne s'enfonce, Madagascar et le Gabon chutent, le Zimbabwe progresse

Cette année encore, la Corne de l'Afrique a été la région du continent la plus touchée par les atteintes à la liberté de la presse. L'Erythrée (175e), où aucun média indépendant n'est toléré et où trente journalistes sont emprisonnés, soit autant qu'en Chine ou en Iran, malgré une population infiniment moins nombreuse, se maintient au dernier rang mondial, pour la troisième année de suite. Quant à la Somalie (164e), qui se vide progressivement de ses journalistes, elle est le pays le plus meurtrier du monde pour la presse, avec six professionnels des médias tués entre le 1er janvier et le 4 juillet.
L'année 2009 a confirmé que, dans certains pays africains, la démocratie repose sur des bases solides et que le respect des libertés y est garanti. Dans d'autres pays, en revanche, les crises politiques et l'instabilité ont porté des coups très durs au travail des journalistes et des médias.
A Madagascar (134e) par exemple, qui perd cette année quarante places, les médias ont été pris au piège de l'affrontement entre le président déchu Marc Ravalomanana et le président de la Haute Autorité de transition, Andry Rajoelina. Censures, saccages et désinformation ont été à l'origine de la dégringolade de l'île, où un jeune journaliste a été tué alors qu'il couvrait une manifestation populaire. Au Gabon (129e), le black-out médiatique instauré par les autorités sur l'état de santé d'Omar Bongo avant sa mort et le climat délétère entourant l'élection présidentielle du mois d'août ont sapé le travail de la presse. Le Congo (116e) enregistre un recul de vingt-quatre places, principalement en raison de la mort encore mystérieuse du journaliste d'opposition Bruno Jacquet Ossébi et du harcèlement subi par plusieurs correspondants de la presse étrangère lors du scrutin présidentiel du 12 juillet. Enfin, si en Guinée (100e) la situation a pu sembler relativement calme au cours de l'année, les événements tragiques du 28 septembre et les menaces explicites adressées actuellement aux journalistes par les militaires nourrissent de vives préoccupations.
Certaines transitions ont été moins préjudiciables à la liberté de la presse. L'élection du général Mohamed Ould Abdel Aziz en Mauritanie (100e) s'est déroulée sans incident majeur pour la presse, même si l'incarcération d'un directeur de site Internet entache l'image du pays. En Guinée-Bissau (92e), les assassinats du chef d'état-major des forces armées puis du président Joao Bernardo Vieira ont certes entraîné la coupure temporaire de quelques médias et provoqué la fuite de plusieurs journalistes inquiétés, mais le recul reste mesuré.
Les Etats où la violence fait rage stagnent dans le dernier tiers du classement. Le Nigeria (135e) et la République démocratique du Congo (146e) vivent au rythme des agressions et des arrestations arbitraires. A Bukavu, chef-lieu du Sud-Kivu, deux journalistes de radio ont été assassinés.
En raison d'un renforcement du contrôle de l'information à l'approche des élections de 2010 - suspension temporaire de médias locaux et internationaux, condamnation de journalistes à des peines de prison -, le Rwanda (157e) n'en finit pas de sombrer. Il vient talonner le "Koweit de l'Afrique", la Guinée équatoriale (158e), où le seul correspondant de la presse étrangère a passé près de quatre mois en prison pour "diffamation".
En Afrique de l'Ouest, Mamadou Tandja et Yahya Jammeh, les chefs d'Etat nigérien et gambien, se sont disputé la plus mauvaise place. Celle-ci revient finalement au Niger (139e), qui perd neuf places, alors que la Gambie (137e) paye, une fois de plus, l'intolérance de son Président, lequel n'a pas hésité à envoyer en prison les six journalistes les plus réputés du pays avant de multiplier les insultes et les provocations publiques à leur égard.
Au Zimbabwe (136e) semble enfin se desserrer l'étau qui pesait sur la presse. L'enlèvement puis l'incarcération scandaleuse, pendant de longues semaines, de l'ancienne journaliste Jestina Mukoko, ternit le tableau, mais l'annonce par le gouvernement d'union nationale, cet été, du retour de la BBC, de CNN et du quotidien indépendant The Daily News est évidemment porteur d'espoir.
Enfin, le peloton de tête reste le même qu'en 2008, avec le Ghana (27e), le Mali (30e), l'Afrique du Sud (33e), la Namibie (35e) ou encore le Cap-Vert (44e) parmi les cinquante premiers pays les plus respectueux de la liberté de la presse. Fort d'une alternance démocratique réussie avec l'élection, en janvier 2009, de John Atta-Mills, successeur de John Kufuor, le Ghana a ravi la première position africaine à la Namibie, où une journaliste sud-africaine a dû passer une nuit en garde à vue avant d'être relâchée contre le paiement de deux cautions.

Reporters sans frontières / Reporters Without Borders

14/10/2009

Crise politique, vanille et Chine : le triangle des Bermudes qui fait disparaître les bois de rose

Dénonciations, pétitions, révélations… Le pillage des ressources naturelles du Nord de Madagascar est en tête des infos émanant de Madagascar parallèlement à la crise politique. MFI en parle dans l’article ci-dessous. J’en profite pour apporter une petite explicationBois de rose.jpg préalable.

Ce trafic a toujours eu lieu avec la complicité du pouvoir en place, même sous Ravalomanana. Mais avec la Transition, il a enclenché la vitesse supérieure. La nature ayant horreur du vide, la déliquescence du pouvoir a permis à des trafiquants de tous poils de trafiquer du bolabola en toutes impunités. Mais il y a aussi la rapacité de certains dirigeants, telles ces deux chefs de régions qui ont donné le feu vert au trafic avec la bénédiction, semble-t-il, de Mahazoarivo.

D'un autre côté, il y a également une autre cause qu’il ne faut pas minimiser : la baisse du prix de la vanille. Fortement concurrencée par les productions océaniennes, notamment de la Papouasie où des techniciens malgaches veillent au développement d’une culture vanillière favorisée par un climat plus adéquat ; plombée par les pratiques malhonnêtes de certains exportateurs, essentiellement d’origine chinoise, qui mélangent des vanilles « aux normes » avec d’autres non commercialisables et boudées, enfin, par des importateurs qui ne viennent plus par crainte d’insécurité, la vanille malgache voit sa cote chuter sur le marché international. Résultat : les revenus des paysans de la Sava diminuent. Pour joindre les deux bouts donc, ils grossissent par dizaine de milliers le rang des abatteurs d’essences précieuses dont regorge la forêt du Masoala.

Autrement-dit, crier au scandale est un bon début. Encore faut-il trouver également une solution à ce problème économico-social qui prend la population du Nord de Madagascar à la gorge. Pire, le trafic continuera, même si on aura trouvé une solution aux problèmes locaux, tant que le bois de rose trouve preneur à l’étranger. En Chine pour être plus précis. Voilà pourquoi, malgré les interdits et tous les accords du monde, on continue d’abattre les éléphants et les rhinocéros, que l’on continue à vider nos réserves halieutiques et que l’on massacre au Darfour…

(MFI) A Madagascar, la coupe et l’exportation illégales du bois de rose sont toujours des activités florissantes. Ce trafic dévastateur reste possible pour cause d’instabilité politique, qui rend les gouvernements successifs incapables de tenir leurs engagements.

Au début du mois d’octobre, affaire rocambolesque dans les eaux territoriales et portuaires de Madagascar : un navire chargé d’une cargaison de bois de rose, qui devait quitter la Grande île, a finalement été bloqué. Le bateau est arraisonné à Tamatave après avoir quitté en douce le port de Vohémar, dans le nord de l’île, d’où s’échappe une bonne partie du bois de rose illégalement coupé à Madagascar. Selon des sources bien informées, ce sont près de 10 000 tonnes de ce bois précieux qui auraient été exportées depuis le début de 2009. Une plateforme malgache, Voahary Gasy, regroupant 27 associations locales, réclame d’ailleurs l’arrêt de « la destruction » organisée « des ressources naturelles et de la biodiversité de Madagascar ».

Ces chiffres sont officieux. Car officiellement, l’équipe précédemment au pouvoir avait donné en janvier 2009 une dérogation exceptionnelle portant sur un volume maximal de 1 500 tonnes de bois soi-disant « cycloné », c’est-à-dire d’arbres abattus par la tempête. Ce commerce illégal, dévastateur pour l’environnement, devait ensuite enfin prendre fin. Mais avec le flottement provoqué par l’instabilité politique, une douzaine d’exportateurs sont passés à la vitesse supérieure. Sortir 20 tonnes de bois de rose de la forêt pour le charger dans un conteneur au port coûte 50 000 dollars. Le ticket de sortie qui permet d’exporter, c’est-à-dire le bakchich, a été négocié à 30 000 dollars, selon une source proche du milieu du négoce. Les principaux clients, les Chinois de Hong Kong, sont prêts à payer in fine 220 000 dollars le conteneur.

 

Une manne pour les finances publiques

 

Comme les précédents, le gouvernement aujourd’hui sur le départ a tenté de mettre un terme à cette hémorragie. Dernière décision en date du 21 septembre : une nouvelle dérogation exceptionnelle pour 335 conteneurs. Moyennant le paiement d’un impôt extraordinaire de 72 millions d’ariarys, soit 35 000 dollars par boite. Pour les finances publiques exsangues, cette manne est la bienvenue. Ayant déjà acquitté de copieux pots-de-vin, des exportateurs ont cru pouvoir s’affranchir de cet impôt. D’où le voyage rocambolesque du bateau affrété par CMA-CGM et aujourd’hui arraisonné à Tamatave : 91 conteneurs de bois de rose ont été débarqués, dont une douzaine n’avait même pas été déclarée aux autorités portuaires. La course contre la montre pour ramener le bateau vers les côtes malgaches à coup d’ordre et de contre-ordre des autorités locales aura duré trois jours. C’est maintenant au Premier ministre du gouvernement de transition, Eugène Mangalaza, nommé le 10 octobre, de gérer ce dossier et de mettre si possible un terme à un pillage bien rodé.

Dominique Baillard