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10/10/2017

Y a-t-il un chef dans l’avion ?

Ce n’est pas cauchemar en cuisine, mais parfois, c’est cauchemar à 30.000 pieds ! A force de voler dans les airs, l’idée m’est venue de comparer les menus servis à bord où l’excellence alterne avec turbulences.

Voici donc le top chef, ou plutôt top 7 des meals servis à bord des compagnies aériennes avec lesquelles j’ai volé au moins deux fois, sauf pour KLM Royal Dutch.

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Ce n'est pas parce qu'on a tout mangé qu'on a apprécié !

Comme dans les concours de cuisine, mettons un peu de suspens en commençant avec la dernière. Bien évidemment, comme les couleurs,  on peut discuter de mes goûts.

 

  1. Egyptair.

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Le samoussas détient le record du monde de grosseur, mais aussi celui du mauvais goût. Excusez du peu mais c’est dur et ça sent le pétrole. N’en déplaise à MampiraySolofoniaina. Comme la distance entre Johannesbourg et La Caire (et l’inverse) est assez importante, on finit par tout ingurgiter. Mais ceci ne signifie pas qu’on a apprécié.

 

  1. Kenya Airways.

madagascar,klm royal dutch airlines,air madagascar,air france,kenya airways,airlink,egyptair,turkish airlines,top chefLorsque l’hôtesse ou le steward vous dit de choisir entre l’œuf (« egg ») et la poule (« chicken ») n’hésitez pas à choisir la seconde option. L’œuf en question n’a pas de goût, sa consistance fait douter de son origine naturelle et le « beef » (viande de zébu) qui l’accompagne est carrément infecte. Du coup, si une autre fois l’on vous demande si vous voulez du « beef » avec des pâtes, n’hésitez  pas : refus catégorique.  De quoi devenir végétarien ? Et bien non, ne touchez même  pasaux légumes, c’est encore pire ! Heureusement que la confiserie, muffin ou (et surtout) la tarte à l’orange, est une tuerie ! Et le thé, tout droit venu des plantations du Rift Valley, est divin !

Ceci dit, Kenya Airways propose un cure-dent couplé avec un fil dentaire qui s’avère très pratique. 

 

  1. Turkish Airlines.

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Kenya Airways aurait pu avoir un meilleur classement, mais la différence s’est fait avec le service. Le personnel à bord semble avoir perdu le sourire à jamais et leur caqueterie en cuisine indispose pour peu qu’on soit placé à l’arrière de l’appareil.

Du coup, Turkish Airlines entre directement dans le top 5. Il faut reconnaître que côté quantité, c'est assez appréciable. Et du bon café en plus !

 

  1. Airlink.

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Roulades de jambon (plusieurs !), fromage et confiseries... La compagnie sud-africaine sait gâter ses clients qui le lui rendent  bien. Pour traverser le Canal de Mozambique sans trop de nostalgie, c'est agréable.

 

  1. KLM Royal Dutch Airlines.

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Parfois, il n’est pas nécessaire d’avoir tout goûté pour avoir une idée de la qualité générale. Entre Amsterdam et Paris, deux mini roulés au fromage ont failli nous amener à dire à la compagnie de prolonger le voyage tellement c’était délicieux. Même l’eau minéral est exceptionnellement rafraîchissant. La compagnie porte bien son nom. 

 

  1. Air Madagascar

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Cela fait un bon bout de temps que je n’ai plus voyagé avec la marque au ravinala, mais ma mémoire gustative ne retient que de bons souvenirs. Un bémol toutefois, les produits servis à bord du « voron-tsara dia » doit être estampillés exclusivement made in Madagascar. Car il me semble que ce n’est pas toujours le cas. Ce qui est dommage pour une compagnie nationale.

 

  1. Air France

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La compagnie cocorico fait honneur à la réputation de l’Hexagone. A bord de ses avions, on n’y mange que du bon. Et des produits bien français en plus. Vin, beurre, viennoiserie… Il n’y a rien à dire, on ne risque pas d’y mourir de faim à force d’éviter des aliments immangeables.

 

Voilà. J’ai aussi voyagé sur d’autres compagnies aériennes, mais à une époque où je n’ai pas encore songé à faire cet exercice de comparaison.  Mais si mon palais n’a pas retenu de mauvais souvenirs du vol du SAS Airlines, entre Paris et Copenhague en 2000, ou encore Bulgaria Air, ce que manifestement, j’y ai passé du bon temps… à table.

Randy D.

13/09/2017

Dans ma bibliothèque, quand Tananarive d’hier ne diffère pas de celui d’aujourd’hui

Tâches douteuses et feuilles jaunies.  J’adore les vieux livres. Les bouquinistes d’Ambohijatovo le savent car c’est ce que je cherche quand j’y fais un tour. Mais il n’y a pas qu’Ambohijatovo. A Ampefiloha, devant le lycée éponyme, un vendeur de livres d’occasion étale ses marchandises à même le trottoir. « Cela fait fort longtemps qu’il se trouve là», me dit mon chauffeur.  Je lui ai déjà acheté plusieurs livres dont un Coran (!). Au vendeur de livres, pas à mon chauffeur…

Cette fois-ci, c’est un vieux bouquin écrit par un certain Pierre Enim en 1929 et publié chez Hachette en 1932. J’ai marchandé, prétextant que « personnes d’autres ne s’y intéresserait, à part moi ». Je culpabilise un peu. Si ça se trouve, c’est peut-être son seul revenu de la journée. Et je me permets de grignoter encore…

Sitôt entré dans ma voiture, je lis le livre d’un seul trait. Comme à mon habitude. Et comme d’habitude, je ne suis pas déçu. J’adore les livres anciens. Ceci est une petite annonce pour ceux qui en possèdent et qui veulent s’en débarrasser.

Pierre Enim est inconnu au bataillon des auteurs « vazaha » ayant écrit sur Madagascar sous la colonisation. Sans titre-1.jpgMais c’est vraisemblablement un magistrat ayant exercé à Tananarive et qui a visité Antsirabe. C’est du moins ce qui ressort de ses récits et des amis qu’ils fréquentent.

Dans ce livre, il brosse un portrait sans complaisance d’un Madagascar qui s’avançait par lui-même vers la modernité avec son drapeau, sa littérature  et ses ordres de chevalerie, mais dont l’indépendance a été stoppée nette par la colonisation française.

Pierre Enim débarque dans un Tananarive de 800.000 âmes que trente-trois ans d’occupation française dite « vigoureuse » (sic) n’ont pas apportées que le progrès. Les filanzanes ont « disparu de la ville (et) ne sont plus que curiosités de musée et sujets de timbres-poste », mais les rues demeurent toujours poussiéreuses.

« Sur les trottoirs, d’immenses caisses municipales à ordures publiques, caisses sans fond ni couvercle, remplies à toute heure, attendant pendant vingt-quatre heures, à l’air libre, le passage de la charrette collectrice. C’est par nuées, à l’enlèvement, à la pelle, de leur contenu, qu’en sortent mouches vertes et insectes ailées de toutes sortes », écrit-il avant de continuer un peu plus loin : « dans le creux des ruisseaux, l’eau stagne avec des détritus  de toutes sortes sans que jamais le balayeur public n’y passe son balai. Celui-ci, d’ailleurs, par la forme plate qu’il a généralement, n’est pas fait pour ce nettoyage-là ».

Sans titre-2.jpg

Si le fantôme de Pierre Enim revient à Madagascar 85 ans après, il constatera que pas grand-chose n’a pas changé de ce côté. Pas plus que dans l’usage du français. Selon lui, « les  trois quarts des malgaches du peuple de la ville, jeunes et vieux, non seulement ne parlaient pas le français, mais encore ne le comprenaient pas  (…) Vous croyez, vous Français de la Métropole, comme je le croyais, moi-même, avant mon arrivée à Madagascar, que, dans les écoles primaires indigènes, publiques tout au moins, les classes se faisaient en français ? Erreur. Les classes se font en malgache et les pédagogues – des malgaches – sont, pour les neuf dixièmes, complètement ignorants des mots les plus usuels de notre langue. Voilà pourquoi, l’ancien écolier de l’école indigène ne sait parler et écrire que sa langue originelle, le malgache ».

Voilà de quoi apporter de l’eau au moulin des partisans du « fanagasiana ». En tout cas, Pierre Enim n’a pas mis du temps pour comprendre toutes les ficelles du parler (on non) malgache : « Han, han, han » vous répondent-ils quand vous vous adressez à eux en langue de Molière, ce qui signifie, suivant les circonstances : « Je ne sais rien… passez votre chemin… vous m’importunez. »

Réaliste, Pierre Enim se rend à l’évidence : « un pays conquis conservant la langue de ses ancêtres ne sera jamais un pays absorbé par son conquérant ». Mieux : visionnaire, il annonce les prochaines révoltes anticoloniales pilotées par les anciens combattants, ceux qui, en combattant pour la France durant la première guerre mondiale, ont pris conscience que les blancs ne sont pas invincibles. Biberonnés aux discours sur la liberté, l’égalité et la fraternité, ils réalisent à leur retour au pays que tout ceci n’est que coquilles vides à Madagascar.

Pierre Enim est un des rares colons à avoir fustigé l’indigénat. « A l’encontre du droit (j’allais dire du bon sens) il se produit ceci à Madagascar : le Malgaches, enfant de sa terre est, chez lui, un homme sans patrie existante (…) Quoique Gallieni eut dit (J. O. du 3 mars 1897) après avoir déporté sa dernière à la Réunion : « La France vous considère, maintenant, comme ses propres enfants », l’indigène, mis en marge de la patrie françaises, est demeuré indigène, comme si l’indigénat était une nation, un Etat ».

Ainsi, conclut Pierre Enim, « peut-on, allégrement, comme pour un peuple inculte, assujettir à ses lois un peuple civilisé, un peuple conscient, un peuple à histoire et à coutumes ? Ne porte-t-il pas, toujours, au fond du cœur, ce peuple-là, l’amertume de la perte de sa nationalité ? n’y garde-t-il pas, en même temps, la haine de son conquérant, surtout quand ce conquérant a eu la maladresse, au lieu d’essayer de l’assimiler, de le traiter toujours en conquis ? Et n’est-il pas à craindre qu’un beau jour, cette haine-là n’éclate, brutale, sanglante ? (…) Au début de la guerre, après la défaite de Charleroi et la descente, à Bordeaux, du Gouvernement, alors que, dans le monde, on croyait la France perdue, une organisation secrète d’intellectuels malgaches, pour l’autonomie du pays, la V.V.S. (Vy vato Sakelica, Fer et pince sous le bras) n’avait-elle pas déjà commencé à soulever le peuple contre les Européens, ne projetait-elle pas de les faire rejeter du pays ?

L’avenir seul répondra de notre politique, l’avenir, c’est-à-dire la levée de la 2è ou de la 3e génération des Hovas, conquis, et pas plus » .

On verra effectivement par la suite qu’à la tête de la rébellion de 1947 se trouvait des démobilisés  d’une autre guerre mondiale, la  2è

Non, ne nous trompons pas. Comme Laborde, il ne faut pas prendre Pierre Enim comme il n’est pas. C’est toujours un « vazaha » qui pense « vazaha » et qui émet des réflexions dans l’intérêt des « vazaha ».

« Si Madagascar était anglais, belge ou allemand, depuis les trente ans que nous y sommes, il « rendrait » des milliards et compterait une population blanche de quarante mille habitants. Sa population indigène serait d’un chiffre double de son chiffre actuel et sa population métisse d’un chiffre triple », philosophe-t-il.

En 1929, Madagascar comptait 3 millions d’habitants dont 10.000 « vazaha ».

Après la lecture de l’ouvrage de Pierre Enim, on constate que Madagascar fait du sur place depuis un siècle ! Toujours spolié par « des peuples du dehors » (sic) et terrorisé, à l’intérieur, par des « dahalo ».

« Les Tontakelys sont des bandes armées de pillards qui, encore aujourd’hui (1929), dans les régions de l’île non pourvues de postes militaires ou de brigades de police, se ruent dans les villages qu’ils mettent à sac, souvent à sang ».

Comme ce « aujourd’hui (1929) » sonne d’actualité !

Randy

06/08/2017

Dans le Top 3 des blogs malgaches

Ceci est une occasion pour réparer un malentendu émanant de la jeune génération : je suis un journaliste qui tient un blog et non un blogueur devenu journaliste !

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Le journaliste-bloggeur

Comme le soutient Lova Randriatavy dans son rapport d’étude sur “L’impact de la structure de propriété des médias sur le travail du journaliste » (pour le compte de Friedrich Ebert Stiftung, 2012), « Certains journalistes de la presse écrite échappent aux restrictions de leur organe de presse en écrivant en même temps dans d’autres types de supports médiatiques (ex : presse en ligne) pour exprimer librement ces opinions. Il existe d’autres astuces pour contourner les limitations à la liberté d’expression : s’exprimer dans des blogs sur internet est un meilleur moyen d’émettre ses opinions étant donné qu’aucune législation ne régit encore ce domaine à Madagascar ». Il apparaît ainsi que les blogs servent aux journalistes à livrer leurs propres opinions, et dans une certaine mesure, pour s’affranchir de la ligne éditoriale de l’organe de presse étant donné que le blog fait aussi partie des autres types de supports médiatiques cités par Lova Randriatavy.

Toutefois, cette présence de quelques journalistes demeure minime, sachant que l’effectif total des journalistes en exercice à Madagascar est de 1200 environ. Ce frein au développement du journalisme-blog peut se justifier, en partie, par l’avènement de la loi sur la lutte contre la cybercriminalité, qui est la nouvelle législation en la matière. En effet, le journalisme-blog devait son intérêt, dans une certaine mesure, par un vide juridique qui partant, favorisait la liberté d’expression via les systèmes et réseaux informatiques. Ce type de journalisme connaît aussi les mêmes obstacles liés au taux de pénétration d’Internet à Madagascar.

Parmi les bloggeurs-journalistes malgaches les plus connus figurent : Jeannot Ramambazafy (directeur de rédaction du site Madagate), Randy Donny (journaliste freelance) et Rivonala Razafison (journaliste scientifique).

Rivonala.blogspot.com

Rivonala Razafison s’est vu décerner le Prix de reportage sur la biodiversité ou BDRA 2007 organisé par Conservation International et ses partenaires, alors qu’il était journaliste de la presse écrite «Le Quotidien». Le blog de Rivonala Razafison aborde principalement les questions environnementales, avec des articles d’approfondissement et spécifiques sur la biodiversité, la déforestation, le changement climatique, la santé, la vulnérabilité, et la conservation. Le blog se veut être une modeste contribution à la promotion du journalisme scientifique à Madagascar. Les articles sont publiés en langue française, mais les interventions ne sont pas régulières. Ainsi, le dernier article mis sur le blog remonte à 2015.

Jeannotramambazafy.overblog.com

Jeannot Ramambazafy se fixe comme objectif, à travers son blog, de promouvoir le développement culturel et social de Madagascar. Le blog est davantage utilisé comme espace où le journaliste s’exprime régulièrement sur les différents événements ayant trait à la politique interne et pour élargir son audience. La langue utilisée est le malgache essentiellement, avec quelques alternances avec le français pour évoquer certains concepts. Rappelons que Jeannot Ramambazafy est le directeur de rédaction de Madagate.org.

Randydoit.hautetfort.com

Randy Donny est enseignant de formation de l’Ecole Normale Supérieure, historien-géographe et journaliste par passion, ancien de la Fondation Journalistes en Europe (Paris). Le blog de Randy Donny est l’espace où il essaie de partager son point de vue avec ses visiteurs, notamment sur des questions d’ordre politique, mais également sur des aspects moins formels comme le shopping et les genres musicaux. L’auteur publie des articles et des photos à un rythme non régulier, à deux semaines d’intervalle en moyenne.

18/05/2017

Ultime bafouille pour Christian Chadefaux

Il est mort un 3 mai, journée de la liberté de la presse. Il a beaucoup donné pour la presse et la liberté.

Christian Chadefaux était mon chef, mon mentor (du malgache "manorotoro", aurait dit Xhi & Maa, nos amis communs). C'est lui qui m'a accueilli à "L'Express" en 1996. Avec lui, il n'était pas nécessaire de faire une conf'réd quotidienne pour sortir un journal que les lecteurs vont s'arracher. Chaque journaliste sait ce qu'il doit faire et part chacun de son côté à la chasse aux scoops. Pendant nos huit années d'Ankorondrano, il n'a cessé de faire augmenter substantiellement mon salaire chaque année alors que d'autres se plaignaient de faire du sur place. 

Il était arrivé à Madagascar  à 17 ans. L'Auvergnat ne le quittera que 60 ans plus  tard. Sa disparition m'a tellement surpris et ému que je n'ai pas trouvé mes mots. En guise d'ultime bafouille donc, je reproduis ici cet article du journal "Les Nouvelles" à la tête duquel je l'ai succédé lorsque le régime Ravalomanana l'a expulsé, ainsi qu'un autre journaliste, Olivier Péguy et le père Sylvain Urfer.

 

Madagascar, presse, journalisme, Christian Chadefaux, Randy Donny

Pourquoi Christian Chadefaux a été expulsé

    

Au lendemain du décès du rédacteur en chef fondateur des Nouvelles, il est juste que la vérité soit dite sur un événement qui a fait couler beaucoup d’encre.

On a toujours connu Christian pour son franc-parler un peu frondeur. Sa volonté de quitter L’Express pour créer Les Nouvelles n’a fait que libérer son esprit libre. Malheureusement, le quotidien a été créé sous le règne de Ravalomanana dont on connaît le peu d’appétit pour la chose écrite et l’humour.

Tout a commencé par un papier anodin dans les Marchés Tropicaux, qui faisait le parallèle entre feu Herizo Razafimahaleo dont Christian admirait le parcours et l’intelligence, et Ravalomanana dont il moquait l’inculture. Cet article se finissait sur le meilleur état de santé du cadet, ce qui a mis le président de l’époque dans une grande fureur.

Entretemps, sa liberté de parole lui avait fait écrire un mail assassin sur la moralité et la compétence de Rolly Mercia et Alphonse Maka auprès de L’union de la Presse francophone. Ces derniers ont alors déclenché une vendetta qui a conforté Ravalomanana dans le fait que les confrères ne bougeraient pas. Ce qui a été le cas. Même si Christian Chadefaux a fait toute sa carrière dans la presse malgache, il est resté le vazaha donneur de leçon aux yeux de grand nombre d’entre ceux qui sont passés par son apprentissage brutal.

Deux événements ont accéléré une décision prise sous la colère. Les procédures balbutiantes du quotidien qui en était à ses débuts, ont permis que le caricaturiste passe lors du passage de Kofi Annan secrétaire général de l’ONU une blague de mauvais goût. «On nous confie un âne». Qui méritait tout juste qu’on se moque du peu de finesse du calembour mais qui a provoqué l’ ire du Président, des appels du Premier ministre et des ministres pour exprimer sa colère.

L’esprit facétieux de Christian a pu se défouler lorsque, tout heureux d’avoir un scoop, il a appris que le fils Ravalomanana allait se marier à une Bulgare. Le jeu de mots sur le yaourt au goût bulgare est venu se loger dans l’éditorial. Cet article a été discuté en conseil de gouvernement. Pour si peu…

 48 heures pour quitter le pays quand on y a été 6 décennies… La sanction, malgré toutes les interventions et supplications, a été appliquée. Nous avons été peu nombreux à l’accompagner à Ivato pour un départ définitif qui l’a laissé amer et désabusé sur le pays et surtout ses dirigeants. Il y avait une incompatibilité entre la présence d’un esprit libre et le régime autocratique de Marc Ravalomanana. De la même manière qu’a été expulsé Paul Giblin, directeur général de la banque MCB, dont la grande erreur a été de laisser apparaître un léger mépris pour le guide suprême. Ou le Père Sylvain Urfer dont les critiques étaient trop diffusées internationalement.

A l’heure où dans le monde, on voit les extrêmes se banaliser et s’installer au pouvoir, il est de notre devoir de rester vigilant. On ne peut pas laisser le pouvoir aux mains d’incultes aux idées courtes qui n’ont aucun sens de l’humour. Il y va de la survie de l’humanité. En tout cas de celle dont on défend les idéaux. Au-delà de cette page d’histoire qui se referme avec la mort de Christian Chadefaux et au lendemain de la célébration de la Journée de la liberté de la presse, il est impératif de se retourner sur 300 jours d’un code de la communication liberticide. Les pouvoirs qui se sont succédé ont tous eu la tentation de museler la presse et les médias. C’est une bataille qu’ils peuvent parfois gagner, mais la guerre est perdue d’avance. De Ratsiraka à Ravalomanana, aujourd’hui Rajaonarimampianina, la liberté de l’ esprit a toujours finalement vaincu. Même au fait de leur puissance, les présidents fondateurs doivent garder à l’esprit qu’au Gondwana, leur pouvoir est éphémère…

N. A.

13/05/2017

13 mai, que reste-t-il de nos révoltes ?

La révolte du 13 mai 1972 a 45 ans. Et bien, j'en ai déjà fait le bilan à mi-parcours. Il y a 21 ans, en 1996, j'ai écrit cet article pour "L'Express de Madagascar". Mon avis n'a pas changé. Je l'ai même confirmé ici. Pour ceux qui ont la mémoire courte.

13 Mai ; Pour la jeune génération actuelle, cela évoque surtout cette place au milieu de l’Avenue de l’Indépendance où la foule se pressait pour écouter les élucubrations des meneurs de la « Révolution des chapeaux », en 1991.

13 Mai. Pour les quadras, c’est davantage 1972. Les « tsak, tsak ! » de Tsiranana, les arrestations et Nosy Lava. Une simple protestation estudiantine qui aboutit à un changement de régime. (En considérant également 1991, l’on se demande des fois si les changements de régime par mouvements populaires ne tendent pas à devenir une habitude au pays).

Mai 1972 a été un grand tournant dans l’histoire de Madagascar en marquant le refus des Malgaches du « néo-colonialisme » (symbolisé par l’accord de coopération avec l’ancienne métropole). Un refus qui tire ses origines dans une fierté nationaliste doublement frustrée par le débâcle de mars 1947 et les négociations à l’amiable de l’Indépendance nationale.

Madagascar, 13 mai, 1972, Randy Donny

A Madagascar, on sait mettre le feu, mais on est incapable de l'éteindre. Les Malgaches seraient-ils pyromanes ? Ici, les locaux du quotidien "Courrier de Madagascar" incendiés par les révoltés du 13 mai 1972.

Le mouvement ’72 aura 25 ans d’ici l’année prochaine. Une occasion pour nous d’apprécier, dès maintenant, ce qui s’est passé entre-temps.

  • Sur le plan économique : la résiliation de l’accord de coopération franco-malgache, censée apporter le complément indispensable à l’indépendance à l’indépendance politique, n’a mené qu’à une impasse (surtout à cause de l’utopie socialiste). D’où l’obligation, pour Madagascar, de conclure un autre accord (celui d’avec les institutions de Bretton Woods) beaucoup plus contraignant que celui vomi par mai ‘72
  • Sur le plan culturel : le mouvement a permis l’émergence de la chanson engagée. Mahaleo, Rambao (dont la composition « Rotaka » fut interdite d’antenne), Ralay… Que sont-ils devenus ? Rambao s’est englué dans la variétoche, s’est embourgeoisé avant de se convertir en jazz façon Django Reinhardt. Sans paroles. Dama, le charismatique leader de Mahaleo, lui, a été élu député de Madagascar grâce à sa seule notoriété. Apparemment, son séjour à Tsimbazaza l’a changé sur de nombreux points. Ses duos avec le pasteur des financements parallèles, par exemple, a déjà indisposé une partie de son électorat. Autant mourir comme Ralay…
  • Sur le plan politique, la grève a été pour certains l’occasion d’un « baptême de feu » politique (Manandafy, Olala,…), Pour d’autres, un apprentissage de pouvoir politique pendant la parenthèse Ramanantsoa. Parmi ces derniers : Ratsiraka et ZafyAlbert, les deux ténors des régimes qui vont s’ensuivre. D’où une curieuse constatation : si mai ’72 a bel et bien renversé un régime, il n’a pas mis fin pour autant au vieux plan colonial de garder une main sur les affaires de Madagascar, même après son indépendance. Le particide du MDRM (jugé trop anti-français) ayant principalement pour but de laisser le champ libre au « sympathique » Padesm. Ainsi, Tsiranana le père a été Padesm avant de fonder le PSD. Ratsiraka, fils et gendre de Padesmnous permettent bien des surprises…

 En plein cœur de la capitale, une des plaies laissées par mai ’72 demeure encore béante : l’Hôtel de Ville, symbole républicain s’il en est. Mais qui s’en préoccupe ? Le nouveau maire de Tana a d’autres trous à combler. Le palais de la Reine, par exemple,… Esprit ’72, où es-tu ?  

Randy

«L’ Express de Madagascar » du lundi 13 mai 1996  pp.16